Cet homme devait être ambitieux sur Terre. Contre le gré de son Dieu, il ne devait jamais être invoqué dans un autre monde. Il perds tout du jour au lendemain en étant transporté dans un univers avancé technologiquement. Son désir premier n’est pas de rentrer chez lui. Il doit plutôt affronter des défis de taille dans un monde où politique, business et guerre s’entremêlent, tout en apprenant à maîtriser les nouveaux dons qu’il a acquis dans ce nouvel environnement.
LES PERSONNAGES
PROLOGUE - TELLUS
Jamais auparavant dans ma vie divine, je n’ai été témoin d’une telle situation. C’est impossible et cela ne devrait jamais s’être produit. Les habitants du monde d’Izanagi ont complètement perturbé l’équilibre de l’univers. Malgré toutes les avancées technologiques et magiques qui ont existé depuis l’aube des temps, ils sont les seuls à avoir réussi à invoquer un être d’un autre monde sans qu’un dieu ne puisse intervenir…
J’ai perdu l’espoir de ma planète à cause d’un accident, et je suis impuissante pour le ramener moi-même. Les règles divines sont absolues et ne peuvent être enfreintes, au risque de provoquer une guerre. Je ne peux pas intervenir et récupérer l’habitant de ma planète, car il fait désormais partie intégrante du monde d’Izanagi.
Il est primordial que Izanagi ne soit pas mis au courant, sinon Alden subira des conséquences terribles.
Pourquoi toi, parmi tous les résidents de la Terre ?
Notre univers est régi de telle manière que chaque monde possède son propre dieu. En tant que déesse de la Terre, je suis Tellus. Malheureusement, mon monde se meurt de plus en plus, et j’ai abandonné sa destinée aux mains de ses habitants pendant des millénaires. Était-ce une décision judicieuse ? Je ne saurai jamais la réponse.
J’avais pourtant pris la décision de faire quelque chose à ce sujet. J’avais l’intention d’initier un changement et j’avais des projets pour certains humains, en commençant par un résident plutôt spécial. Malheureusement, mes plans ont été perturbés par la nature humaine, qui a violé les lois divines.
Alden, je serai toujours à tes côtés, même dans ce nouveau monde.
Je vais devoir mobiliser tous mes pouvoirs pour que tu ne repartes pas les mains vides et pour suspendre mon projet…
CHAPITRE 1 - FOREIGNER
Nous avons tous rêvé de posséder une voiture volante, de vivre dans un monde d’hologrammes ou de réalités virtuelles, voire d’utiliser la magie. Nous voulons être uniques, mais de manière positive, reconnue pour nos actions incroyables. Qui n’a jamais souhaité obtenir un prix Nobel ou sauver des vies dans un incendie ? Même les personnes les plus modestes aspirent à être le centre du monde. Ce désir est humain et peut nous amener à des compétitions inutiles, des rivalités destructrices et des conflits absurdes.
Depuis l’apparition de l’homme sur Terre, nos sentiments personnels nous ont souvent poussés aux actes les plus sombres. Cependant, si nous parvenons à orienter notre désir d’être unique vers des actions positives, nous pourrions accomplir de grandes choses : découvrir des remèdes contre des maladies incurables, construire des maisons pour les sans-abris ou protéger l’environnement pour les générations futures.
Le pouvoir et l’argent ne sont pas les seules sources de conflits et de problèmes, certains humains se prenaient même pour des Dieux dans les temps anciens. En fin de compte, tout dépend de la façon dont nous choisissons de canaliser notre désir d’être uniques.
Je souhaite vous parler de quelque chose d’extraordinaire. Je sens leur présence devant moi : deux déesses non humaines, du moins pas comme moi. Outre les pouvoirs surnaturels qui nous confèrent une supériorité physique, c’est la technologie qui peut faire de nous des êtres divins. Elle nous permet de transcender les lois établies par les Dieux fondateurs eux-mêmes.
Nous pouvons devenir des êtres supérieurs, des futurs Dieux, grâce à cette technologie. C’est cela dont je veux vous parler.
̶ On a vraiment réussi maman.
̶ C’était juste un test pourtant. Je ne savais pas que tester le noyau du télétransporteur pouvait faire ça…
̶ C’est une bêtise, non ?
À genoux, je me retrouvais dans un lieu singulier en présence de deux femmes d’ascendance asiatique. La première, relativement jeune, et la seconde, plus âgée, arboraient toutes deux une blouse de laboratoire blanche ornée d’un symbole que je ne parvenais pas à identifier. Leurs cheveux vert foncé se mariaient harmonieusement avec leurs yeux, et leur voix révélait une beauté qui ne m’échappait pas. Nous étions entourés d’une technologie que je n’avais jamais vue auparavant, excepté dans les films et les séries de science-fiction. Il était évident que je n’étais plus en train de faire mes courses paisiblement. J’avais été transporté, sans que je ne comprenne comment, depuis le supermarché du coin jusqu’à un laboratoire futuriste.
̶ Il est complètement différent de nous, tu crois qu’il parle notre langue maman ?
̶ Appelle moi Présidente Kanegawa quand on est au boulot Midori.
̶ Pardon Présidente.
̶ Cheveux blond et yeux bleus. Première fois que je vois des yeux aussi clairs que de l’eau.
Je parvenais à comprendre ce qu’elles disaient, du moins suffisamment pour réaliser que leur entreprise aurait dû échouer et que la femme plus âgée était la mère de la jeune femme. Étonnamment, elles parlaient en japonais. J’avais un niveau intermédiaire dans cette langue, suffisant pour comprendre et répondre si nécessaire.
J’avais appris cette langue car j’avais l’intention de vivre au Japon à l’avenir. Mais comment étais-je arrivé ici, dans ce laboratoire futuriste, alors que mon pays d’origine était situé à plus de douze mille kilomètres de distance ? C’était impensable.
̶ Il ne nous comprend vraiment pas. Il regarde partout.
C’était légèrement amusant de voir la jeune fille, penser que je ne comprenais pas ce qu’elle disait. J’étais juste en train de réfléchir, si j’étais bien au Japon ou autre part.
̶ Ingénieur Fujimori !
̶ Oui Madame la Présidente !
̶ Créez-moi un traducteur avec un noyau magique ! Trouvez une solution !
̶ Tout de suite Madame la Présidente.
̶ Maman – Madame la Présidente, comment allons-nous traduire sans base de données linguistiques pour cette planète ?
Qu’une seule langue ? Mes soupçons étaient confirmés. J’étais bel et bien dans un monde alternatif à la Terre.
̶ Excusez-moi…
Je me suis mis à parler en japonais. Les mots que j’ai prononcés ont suffi à les faire sursauter et à me regarder avec étonnement.
̶ Pourriez-vous m’expliquer la situation s’il vous plaît ?
Je me suis adressé à la femme plus âgée, car j’ai compris qu’elle était la plus haute gradée.
̶ Il parle vraiment en Yamato, je n’en reviens pas.
̶ Yamato ? Voulez-vous dire le japonais ?
̶ Le japonais ? Qu’est-ce que c’est ?
Ce n’est pas du japonais pour eux ? Pourtant, je le parle et le comprends un minimum.
̶ Pour moi, vous êtes en train de parler une langue de mon monde natal, qui s’appelle le japonais.
̶ Dans votre monde, notre langue existe ?
̶ Oui, mais ce n’est pas le Yamato. Même si je sais ce que ça veut dire.
En réalité, l’utilisation du terme Yamato n’est pas incorrect. Dans mon monde, le pays que nous appelons le Japon a été désigné sous ce nom par un groupe de personnes, et c’est par la suite que les langues étrangères l’ont surnommé ainsi.
Dans l’histoire ancienne du Japon, le peuple majoritaire s’appelait effectivement le peuple Yamato, et leur langue était connue sous le nom de langue Yamato, qui correspond à la langue japonaise actuelle. J’avais lu cela lorsque je m’intéressais à la culture japonaise.
Cependant, étant donné que je me trouve dans un monde alternatif, il est possible que les événements qui ont eu lieu dans mon monde aient divergé à partir du 3ème siècle après Jésus-Christ, ce qui expliquerait pourquoi la planète entière parle japonais. Mais comment cela a-t-il pu se produire reste un mystère.
̶ D’où venez-vous, qui êtes-vous ?
La présidente commençait à me poser des questions sur moi, mais je commençais à avoir un mal de crâne à force de parler une autre langue dont je n’avais plus l’habitude.
̶ Excusez-moi, je n’arrive plus trop à parler votre Yamato. Ce n’est pas ma langue natale après tout.
̶ Je vois, désolé du désagrément. C’est notre faute. Nous allons vous créer une technologie magique de traducteur instantané. Cela vous permettra de parler parfaitement le Yamato.
̶ J’ai rien compris.
̶ Ah.
Elle soupirait de sa méprise à ma compréhension. Mais de mon côté elle m’a perdu à “créer”. C’était trop complexe dans une autre langue.
Je me suis installé confortablement, avec une tasse de thé chaud et des mochis pour me restaurer. Même dans ce monde inconnu, les traditions culinaires restent les mêmes.
Je contemplais attentivement les opérations des chercheurs tout en dégustant ma tasse de thé. J’étais confiné dans une pièce dont l’élément central était une technologie de type téléporteur, similaire à celle observée dans les productions cinématographiques. Cette structure se composait d’un anneau et d’une plateforme circulaire connectée à un générateur volumineux. La lumière de la pièce était artificielle, excluant toute pénétration de rayons solaires. Il est probable que je sois localisé en sous-sol ou en des lieux similaires.
Cependant, plus je vidais ma tasse de thé, plus j’éprouvais une certaine inquiétude. Après tout, je venais juste d’être téléporté dans un endroit totalement inconnu pour moi, sans aucune idée de ce qui allait se passer. Peut-être que même Adam et Eve n’avaient pas existé dans ce monde alternatif.
Étais-je devenu un cobaye malgré moi ? L’avenir était incertain et je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait.
̶ C’est fait Présidente !
J’avais compris que le traducteur était terminé. Ça fait au moins 3 heures depuis ma téléportation. Je ne sais pas si c’était rapide ou pas, je ne m’y connais pas en technologie du futur.
̶ Donnez-le-lui afin qu’on puisse parler.
̶ Bonjour Monsieur, je suis l’ingénieur Fujimori. Ceci est un écouteur de traduction automatique. C’est grâce à une pierre magique qui va perm-
̶ Je ne comprends rien.
L’ingénieur, aussi brillant soit-il, s’est retrouvé dans une situation embarrassante. Il avait conçu un dispositif pour que je puisse comprendre sa langue, mais il continuait à me parler dans sa langue de façon encore plus complexe.
̶ C’était très idiot Ingénieur Fujimori.
̶ Désolé Présidente.
Je mettais l’oreillette dans mon oreille droite. J’ai eu un peu mal lorsque je l’ai mise. Comme si je m’étais pris de l’électricité statique dans l’oreille.
̶ Tout va bien ? Vous avez mal quelque part ?
C’est incroyable ! J’arrive à comprendre tout ce qu’ils disent.
En fait, c’est comme si cette langue m’était naturelle, comme si c’était ma langue maternelle. Bien sûr, je suis conscient que ce n’est pas ma langue maternelle, mais cela me semble si fluide. Est-ce ainsi que se sentent les personnes bilingues ?
̶ Tout va très bien maintenant.
̶ Parfait, ça fonctionne ! Donc mainten-
Je me levais de ma chaise. Vu que nous pouvions discuter sans problème et de façon complexe. Je n’allais pas me laisser manger alors qu’on vient de me voler mon monde.
̶ Donc maintenant, vous allez surtout calmer vos ardeurs et me donner des explications à cette situation. Vous n’aurez aucune réponse de moi, tant que vous n’aurez pas répondu à mes propres questions.
Il n’y avait plus aucun bruit dans le laboratoire. Ils étaient tous choqués de mon tempérament, alors que ces trois dernières heures, j’étais poli et calme.
̶ Est-ce que c’est compris ?!
̶ Oui !
Tout le monde affirmait. J’étais content, c’était la première fois que j’avais de l’autorité.
J’avais tellement de questions à poser et je ne savais pas par où commencer.
̶ Qui êtes-vous ?
La mère et la fille se regardaient.
̶ Je vais tout vous dire. Je m’appelle Kanegawa Ayame et voici ma fille Kanegawa Midori. Je suis la présidente de la firme Kanegawa Industries. Toutes les personnes présentes ici, sont mes employés.
̶ J’ai compris que vous vous êtes trompés. Vous n’auriez pas dû m’invoquer ?
̶ Vous invoquez ? C’est le bon terme.
La présidente s’est détournée de moi pour se diriger vers les consoles informatiques derrière elle. Elle a appuyé sur un bouton et soudain, tout a changé. Le noir complet qui nous entourait a été remplacé par une vue spectaculaire depuis le sommet d’une tour gigantesque. Nous n’étions pas dans un sous-sol, mais dans une ville futuriste qui mélangeait la culture japonaise et royaliste. La lumière naturelle qui inondait la pièce mettait en valeur la beauté du paysage. C’était époustouflant.
̶ Bienvenue dans le Royaume d’Himeji ! L’un des plus grands de ce monde et l’un des plus avancés technologiquement parlant.
Je m’avançais des fenêtres et contempler la beauté de cette ville, que je ne pouvais que voir dans les films.
̶ C’est incroyable.
̶ C’est magique n’est-ce pas ?
Midori s’exclama se tenant debout à côté de moi.
̶ Si c’est un Royaume, est-ce que le château est situé là-bas ?
J’étais dans la tour la plus grande de la ville apparemment, mais le château était bien plus haut. Car il était posé en haut d’une colline, surplombant le reste de la ville. Il a dû être construit ici afin de montrer aux citoyens, la grandeur de la royauté.
̶ C’est le Château de la Princesse. La Princesse Miki Kiyomi. Elle dirige le pays.
̶ Elle dirige ? Votre civilisation opte pour une monarchie ?
̶ Ça vous intéresse ?
̶ En effet, je présume que vous n’avez aucun moyen de me faire retourner sur mon monde d’origine. Donc je vais être obligé de vivre ici.
̶ Malheureusement, vous avez tout à fait raison. Votre invocation n’était pas prévue, donc nous n’avons pas du tout créer le nécessaire pour vous renvoyer. Je pense même que cela est impossible.
̶ J’en étais sûr.
En moi, ne subsistait qu’une envie : hurler de toute mes forces. J’avais été enlevé contre ma volonté, abandonnant ainsi ma famille et ma fiancée, sans espoir de retour en arrière. J’étais en colère et très triste.
̶ Pour répondre à votre question. Notre pays est une monarchie absolue. C’est la famille royale qui détient les pleins pouvoirs.
̶ Vous voulez dire que votre princesse détient tous les pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires ?
̶ Tout à fait c’est le but d’une monarchie. La princesse est considérée comme le chef suprême de l’État et est responsable de la gestion de toutes les affaires du gouvernement.
̶ Cela me semble un peu étrange que tout le pouvoir soit entre les mains d’une seule personne.
̶ Pourquoi il ne pourrait pas l’être ? Cela a toujours été comme ça.
̶ Mais cela ne peut-il pas conduire à des abus de pouvoir et à une concentration excessive du pouvoir entre les mains de la princesse ?
̶ C’est vrai. Cependant, le système fonctionne bien jusqu’à présent et la princesse est considérée comme le gardien de la tradition et de la culture du pays. C’est pourquoi il est important que la monarchie respecte les droits et libertés individuels et que le système judiciaire soit indépendant et équitable.
̶ Vous êtes heureuse ?
Lorsque j’ai posé ma question, elle a semblé prise de court. Il est vrai qu’une question qui surgit de nulle part peut être surprenante. Cependant, après qu’elle m’ait expliqué le système politique de son monde, j’ai pu constater que la qualité d’un pays se mesure au bonheur de ses habitants. J’ai alors regardé autour de moi et j’ai remarqué que tous étaient attentifs et à l’écoute, certains souriaient, d’autres chuchotaient en riant. Personne ne semblait maussade ou abattu, ce qui était bien différent de mon propre monde.
Elle regardait sa fille, qui était à côté de moi, mais à son opposé, vu que j’étais au milieu d’elles.
̶ Très heureuse, en effet.
CHAPITRE 2 - CONTRASTE
Son sourire m’a inspiré une grande confiance, non seulement en moi, mais également en eux. Comment ces gens pourraient ils être mal intentionnés avec une telle joie de vivre ?
Toutefois, malgré cela, je me sentais quelque peu mal à l’aise. Je n’étais pas habitué à tant de bonheur. Je savais que je n’étais pas malheureux, j’ai une famille aimante et une fiancée que j’aime énormément. Cependant, mon monde n’était pas le plus agréable, et surtout à l’heure où je vous parle, mon pays n’était pas bien gouverné. L’état du monde, tel que rapporté quotidiennement dans les médias, avec les guerres, les crises économiques, écologiques et politiques, finissait par te rendre malheureux.
Bien que mon pays soit une République démocratique, où le pouvoir appartient apparemment au peuple, je me rends compte que ce n’était peut-être pas la meilleure chose à faire. Cet univers en est un exemple. Je ruminais beaucoup et réfléchissais excessivement. A quel moment de l’histoire aurait-il fallu agir différemment pour que ce type de système politique émerge ? Quelles décisions auraient dû être prises pour que le monde politique que nous connaissons aujourd’hui prenne forme ?
Dans l’histoire de mon monde que je connais, je sais que le Japon était autrefois divisé en plusieurs petits royaumes rivaux. Cependant, j’ai appris que c’est le royaume de Yamato qui a commencé à prendre de l’importance en devenant une puissance centrale et en absorbant progressivement les autres royaumes. Cette période était marquée par l’émergence d’une influence culturelle importante venant de la Chine et de la Corée, mais il est peu probable que le Japon ait influencé ces pays à cette époque.
En effet, l’Empereur du royaume de Yamato avait consolidé son pouvoir en adoptant des éléments de la culture chinoise.
Je me demande si le Japon a eu une influence suffisamment importante pour avoir tout influencé. Si c’était le cas, il y a de grande chance que le Japon serait sorti du lot. Cependant, je n’ai pas suffisamment d’éléments pour répondre à cette question avec certitude.
̶ Monsieur ?
La Présidente me sortit de mes pensées alors que j’avais l’air perdu. Mon esprit se déconnecte souvent de l’environnement lorsque je réfléchis intensément.
̶ Oui, pardon excusez-moi.
Midori s’approchait de moi en fixant intensément mes yeux.
̶ Vous avez des effets secondaires de l’invocation, vous avez l’air absent ?
̶ Je n’ai rien de particulier, mais je pense que j’ai besoin de repos car j’ai reçu trop d’informations.
Effectivement, du repos ne serait pas de refus. Il faut que je mette un point à ce que je vais faire maintenant. Il risque peut-être de me lâcher en pâture dans leur pays. Comme un citoyen lambda.
̶ Vous avez raison, mais nous allons d’abord vous emmener à l’infirmerie pour vérifier que votre corps n’a pas de problèmes. Nous effectuerons tous les tests nécessaires pour vous rassurer. Ensuite, nous allons préparer une chambre pour que vous puissiez vous reposer.
̶ Merci beaucoup ! Je vais passer mon tour pour la dissection et me contenter de voler en éclats à travers cette baie vitrée !
La Présidente et Midori riaient, ce qui me faisait penser que ce que j’avais dit était ridicule. Pourtant, je suis sûr que tout le monde aurait été effrayé à ma place.
̶ Ne vous inquiétez pas, notre entreprise n’a pas les moyens nécessaires de vous disséquer et puis la baie vitrée est incassable.
̶ VOUS NE ME RASSUREZ PAS ! SI VOUS AVIEZ LES MOYENS, VOUS L’AURIEZ FAIT ?
Elles riaient de plus belle, tandis que moi, j’étais en panique.
Pour me rassurer, Midori posait sa main sur mon épaule.
̶ Je ne sais pas dans quel monde vous vivez, mais je vous promets que nous ne ferons pas ça, croyez moi.
La présidente, commençait à se diriger vers l’autre bout de la salle.
̶ Je vous laisse me suivre, de très près par contre. Je ne vous l’ai pas déjà dit, mais…
Elle s’est arrêtée un instant et m’a regardé de manière étrange, comme si elle avait oublié quelque chose.
̶ J’ai oublié votre nom, c’est quoi déjà ?
̶ IL ETAIT TEMPS QUE VOUS ME LE DEMANDIEZ !
̶ Je ne l’ai pas fait ?
̶ Maman, quand même, c’est impoli…
Je me sentais exaspéré par la situation et j’ai commencé à regarder Midori et devenait légèrement impoli, moi aussi, en commençant à arrêter de la vouvoyez.
̶ Toi aussi tu ne me l’as pas demandé.
Elle me regardait également et semblait amusée par la situation.
̶ J’ai oublié aussi.
Elle a rattrapé sa mère et toutes les deux se sont mises à me regarder. La porte du laboratoire s’est ouverte, réfléchissant une lueur blanche à travers la lucarne. À cause de la grande baie vitrée qui laissait entrer beaucoup de lumière, mes pupilles étaient très dilatées, ce qui rendait difficile l’adaptation à une pièce plus sombre, je ne voyais pas très bien.
À travers cette lueur éblouissante, je pouvais distinguer les deux femmes qui me montraient la sortie.
̶ Venez découvrir avec nous la vaste société qu’est Kanegawa Industries.
Malgré ma colère, j’étais curieux et excité à l’idée de découvrir ce monde. Je me suis approché d’elles pour les suivre, et avec un petit souffle de nez et un léger rictus de la bouche, j’ai finalement dévoilé mon nom.
̶ Appelez moi Alden Rossi.
CHAPITRE 3 - RESULTATS
Alors que nous nous dirigions vers l’infirmerie, nous traversions les couloirs de l’entreprise. La présidente Ayame m’avait révélé quelque chose de choquant qui expliquait pourquoi elle m’avait demandé de rester près d’elle. Nous croisions uniquement des personnes d’origine asiatique, ce qui était normal dans ce monde alternatif du Japon. Cependant, ce qui était inhabituel, c’est qu’il n’y avait pas de personnes à l’apparence caucasienne. D’après la présidente, mon apparence était si unique que les habitants pourraient être choqués en me voyant, soit positivement, soit négativement. Je me demandais ce qui avait pu se passer dans leur histoire pour que tous les habitants soient asiatiques. Cette question me taraudait constamment. En même temps, j’étais également impressionné par l’architecture futuriste de l’établissement dans lequel nous nous trouvions.
Il était évident que l’époque dans laquelle j’étais projeté avait considérablement avancé dans le futur pour pouvoir concevoir une infrastructure aussi raffinée et élégante. Des hologrammes indiquaient les noms des différents secteurs et certaines personnes portaient des bracelets multifonctions qui remplaçaient leurs téléphones. Ces bracelets étaient dotés d’écrans holographiques permettant d’accéder à internet et de participer à des visioconférences. Tout ce qui était disponible sur un téléphone dans mon monde était désormais accessible sur ce bracelet de manière holographique, ce qui était exactement ce que j’avais toujours souhaité. Cependant, j’ai également pu remarquer des défauts notables dans cette technologie.
Malgré les avancées technologiques remarquables, je n’avais pas encore eu l’occasion de rencontrer ce que je désirais le plus : les androïdes. Il me semble qu’ils n’existaient pas dans ce monde, ce qui m’inquiétait grandement compte tenu de son niveau de développement technologique.
̶ Nous y sommes Monsieur Rossi.
Ayame m’escorta jusqu’au cabinet médical de l’entreprise, qui était bien plus qu’une simple infirmerie étant donné que la société employait plus de 10 000 salariés. Il était évident qu’une simple infirmerie ne suffirait pas à couvrir l’intégralité du bâtiment. En effet, Kanegawa Industries comptait parmi ses employés des chercheurs et des médecins émérites, considérés comme les meilleurs du pays.
Alors qu’un homme vêtu d’une blouse similaire à celles portées par Ayame et Midori s’approchait de nous, j’ai remarqué que celle-ci était de couleur bleu ciel. Il était probable que cela servait à différencier les secteurs d’activités. L’homme n’avait pas encore remarqué ma présence, mais il s’est approché de la présidente avec une grande excitation.
̶ Madame la Présidente ! C’est agréable de vous voir aujourd’hui, avez-vous besoin de …. AHHHHHHHHH !
L’homme s’est mis à crier et à tomber sur ses fesses en me fixant. J’ai essayé de m’approcher pour participer à la conversation, mais cela n’était pas une bonne idée..
La réaction de l’homme à la vue de mon visage m’a laissé stupéfait. Ayame et Midori ont réagi avec indulgence, considérant qu’une réaction excessive était normale étant donné qu’il n’y avait personne d’autre dans ce monde avec un visage comme le mien.
J’ai tendu la main à l’homme pour l’aider à se relever, mais son cri a attiré l’attention de tout le monde, y compris le personnel médical qui chuchotait en se demandant qui j’étais.
̶ Vous allez bien monsieur ? Vous ne vous êtes pas fait mal ?
Lorsque j’ai commencé à lui parler, l’homme a finalement repris ses esprits et s’est levé en s’aidant de ma main avant de s’incliner immédiatement.
̶ Je suis vraiment désolé de ma réaction monsieur !
La situation avait fini par me mettre mal à l’aise, mais je pouvais comprendre la réaction de l’homme étant donné les circonstances exceptionnelles. C’était un peu comme si vous deviez rencontrer des extraterrestres, n’est-ce pas ?
̶ Ce n’est pas grave, je comprends la situation. Je suis désolé que mon visage si moche, ait pu vous surprendre.
̶ VOUS N’ÊTES PAS MOCHE !
Midori et tout le personnel soignant féminin ont prononcé ces mots en chœur. J’ai été tellement surpris que j’ai sursauté, car c’était parfaitement synchronisé. La clinique est restée silencieuse. J’ai regardé Midori qui était toute rouge, ainsi que le reste du personnel qui ne savait plus où se mettre.
Ayame s’approchait de moi avec un sourire amusé dans les yeux.
̶ Rossi, je crois que vous vous trompez sur un point.
̶ Qu’est-ce que vous voulez dire Présidente ?
̶ Lorsque je vous ai averti que votre apparence physique pourrait poser problème, ce n’était pas dans un sens négatif. En fait, nous n’avions jamais vu quelqu’un d’aussi beau. Pour la plupart des gens, vous seriez considéré comme l’idéal à incarner.
̶ Foutaise.
Je me sentais véritablement blessé par ce qu’elle avait dit, non pas parce qu’elle m’avait complimenté sur mon apparence, mais plutôt parce que ces gens-là semblaient rêver d’avoir un physique comme le mien. Ce genre de pensée m’horripilait car j’étais convaincu que chacun, quelles que soient ses origines, avait une beauté unique qui le définissait. Dans mon monde, j’avais côtoyé une incroyable diversité, et chaque individu avait sa propre beauté, son charme particulier. Bien sûr, dans mon monde, certaines personnes d’origine asiatique avaient recours à la chirurgie pour agrandir leurs yeux et se rapprocher des standards occidentaux. Mais pour moi, cela équivalait à renier leur identité, et je trouvais cela profondément regrettable.
Je me sentais un peu coupable, craignant que ma simple présence ne mette en danger leur propre identité.
̶ Docteur Miyama, je vous présente Alden Rossi.
Pour l’instant, il est le plus grand secret de l’entreprise et je vous prie de garder son identité confidentielle. Tous les employés de Kanegawa Industries seront également tenus au secret.
̶ Bien reçu Madame la Présidente.
̶ Pour être sûr de l’absence d’effets secondaires, j’aimerais que vous, en tant que médecin en chef de la clinique, procédiez vous-même à tous les examens de santé de Monsieur Rossi. Il vient d’une autre planète, un autre monde et nous ne savons pas si son arrivée aura des conséquences sur sa santé ou sur la nôtre.
̶ Attendez, vous voulez dire que cette pers…
Ayame interrompit immédiatement sa question, montrant son impatience.
̶ Dans quelques heures, je vous enverrai le rapport dont il est question. Toutefois, veuillez noter que je ne suis pas en mesure de répondre à d’autres questions pour le moment. J’ai juste besoin de vous pour cet examen, c’est compris ?
̶ Je m’en occupe de suite.
̶ Midori, je te confie Rossi. Je dois faire un compte-rendu de la situation. Si tu rencontres le moindre problème, n’hésite pas à me contacter par vidéo.
̶ Bien reçu !
Alors qu’Ayame quittait la pièce, je me suis retrouvé seul avec le docteur Miyama et Midori.
̶ Monsieur Rossi. Suivez moi, nous allons commencer l’examen médicale.
Finalement, j’ai suivi le docteur alors que les infirmières me scrutaient de haut en bas, comme si j’étais une proie. Elles discutaient de moi comme si j’étais un mannequin entrant dans la pièce. Il est vrai que je suis plus grand que la moyenne, assez élancé, mais peu musclé et plutôt mince. J’ai l’impression que personne n’osait travailler en ma présence. C’est pourquoi nous sommes entrés rapidement dans une autre pièce, évitant tout contact visuel.
Nous nous trouvions dans le bureau du docteur en chef de la clinique. Une pièce spacieuse avec un petit salon, un bureau et un espace réservé aux examens médicaux. Nous nous sommes installés face à face sur les canapés.
̶ Je vais vous interroger pour votre dossier médical avant de procéder à l’examen physique.
̶ Je m’en remet à vous.
Midori se tenait debout devant la porte, écoutant et observant la scène comme un soldat.
̶ Votre âge.
̶ 26 ans.
̶ Votre origine.
̶ Terrien.
̶ Terrien ?
̶ Je suis né en France sur la planète Terre. Dans le système solaire.
̶ Maladie particulière ?
Il m’a posé un nombre incalculable de questions qui semblaient interminables. Je ne saurais dire combien il en a posé, tellement il y en avait. Lors de l’examen physique, il a examiné mes yeux, mes oreilles et mes temps de réaction à la recherche de signes de maladie ou d’effets secondaires éventuels. Bien sûr, il n’a rien trouvé car je me sentais bien. Il a même constaté que j’étais en très bonne santé, bien plus que la moyenne des habitants de ce monde.
C’est plutôt étrange car je suis quelqu’un qui mange mal et ne pratique aucun sport particulier. J’ai souvent des caries. Un être humain normal en fin de compte.
L’examen avait duré plusieurs heures. Nous avions passé un scanner, une IRM et le docteur m’avait examiné en détail. J’espère qu’ils n’invoquent pas des personnes tous les jours, sinon cela représenterait une perte d’argent considérable. En attendant les résultats, j’étais assis sur le canapé dans le bureau du docteur, en train de boire du thé.
Il lisait les résultats finaux avec une expression renfrognée.
̶ Un problème docteur ?
̶ Aucun, c’est pour ça.
̶ Pas de problème, que des bonnes nouvelles.
̶ En réalité, c’est une bonne nouvelle mais aussi inquiétante. Votre corps est en très, très bonne santé. On dirait même que vous êtes un nouveau-né. Vous ne ressentez rien d’inhabituel ?
Sa question a semé le doute en moi. Au fond de ma bouche, j’avais une fausse dent suite à une grosse carie. Les nerfs avaient été retirés et la dent s’était ébréchée au fil du temps. J’avais l’habitude de toucher le trou avec ma langue, mais je ne l’avais pas fait depuis l’invocation. Maintenant rassuré par les résultats des examens, je l’ai fait machinalement, mais le trou n’était plus là. J’ai eu peur et me suis dirigé vers le miroir.
Je ne m’étais pas observé depuis mon arrivée. Quand j’ai ouvert ma bouche, j’ai remarqué que les pansements des caries n’étaient plus là et que ma dent du fond était en bon état. Mes dents étaient blanches et saines. Les légers boutons d’acné que j’avais sur le front avaient également disparu. Ma peau était nette et lisse. J’ai scruté mon visage et mon corps pour repérer tous les défauts, mais je n’ai rien trouvé et effectivement …
̶ Je viens de naître ?
CHAPITRE 4 - RENAISSANCE
Je me suis effondré sur le lit de la suite luxueuse qui m’a été prêtée pour une durée indéterminée. Bien qu’il soit d’un confort inégalé, avec une salle de bain, des toilettes et une cuisine, j’avais tout ce dont j’avais besoin pour y vivre indéfiniment. Cependant, ce n’était pas mon intention.
Allongé sur le dos, je me remémorais la journée écoulée, en particulier l’examen médical et ses résultats surprenants. Pour l’instant, le Docteur Miyama n’a aucune explication quant à l’effet bénéfique de l’invocation sur mon corps. C’est maintenant clair pour moi pourquoi on me trouvait si séduisant. L’effet secondaire de l’invocation était que toutes mes impuretés ont été éliminées, laissant place à une apparence physique des plus parfaites.
Bien que mon visage n’ait pas changé, j’étais au sommet de ma forme physique. Tout en restant allongé sur le lit, je m’amusais avec la caméra de mon téléphone, en prenant des selfies. Je pouvais constater que chaque angle de mon visage était photogénique et que je n’avais plus besoin de filtres pour améliorer mon apparence.
̶ Si je deviens acteur, ça marcherait bien non ?
Bien que j’ai besoin de me reposer, j’étais légèrement excité par la situation. J’avais dû abandonner ma colère car je n’avais pas d’autre choix que de me conformer à la situation actuelle. L’anxiété qui me tenait au creux de l’estomac avait disparu, laissant place à l’excitation.
Je dois passer un examen sportif demain, ce qui est un petit calvaire pour moi. Mais ce sera le dernier examen pour vérifier si tout va bien au niveau de ma condition physique. On vérifiera si la gravité de cette planète n’affecte pas ma performance et si je n’ai pas perdu de force particulière.
Alors que je réfléchissais aux choses que je pourrais faire dans ce monde, mes yeux commençaient à se fermer, jusqu’à ce que j’entende un toc à ma porte, me réveillant alors que je commençais à somnoler.
̶ Elle ne va jamais finir cette journée, c’est pas possible.
Je me suis levé furieux et j’ai ouvert la porte en étant énervé, en parlant de manière impolie à la personne qui frappait.
̶ Quoi ? Je dormais !
C’était Midori, avec des gros yeux et prise de panique.
̶ Midori ! Je suis désolé, je commençais à dormir et…
̶ Pas de problème Alden, c’est ma faute. Je voulais te donner ça pour que tu puisses être déjà prêt pour demain.
Elle tenait deux tenues entre les bras et un bracelet au-dessus de ces vêtements.
̶ Tu auras une tenue pour l’examen sportif et une autre pour porter lorsque tu te baladeras seul dans l’entreprise.
La tenue était sportive et fabriquée à partir d’une matière inconnue pour moi. Elle était très agréable au toucher, comme s’il n’y avait presque pas de tissu. Elle devait être très légère pour courir.
Quant à l’autre vêtement, c’était une sorte de costume composé d’un pantalon de costume noir et d’un blazer vert foncé qui s’accordaient parfaitement ensemble. Il était également de bonne qualité.
̶ Merci Midori, je vais en prendre soin.
̶ Le bracelet sert non seulement de moyen de communication, mais également de support informatique.
̶ En parlant de ça, vous n’avez pas l’écran anti espion dessus ?
̶ Comment ça ?
̶ Peux-tu ouvrir une application sur ton bracelet ?
̶ Bien sûr.
En utilisant son bracelet, elle activa une page qui afficha un moteur de recherche sur un écran holographique de taille similaire à un petit ordinateur portable de 14 pouces. Cependant, je pouvais voir clairement tout ce qui était affiché à l’écran, ce qui signifiait qu’il n’y avait aucune intimité. Tout le monde pouvait voir ce qu’elle faisait sur son appareil.
̶ C’est exactement de cela dont je parle. Même si je me trouve derrière toi, je peux voir à travers l’écran holographique. L’idée serait donc de flouter l’écran lorsque nous ne sommes pas devant, pour préserver la confidentialité. Tu comprends ce que je veux dire ?
̶ Quel serait l’objectif ou l’avantage de cela ?
̶ Cela permettrait de préserver ton intimité, bien entendu !
Ne préfères tu pas éviter que quelqu’un jette un coup d’œil à ce que tu es en train de faire sur ton écran ?
̶ Effectivement. Les gens pourraient utiliser cela de manière plus personnelle ou intime.
̶ Exactement ! Cela mérite réflexion. C’est pourquoi, tant que cela n’est pas totalement au point, je ne l’utiliserais pas, Midori.
̶ Hein ?
J’ai sorti mon téléphone pour lui montrer ce que j’utilisais. Et d’une façon moqueuse, elle me rétorqua :
̶ MAIS JE N’Y CROIS PAS ! C’EST UNE RELIQUE !
̶ C’est un peu méchant de dire ça de mon tout nouveau téléphone.
̶ Je m’excuse pour le terme, mais j’ai vu ce modèle de téléphone dans le musée des antiquités de la ville quand j’étais au collège. Cet objet remonte à plusieurs milliers d’années.
Attend, qu’est-ce qu’elle vient de dire ? Je crois que j’ai enfin compris la temporalité de ce monde. Bien que je n’aie pas encore eu la chance de voir l’extérieur clairement, j’ai pu observer la technologie qu’ils utilisent, à l’exception du téléporteur vers d’autres mondes. J’aurais misé que seulement 500 ans séparaient mon époque de la leur. Cependant, elle vient de m’informer que le smartphone n’existe plus depuis plusieurs milliers d’années ? Donc si cela fait 1000 ans, nous serions aux environs de l’année 3023 ?
̶ Dans mon monde nous en sommes encore là Midori, nous ne sommes même pas aller sur Mars.
Midori ne comprenait pas ma phrase.
̶ Mars ?
̶ C’est une planète qui est la plus proche de mon monde. Nous n’y sommes pas allé encore.
Elle commençait à rire.
̶ Ne t’inquiètes pas nous non plus, nous sommes jamais allé dans l’espace.
Elle continuait à rire comme si mes propos étaient évidents. Mais ce n’est pas vrai ! Rien n’est évident à ce sujet. Comment se fait-il qu’ils n’aient jamais réussi à aller sur une planète ? Ils ont la capacité de téléporter des individus, mais pas de voyager vers une autre planète ? Au fur et à mesure de notre conversation, j’ai réalisé que ce monde était doté d’une technologie avancée, mais qu’il manquait quelque chose ou qu’il y avait un obstacle qui entravait son progrès.
̶ Ça serait un plaisir de continuer ma conversation avec toi Alden, mais il se fait tard. Va te reposer, excuse moi encore.
Elle s’éloignait en direction d’une destination inconnue, en quittant ma chambre. Dès qu’elle a disparu de mon champ de vision, je me suis précipité sur mon lit pour ouvrir une page internet à l’aide de mon bracelet, afin de découvrir davantage d’informations sur ce monde.
̶ Fais moi voir l’histoire dès le début.
***
Malgré mon désir de dormir au mieux, j’ai passé la nuit à découvrir les merveilles de ce monde. J’ai été émerveillé par les informations incroyables que j’ai pu assimiler, bien au-delà de ce que je n’aurais jamais pu imaginer sur Terre. Je me suis vite rendu compte que nous étions en l’an 3240, soit un écart de 1217 ans entre mon monde et celui-ci. Heureusement, j’ai découvert que ce monde n’était pas affecté par la pollution ni la pénurie d’énergie fossile car les habitants utilisent ce qu’ils appellent “le mana”, une forme de magie. Je suis familier avec le concept de mana, qui a été mentionné dans de nombreuses histoires et jeux vidéo sur Terre. Ils utilisent cette énergie inépuisable, constamment renouvelable et présente en chaque être humain pour alimenter leurs appareils. Il est donc inutile d’utiliser autre chose.
Dans un second temps, mes recherches ont confirmé mes soupçons. Selon les textes que j’ai consultés, un événement majeur s’est produit au 3ème siècle après J.C. avec l’apparition de la magie au Japon. Cette énergie n’a pas existé depuis les débuts de l’humanité.
La magie a complètement bouleversé le monde et a entraîné des conflits sanglants entre le Japon, qui avait réussi à la maîtriser, et d’autres pays qui cherchaient à s’en emparer.
Les guerres mondiales et autres événements historiques ont leur importance. Cet événement a façonné le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui. Je commence à comprendre pourquoi il n’y a que des asiatiques et aucun visage caucasien. Il est probable que le reste du monde, trop égoïste, a été anéanti par le Japon qui était devenu des êtres surhumains.
Même si cela me rendait triste, je me suis rendu compte que c’était probablement une question de survie pour tout le monde. Cependant, je savais que je ne pouvais rien faire ni rien dire, car ce n’était pas mon monde et les événements passés appartenaient au passé. Cela me rappelait l’idée qu’il n’est pas juste de reprocher à un Allemand actuel les actes commis pendant la Seconde Guerre mondiale.
Malheureusement, il y avait une mauvaise nouvelle dans tout cela, malgré la bonne. Elle concernait l’espace. Midori m’a avoué qu’ils n’avaient jamais réussi à atteindre une planète. D’après mes recherches, aucun objet ne peut sortir de leur orbite en raison d’un bouclier à grande échelle entourant leur planète, qui empêche toute sortie. Il semble que ce sujet soit même un peu tabou. Selon mes informations, ce bouclier ne serait pas de nature matérielle, mais plutôt magique. Étant un étranger dans ce monde, je me pose des questions, mais je dois les oublier, car cela ne ferait que m’attirer des ennuis.
J’avais effectué des recherches approfondies sur les sujets qui me préoccupaient ou qui me semblaient importants pour naviguer dans ce monde. Bien que j’aie encore beaucoup à apprendre, je suis conscient qu’il est préférable de prendre son temps plutôt que de se presser.
Après m’être douché et préparé en enfilant une tenue de sport, je suis sorti de ma chambre pour me rendre à l’examen. Midori et Ayame m’attendaient à l’extérieur, toutes deux élégantes et pimpantes. Elles se ressemblaient tellement qu’on aurait pu les prendre pour des sœurs, bien que l’une soit nettement plus âgée que l’autre. Je me suis même demandé si la magie résiduelle dans leur corps avait un effet sur leur apparence physique.
̶ Bonjour Monsieur Rossi, nous pouvons y aller ?
̶ Vous attendez depuis longtemps ?
̶ Non, aucunement seulement quelques minutes.
̶ Je vous suis Présidente.
̶ Le programme d’aujourd’hui sera simple et mettra fin à tous les examens. Tout d’abord, nous allons tester votre endurance sur le terrain d’athlétisme, ce qui est essentiel pour vérifier votre condition physique. Ensuite, nous passerons au terrain d’entraînement intérieur pour évaluer vos autres compétences. Nous vous donnerons plus de détails à ce sujet.
Alors que nous nous dirigions vers le lieu de l’examen à travers les couloirs de l’entreprise, Ayame m’a expliqué le programme de la matinée. Même aujourd’hui, les employés me regardaient avec une grande intensité. Bien qu’un communiqué leur ait été envoyé pour les informer de ma présence, cela ne m’a pas permis de passer inaperçu, au contraire. Je me demande s’ils réussiront à s’adapter, mais d’une certaine manière, c’est assez divertissant.
Lorsque nous sommes arrivés sur le terrain d’athlétisme, j’ai pu mesurer l’ampleur de cette entreprise. C’était d’une immensité difficilement concevable. Bien que le terrain se trouvait à l’intérieur, le plafond était équipé d’une technologie qui reproduisait parfaitement la sensation d’être à l’extérieur, avec le soleil, les nuages et le vent. Si on m’avait demandé les yeux fermés de deviner où je me trouvais sans avoir parcouru le chemin, j’aurais sans aucun doute affirmé être à l’extérieur à 100%.
Le terrain ressemblait à un terrain d’athlétisme classique, avec un grand espace vert au centre. Ayame et Midori étaient assises sur les tribunes, situées à l’est, pour me surveiller. Une oreillette était placée dans mon oreille droite pour que je puisse les entendre.
̶ Monsieur Rossi, vos diodes sont-elles bien en place ?
̶ Oui, tout est en place.
La tenue de sport que Midori m’a donnée hier soir comportait des emplacements spécialement conçus pour y insérer des diodes sans fil qui transmettaient mes performances physiques à la tablette d’Ayame. C’était vraiment pratique.
̶ Vous pouvez commencer à courir quand vous voulez.
̶ Je n’aime pas courir, je n’aime pas le sport.
Je me suis mis à trottiner comme on me l’avait demandé. Cela faisait un moment que je n’avais pas couru de demi-fond.
Elle verra bien que je n’ai pas d’endurance.
Je ressentais une sensation plutôt inhabituelle dans mon corps lorsque je trottinais, car je ne me sentais pas fatigué du tout. Peut-être était ce dû au fait que je faisais attention à ma respiration et à ma posture. J’avais pratiqué cela de nombreuses fois dans le passé, peut-être que ça avait laissé des traces.
̶ PLUS VITE !
Comment ça “plus vite” ?
Je ne voulais pas prendre le risque de parler et de me retrouver avec un point de côté, alors j’ai obéi et j’ai accéléré.
̶ PLUS VITE J’AI DIT !
Encore “plus vite” ? Tu veux que je me mette à courir ?
J’ai commencé à courir plutôt qu’à trottiner, mais en faisant attention à ne pas me fatiguer, afin de montrer que j’ai de l’endurance malgré tout.
̶ ALDEN !
Cette fois-ci, c’était Midori qui parlait dans l’écouteur.
̶ S’IL TE PLAÎT, SPRINTE ! COURS DE TOUTES TES FORCES.
Oh et puis merde.
Elles m’ont toutes les deux agacé au point que j’ai cédé, pris appui sur mon pied droit et commencé à courir de manière intensive.
Mais tout semblait figé autour de moi. Ayame et Midori étaient immobiles, la bouche ouverte, car elles me demandaient de courir. Pour ma part, je ressentais à nouveau cette sensation agréable qui m’envahissait. C’était une chaleur très plaisante, mais cela me gênait également. On aurait dit que le sang coulait dans mes veines d’une manière harmonieuse.
Fermant les yeux un instant tout en continuant de courir à pleine vitesse, j’ai visualisé ma course et concentré la chaleur que je ressentais uniquement dans mes jambes. Cela m’a permis de courir à une vitesse inouïe, beaucoup plus rapide que ce que la plupart des gens peuvent atteindre, en seulement quelques fractions de seconde.
J’ai couru à cette vitesse pendant trois tours de piste avant de m’épuiser complètement et de m’effondrer sur le sol.
̶ 480km/h ?!
̶ TU PLAISANTES MAMAN ?!
̶ Sans utiliser de magie en plus de ça… C’est impossible, mais c’est bien indiqué sur les relevés.
̶ Si le terrain mesure 400 mètres, est-ce que cela signifie qu’il a fait 3 secondes pour faire le tour complet du terrain ?
Alors que je gisais essoufflé sur le sol, à l’endroit où j’étais parti, j’entendais Ayame et Midori parler et je comprenais clairement que même pour elles, courir à une telle vitesse était impossible. Pour ma part, j’étais absolument ravi. Courir à une vitesse surhumaine de 480 km/h était tout simplement un rêve d’enfant devenu réalité. Je me sentais complètement comblé et satisfait de cette réussite.
Je percevais deux visages au-dessus de moi qui me masquaient la vue. Ayame et Midori s’étaient rapprochées de moi et me regardaient avec une expression gênée.
̶ Monsieur Rossi, mais qui êtes-vous ?
CHAPITRE 6 - SOURCE
Je fus troublé par cette question : pourquoi me la posait-elle ? Après tout, dans un monde où la magie existe, dépasser les limites humaines devrait être quelque chose d’ordinaire.
̶ Je suis juste Alden Rossi.
̶ Alden, ce n’est pas normal d’être aussi rapide sans magie.
̶ Pourquoi ça Midori ?
̶ Monsieur Rossi, non, je vais t’appeler Alden dès maintenant.
La présidente Ayame avait adopté un ton plus familier à mon égard, marquant ainsi un changement dans sa manière de s’adresser à moi.
̶ La pratique de la magie n’est pas une chose aisée, même si tous les êtres humains de ce monde en ont la capacité. Elle requiert une certaine expertise et il existe des écoles spécialisées pour l’apprendre. Généralement, pour accomplir ce que tu as fait, il faut maîtriser la magie de renforcement, suivie de celle du vent. Or, tu as réussi à le faire sans recourir à aucune magie.
̶ Comment pouvez-vous savoir que ce n’était pas de la magie ?
̶ Il n’y a eu ni d’incantation ni de halo lumineux de mana qui t’entourait. Normalement, tout le monde est plus ou moins capable de ressentir la magie lorsqu’elle est utilisée. Nous n’avons rien ressenti lorsque tu as utilisé cette super vitesse.
̶ Qu’est-ce que c’était, si ce n’était pas de la magie ?
̶ Je ne sais pas.
̶ Vous ne savez pas Présidente ? Vous n’avez jamais vu ça ?
̶ Je ne sais pas ce qui se passe et cela me dérange. Depuis ton invocation, je n’ai plus aucun contrôle sur les événements, ce qui me déplaît fortement.
Bien que je n’aie pas utilisé de magie, j’ai clairement ressenti une sensation de chaleur m’envahir lorsque j’ai utilisé ce pouvoir. Il doit donc y avoir une autre source d’énergie en jeu. Dans mon monde, il existe de nombreuses sources d’énergie décrites dans les livres. Mais ici, je ne sais pas ce que cela pourrait être. Peut-être s’agit-il simplement de dons surnaturels ?
̶ Nous allons passer rapidement à l’examen suivant afin de vérifier tes capacités. Viens avec moi, Alden.
Nous nous sommes dirigés vers le prochain lieu et j’ai remarqué qu’Ayame était très déterminée, sa fibre scientifique refaisant surface malgré la situation incontrôlable. Elle était excitée et cela se voyait. Midori avait également remarqué cela et semblait heureuse de voir sa mère ainsi.
Nous nous sommes précipités vers le prochain examen, situé également à l’intérieur mais dans une salle un peu plus étroite. J’ai immédiatement compris que c’était une salle d’entraînement. Je pense que nous allons passer à l’étape supérieure et cela commence à me faire un peu peur pour la suite.
̶ Le programme est simple Alden.
̶ Je suis prêt Présidente, je vous écoute.
̶ Afin de déterminer la source de mana que tu utilises, je vais te faire parvenir des droïdes de combat que nous avons conçus. Ils sont très agiles, mais ne t’en fais pas, si quelque chose se passe mal, nous interviendrons pour arrêter les droïdes.
̶ Bien… Très bien, je compte sur vous. Je voulais simplement vous informer que je ne suis pas habitué à me battre.
̶ Fais comme si ta vie en dépendait.
Oh ouais, c’est la totale ! Un combat à mort pour un gars ordinaire, c’est comme si on envoyait un chat pour combattre un lion. C’est complètement dingue !
Alors que le droïde fonçait sur moi, j’ai été pris de panique à l’idée de son départ imminent. Je me suis retrouvé pris au dépourvu, sans savoir comment réagir.
Autant jouer le jeu.
J’ai adopté une posture défensive médiocre, comme si j’étais sur un ring de boxe, face à ce droïde qui avait l’air d’une créature féroce, mélangeant traits de chien et de sanglier géant. Je me suis demandé ce qu’ils avaient essayé de créer, car l’esthétique était franchement laide. J’ai maintenu mon regard fixé sur lui, sans savoir quoi faire.
Lorsque le chien-sanglier s’est approché de moi et a sauté pour me mordre au cou, j’ai ressenti à nouveau cette agréable chaleur en moi. J’ai réussi à la contrôler et à l’utiliser pour esquiver l’attaque en déplaçant cette chaleur à travers tout mon corps. Le droïde m’a paru étrangement lent et j’ai facilement esquivé son attaque. Profitant de cette opportunité, j’ai dirigé la chaleur vers ma jambe gauche et lui ai asséné un coup de pied dans les fesses.
Mon coup de pied a projeté le droïde en l’air, le faisant voltiger jusqu’au plafond où il s’est encastré avec force, provoquant une onde de choc qui a fait tomber des débris du plafond. J’étais ébahi, réalisant soudain la puissance incroyable dont j’étais doté.
Je me sentais comme un nouvel être, capable d’accomplir des prouesses extraordinaires. Mon potentiel semblait infini et je réalisais alors que je pouvais non seulement transformer ma propre vie, mais également influencer le monde qui m’entourait de manière inimaginable. C’était comme si mes ailes s’étaient enfin déployées et que j’étais prêt à m’envoler vers des horizons insoupçonnés.
Je vais enfin pouvoir donner un véritable sens à mon existence.
CHAPITRE 6 - SOURCE
Lorsque je me défendais contre les chiens-sangliers, j’ai réalisé que ma force était issue de la chaleur en moi, c’était comme ces habitants de ce monde, une sorte de mana. Cette chaleur intérieure s’épuisait au fur et à mesure que je l’utilisais. Toutefois, en me reposant, elle se régénérait, me permettant de mieux l’utiliser par la suite. Désormais, j’appelle cette source de pouvoir qui réside en moi la “Source”. C’est une sorte de fontaine intérieure qui me permet de puiser de l’énergie. Cette constatation est corroborée par le fait que j’ai joué avec les droïdes d’Ayame pendant une heure sans ressentir la moindre fatigue.
Cependant, j’ai remarqué que j’étais épuisé plus tôt lorsque j’ai utilisé ma super vitesse, peut-être parce que cette action nécessitait une source d’énergie plus importante. En revanche, esquiver et donner des coups pour briser les droïdes ne demandaient pas autant de ressources. Durant cette heure, j’ai expérimenté avec ma Source et j’ai pu la déplacer et la contrôler à ma guise. En la concentrant dans mes jambes et en imaginant une puissance phénoménale, ma force était décuplée, que ce soit dans mes bras ou mes poings. En ajoutant ma Source à l’imagination de l’action, l’effet se produisait automatiquement.
Après avoir saisi ce concept, j’ai commencé à réfléchir à d’autres façons d’utiliser ma Source. Je me suis demandé si elle était uniquement destinée à renforcer mon physique ou si elle pouvait être utilisée pour autre chose. Pour répondre à cette question, j’ai sollicité l’aide d’Ayame et de Midori.
J’ai compris que ma Source était l’équivalent d’un carburant ou d’une énergie fossile nécessaire pour activer un pouvoir.
̶ J’ai une question, ou plutôt une demande à faire.
̶ De quoi as-tu besoin, Alden ? Souhaites tu faire une pause ?
̶ En réalité, Madame la Présidente, ce que j’aimerais, c’est que vous m’enseigniez l’un des sorts les plus élémentaires que vous connaissez avec votre magie. Serait-ce possible ?
̶ Un sort ?
Ayame et Midori semblaient perplexes face à mes propos et ne semblaient pas comprendre. Cependant, ce n’est pas un problème, car je suis sûr qu’elles comprendront bientôt.
̶ Midori je te laisse faire, tu es plus douée que moi en magie.
̶ Compris, je m’en occupe.
Midori s’est approchée de moi. Les droïdes avaient cessé d’arriver, laissant la salle d’entraînement jonchée de cadavres de chiens-sangliers et, au milieu, Midori et moi-même.
̶ Tout d’abord, Alden, il est important de comprendre que la magie est un élément complexe à manipuler. Chaque individu a une quantité de mana qui lui est propre, et s’il n’y en a pas suffisamment, il ne sera pas capable d’utiliser le sort qu’il souhaite. Notre énergie est située au niveau de notre estomac, et c’est là que nous récupérons le mana. Une fois que tu actives le mana dans ton corps, tu peux le déplacer dans la partie de ton corps dont tu as besoin pour utiliser ton sort.
Pendant qu’elle m’expliquait, j’ai pu voir qu’elle procédait également à l’action pour me montrer concrètement ce qu’elle voulait dire.
̶ Bien sûr, même si tu sais comment utiliser ton mana, il est important de savoir quelle quantité est nécessaire pour lancer un sort. C’est pour cette raison que l’apprentissage est indispensable en magie. Si tu n’en mets pas assez, le sort ne fonctionnera pas, et si tu en mets trop, tu pourrais blesser quelqu’un, voire te blesser toi-même.
Ce qu’elle me dit est bien plus complexe que ce que j’imaginais. Pour lancer un sort, il est nécessaire de connaître la quantité de magie à utiliser. Si tu es doué et que tu y arrives du premier coup, tant mieux, sinon tu dois l’apprendre dans une école spécialisée.
̶ Sur internet, il ne t’aide pas à l’utilisation d’un sort ?
̶ Le gouvernement a interdit l’enseignement de la magie en ligne en raison de la prolifération de faux conseils donnés par des personnes malhonnête, ce qui a causé de nombreux problèmes.
C’était évident, chaque époque à son lot de débiles.
̶ Une fois que tu as déterminé la quantité de magie nécessaire pour ton sortilège et pour chaque partie du corps impliquée, tu peux passer à l’étape de l’incantation. Cette étape te permet en général de visualiser ton sort et de le lancer. Bien que possible sans incantation, cette méthode est généralement réservée aux experts en magie, car elle demande une vie entière d’apprentissage.
̶ Pourquoi ça ?
̶ Pense à l’incantation comme à une mesure de sécurité. C’est comme un ordinateur : si tu veux lancer un programme, tu dois cliquer dessus. Sinon, rien ne se passe. En magie, c’est la même chose : sans incantation, rien ne se produit. C’est une mesure de précaution essentielle, car si la magie était activée accidentellement, les conséquences pourraient être catastrophiques.
̶ Mais ceux qui arrivent, ils ajoutent un programme pour le faire juste avec la pensée.
̶ Exact, mais tout de même ça reste dangereux.
̶ Je ne pense pas que ce soit correct. La première étape de la magie est simplement d’activer ta source de magie, située dans ton estomac. Si nous prenons l’exemple encore de l’ordinateur. Si tu ne l’allumes pas : rien ne se passe. Est-ce bien ça ?
̶ En effet.
̶ Donc, même si tu n’incantes pas, tant que bloques ton mana il n’y a aucun problème à avoir.
Midori observait sa mère avec étonnement.
̶ Il a tout à fait raison, Midori.
̶ Je n’avais jamais considéré cela auparavant. Toutefois, bloquer ton mana serait très difficile, car il est omniprésent dans l’environnement et se régénère constamment à partir du mana ambiant. Il faudrait donc également bloquer le mana présent dans l’air.
Nous étions engagés dans une conversation fascinante qui aurait pu durer des heures, mais il est temps de mettre fin à cela. Ce sujet m’a captivé et je veux en apprendre davantage. Cependant, je n’utilise pas de mana, mais plutôt la Source. Je me demande si je peux utiliser des sorts avec mon énergie.
Midori réfléchissait profondément. J’avais appris qu’elle était spécialisée dans le domaine de la magie au sein de l’entreprise, et qu’elle était responsable de son propre département. Maintenant, je comprends mieux pourquoi ce sujet l’intéresse tant.
̶ Midori.
̶ Oui, pardon, je me perds. Je disais quoi déjà.
̶ L’incantation te permet de visualiser le sort et de le lancer.
̶ Tu suis trop bien. Tu ne veux pas l’embaucher maman ?
Ayame affichait un sourire crispé, comme si elle avait été prise en faute.
Elle plaisante ?
̶ Une fois que tu incantes, le sort commencera à prendre forme et tu seras prêt à le lancer complètement. En résumé, il y a trois étapes pour lancer un sort : l’activation de ton mana, le contrôle de la quantité de mana à utiliser, et l’incantation.
C’est simple et efficace. Avec la Source, je suis déjà capable de maîtriser les deux premières étapes.
Midori tendait son bras avec la paume ouverte en direction d’un espace vide et sécurisé, en veillant à ne viser personne.
̶ Magie de terre : Lance de Gnome
Lorsqu’elle a annoncé qu’elle utilisait la magie de terre, un halo lumineux de couleur marron a entouré son bras et une sorte de pierre s’est formée. Ensuite, lorsqu’elle a prononcé le nom de son sort, une grande lance est apparue dans sa main à l’endroit où elle avait envoyé sa magie. C’était la première fois que je voyais de la magie dans ce monde, et c’était magnifique. L’apparition rapide de la lumière et de l’objet qui n’existait pas auparavant était grandiose.
̶ Voici comment marche la magie de ce monde Alden.
J’ai tendu mon bras en direction d’un espace vide et j’ai dirigé ma Source vers ma main. En repensant à la lance que Midori avait invoquée, elle est apparue dans ma main. J’ai récité l’incantation de travers, même si elle était déjà dans ma main à la seconde où je l’avais représentée dans mon esprit.
̶ Lance de Gome ?
Je regardais Midori, stupéfait par ma réussite, tandis qu’elle exprimait son étonnement.
̶ Heeeeeeeeeiiiiiiin ?!
CHAPITRE 7 - UNIQUE
Ayame accourut vers moi en courant et me saisit par les épaules en me secouant.
̶ Mais qui es-tu à la fin ?!
Mes paroles étaient hésitantes car Ayame me secouait assez brusquement, me faisant perdre mes repères.
̶ Juuuste Aldeeeen.
Elle s’éloigna en voyant que cela me mettait mal à l’aise.
̶ Présidente, vous me l’avez déjà demandé plus tôt. Ma réponse reste la même, je suis toujours Alden.
̶ Ce que tu viens de faire est exceptionnel ! Et en plus, tu l’as fait sans utiliser de magie !
̶ J’ai compris avec vos réactions et je sais bien que ce n’était pas de la magie.
̶ Comment le sais-tu ? Étais tu conscient d’utiliser autre chose ?
̶ Oui, j’ai nommé cela la “Source”. Je ressens une sorte de chaleur que je peux contrôler et utiliser comme bon me semble. Je voulais tester si je pouvais l’utiliser pour lancer un sort, et effectivement, je peux faire comme vous.
̶ Alden. Ce que tu me dis, tu l’as déduit depuis combien de temps ?
̶ Au moment où j’ai frappé le premier droïde.
Ayame se frottait l’arrière du crâne et échangeait des regards avec Midori. Elles semblaient se comprendre mutuellement, mais moi, j’étais perdu.
̶ N’es-tu pas intéressé par un poste chez Kanegawa Industries ?
̶ Pardon ?
La proposition d’Ayame m’a plutôt choqué. Pourquoi voudrait-elle m’embaucher ? Pour sécuriser mes pouvoirs ? Je sais qu’ils sont rares et que je peux lancer des sorts uniquement avec ma Source. Mais j’ai surtout réalisé quelque chose : je peux tout faire avec cette énergie.
̶ Nous avons besoin de quelqu’un comme toi : perspicace, intelligent et très instruit. Midori m’a parlé de ton idée pour les bracelets et de ta technologie anti-espion.
̶ Je lui en ai bien parlé.
̶ Elle m’a expliqué que tu ne porterais pas le bracelet tant que la technologie anti-espion ne serait pas mise en place. As-tu d’autres idées ou des réflexions sur ce qui pourrait être utile pour ce monde ?
̶ Je dois sortir un peu pour pouvoir vous en dire plus, je vous ferai un compte rendu de mes impressions par la suite.
̶ C’est vrai, tu n’es pas sortie depuis hier. On te garde enfermé ici, mais je pense qu’il est temps que tu découvres notre pays.
Enfin, le moment est venu pour moi de découvrir le monde dans lequel je vais désormais vivre.
̶ C’est bientôt l’heure d’aller déjeuner.
̶ Je vais aller réserver une table au restaurant, Présidente.
Midori s’éloigna pour appeler un restaurant.
̶ Je te laisse réfléchir pour l’offre Alden. Je suis vraiment sérieuse.
̶ Je ne suis ni chercheur ni scientifique, donc je ne pourrais pas vous être d’une grande aide.
̶ Pas besoin de t’inquiéter pour ça, nous avons plusieurs départements différents et il y en aura certainement un qui t’intéressera. Et si tu as d’autres idées comme celle de l’anti-espion, ce serait formidable de te les confier, étant donné que tu as les compétences pour les mettre en place.
Ce qu’elle me propose semble incroyable, je n’aurais jamais imaginé une telle opportunité sur Terre. Je n’étais qu’un simple informaticien qui aidait les vieux dans mon monde, mais ici, je serais vraiment dans mon élément. Si on me confie un projet, je devrais être bien payé, n’est-ce pas ?
̶ Je vous tiendrais au courant Présidente, promis.
̶ Parlons-en autour d’un repas.
̶ Maman, Alden. Nous pouvons y aller, ils nous réservent la plus belle table.
̶ Je vous suis toutes les deux.
°°°
Je suis retourné dans ma chambre pour me changer, après avoir lavé et séché la tenue que j’avais portée lors de l’invocation. Les machines à laver et sèche-linge de ce monde sont incroyables ; en quelques instants, les vêtements sont nettoyés et prêts à être portés à nouveau. Il est pratique de pouvoir se changer rapidement car il est préférable de ne pas attirer l’attention en portant les vêtements de l’entreprise en ville. On peut très vite attirer l’œil.
Le travail chez Kanegawa Industries représente l’apogée de la réussite professionnelle. Les employés de cette entreprise sont les meilleurs dans leur domaine et tout le monde aspire à y travailler. Considérée comme la meilleure entreprise de tous les temps, Kanegawa Industries a créé les bracelets holographiques ainsi que les boutiques affiliées qui les vendent, les voitures volantes et les armes militaires. Toutes leurs créations sont des révolutions technologiques et scientifiques. C’est dans cette grande entreprise détenue par Ayame Kanegawa que toutes ces inventions ont été conçues. Il est préférable de ne pas trop faire de publicité sur le fait que tu travailles là-bas, car cela peut susciter des jalousies ou t’attirer des personnes mal intentionnées.
Nous avons été récupérés par le chauffeur d’Ayame, qui nous conduit au restaurant à bord de sa voiture volante. Toutefois, ces véhicules ne sont pas véritablement “volants”, car ils n’ont pas de roues dans certaines zones pour améliorer la vitesse et fluidifier la circulation.
En revanche, dans les zones urbaines, les roues sont nécessaires et la vitesse est bridée pour des raisons de sécurité. Le système de lévitation de ces voitures ressemblent davantage aux hoverboards du film “Retour vers le futur“.
Ce qui m’a étonné, c’est que ces véhicules sont pilotés par des êtres humains et non par une intelligence artificielle. Cela m’a perturbé et cela continue de me perturber, car je réalise qu’il doit y avoir des limites dans le développement de l’IA puisque, ils n’ont pas de voitures autonomes, cela semble indiquer que les IA ne sont pas encore assez avancées. Il semblerait que la fabrication de droïdes de combat soit bien plus avancée, ce qui soulève la question de savoir pourquoi il n’y a pas eu autant de progrès dans le développement de voitures autonomes. Les deux domaines ne sont pas si différents, après tout.
La ville était absolument remarquable avec sa combinaison de culture japonaise et de modernité futuriste. Il était clair que la monarchie gouvernait la ville, car certaines infrastructures semblaient être de nature royale. Le mélange de styles était indescriptible et difficilement imaginable sur Terre.
Lorsque nous sommes arrivés devant le restaurant, mon physique n’a pas manqué d’attirer l’attention. Les passants ont arrêté ce qu’ils faisaient pour me regarder, et j’ai pu lire la curiosité et le jugement dans leurs yeux. Je sais que ce sera mon quotidien maintenant et qu’il va falloir que je m’y habitue.
Nous n’avons pas été à l’extérieur assez longtemps pour devenir des éléments perturbateurs. Mais nous allons certainement l’être tout autant à l’intérieur du restaurant. Quand nous sommes entrés, la personne à l’accueil a immédiatement reconnu Ayame et Midori et nous a demandé de les suivre.
Nous nous sommes dirigés vers une salle plus calme et élégante, à l’écart des regards. Nous avons enlevé nos chaussures et nous sommes assis sur les tatamis, suivant la coutume japonaise. Je suis content que cette tradition soit préservée malgré la monarchie.
̶ Choisis ce que tu veux Alden, je régale.
̶ Merci Présidente.
Je ne vais pas me gêner.
CHAPITRE 8 - INTEGRATION
Je me délectais du repas avec une voracité qui laissait croire que je n’avais pas mangé depuis des jours. La saveur était si exquise que je ne parvenais pas à m’arrêter. Les brochettes de viande, les rumsteaks, les entrecôtes… Tout était parfaitement grillé, tendre à souhait à l’intérieur. La viande ne coûtait pas aussi cher que dans mon Japon d’origine, probablement parce que ce pays n’était pas une île. Ils disposaient de toutes les infrastructures nécessaires pour subvenir aux besoins de leur population, ce qui était un véritable atout. Pas d’importations provenant d’autres pays, tout était produit localement. Leur économie était véritablement prospère.
̶ Il va te ruiner maman.
̶ Eh bien, Alden, quand j’ai mentionné que je t’invitais, peut-être que c’était simplement pour sauver les apparences, tu vois.
̶ QUOIIII ?
Alors que j’avais la bouche pleine, j’ai été stupéfait par son changement soudain de discours. Cependant, cela a eu pour conséquence de salir mon t-shirt.
̶ Je n’y crois pas, je viens de me salir. Vous voyez quand vous dites des bêtises, je perds mes moyens.
̶ Midori, c’est de ma faute ?
̶ Écoute, tu sais que c’est de notre faute si Alden est complètement fauché, alors oui, c’est carrément toi qui lui as fait peur et c’est pour ça qu’il est dans cet état.
̶ Mais c’est une blague !
̶ Maman, ça ne l’empêche pas de continuer à manger.
̶ Pour me faire pardonner, nous irons acheter des vêtements pour enrichir ta garde-robe. J’ai également pris toutes les mesures nécessaires pour que tu sois reconnu en tant que citoyen et que tu aies une identité.
J’ai cessé de manger car ce qu’elle me disait était un sujet très sérieux pour moi. En effet, je suis dépendant de Kanegawa Industries, mais c’est à cause d’eux que je le suis. Par conséquent, ils ont des responsabilités et sont tenus de prendre les mesures nécessaires pour que je puisse vivre en toute liberté.
̶ Dans un premier temps, voici pour toi.
̶ Pourrais-tu mettre ton bracelet cette fois-ci et le mettre en marche ?
̶ Qu’est-ce que c’est ?
̶ S’il te plaît, pourrais-tu le faire ?
J’enfilais le bracelet holographique autour de mon poignet, et dès que je l’activais, une multitude de notifications et de courriels affluaient, concernant la validation de comptes bancaires, d’assurances, de permis de conduire, et bien d’autres choses encore. Tout ce qui était nécessaire pour vivre ici, et tout à mon nom. Quant au permis de conduire, je devais le passer, car évidemment, je ne savais pas piloter une voiture volante.
Il y avait même un document de demande d’identité en cours, muni d’un sceau de la princesse, ce qui m’a vraiment surpris, pour être honnête.
̶ Présidente, la Princesse est au courant ?
̶ Le rapport que j’ai présenté hier était spécifiquement destiné au gouvernement. En tant que présidente de l’entreprise Kanegawa Industries, j’ai des obligations de transparence. Les événements d’hier et d’aujourd’hui ont été communiqués au Royaume.
̶ Est-ce que ce n’était pas un peu précipité d’informer de ma présence aussi rapidement ?
̶ Je comprends ton inquiétude, mais il faut savoir que la Princesse est une personne extrêmement bienveillante et intelligente. C’est pourquoi elle souhaite avoir une entrevue.
̶ Elle veut me voir ?
̶ Effectivement, il serait préférable de faire cela rapidement. Nous sommes invités là-bas dès demain.
̶ Je comprends pourquoi tout a été fait si rapidement.
̶ C’est là que Kanegawa Industries présente un avantage. Si tu as terminé de manger, nous pouvons commencer à faire des achats pour te trouver des vêtements pour demain.
Le repas a été écourté, mais nous étions dans la plage horaire de pause déjeuner que l’entreprise accorde à ses employés chaque jour. Ils bénéficient de conditions de travail vraiment excellentes et ont tous la possibilité de prendre une pause déjeuner de 1h30 s’ils le souhaitent.
Ayame s’est chargée de régler l’addition et nous avons commencé à quitter le restaurant. Étant dans un lieu obscur, la luminosité extérieure m’a aveuglé, révélant ainsi le paysage environnant que je n’avais pas pu bien distinguer auparavant. Je croyais devoir me hâter pour éviter d’attirer l’attention, mais peu importe, il était temps que je m’habitue aux regards. J’ai donc pris le temps d’observer attentivement les alentours et la rue commerçante dans laquelle nous nous trouvions.
CHAPITRE 9 - CRIME
̶ Êtes-vous certaine que j’ai réellement besoin d’autant de vêtements ?
̶ Il est essentiel, Alden, de repartir de zéro dans ta nouvelle vie, et cela implique de commencer avec un minimum de choses, y compris des vêtements.
Ayame et Midori étaient bien plus enthousiastes que moi. Nous avions passé des heures à essayer toutes sortes de vêtements, dans des boutiques aussi chères les unes que les autres, avec les collections les plus renommées du pays. Était ce pour leur seul plaisir de me voir dans ces tenues ? J’avais vraiment l’impression d’être dans un autre monde. Quand j’étais avec ces deux-là, j’avais l’impression que toutes les portes étaient ouvertes. Les boutiques que nous avions visitées étaient toutes assez similaires. Il n’y avait plus de cabines d’essayage, mais des miroirs qui reflétaient la tenue que vous souhaitiez essayer. C’était incroyable, comme une sorte de réalité augmentée ajoutée au miroir. Le futur était bel et bien là, et parfois j’avais tendance à l’oublier, comme si je m’habituais de plus en plus à cet environnement. Heureusement, j’étais content de me prendre une claque de temps en temps pour me rappeler que j’étais bien dans un autre monde.
Tout ce que nous avions acheté était en cours de livraison à Kanegawa Industries, nous n’avions rien pris avec nous pour ne pas nous encombrer. Il y avait une seule tenue qui m’avait particulièrement plu et que j’ai finalement choisie de porter. J’avais jeté les vêtements que je portais précédemment. Je ne voulais plus rien qui me rappelle mon ancien monde, cela me faisait trop souffrir d’y penser. Chaque fois que ces souvenirs remontaient, j’avais la gorge serrée.
J’ai également acheté des lunettes de soleil et une casquette, ce qui nous permettait de passer un peu plus inaperçus dans les rues commerçantes. Les regards qui se posaient sur nous étaient principalement ceux de femmes curieuses de voir à quoi je ressemblais, étant donné ma taille de mannequin et les vêtements de haute couture que je portais. Quant aux regards des hommes, ils étaient tous dirigés vers Midori et Ayame. Ce sont de très belles femmes et elles ne passent pas inaperçues non plus.
̶ C’est un peu mieux pour toi Alden.
̶ Comment ça Midori ?
̶ Tu attires moins le regard.
̶ Oui, j’apprécie un peu plus la sortie.
̶ Que diriez vous de faire une pause et d’aller manger ou boire quelque chose ? Est-ce que cela vous convient ?
̶ Oui, maman, cela fait un certain temps que nous marchons.
̶ J’ai un endroit génial en tête qui propose des glaces délicieuses ! Est-ce que tu aimes les glaces, Alden ?
̶ Oui, les glaces plaisent à tout le monde.
Après avoir visité toutes ces boutiques de luxe, nous décidons de faire une pause dans un glacier plus abordable, du moins par rapport aux boutiques que j’avais vues jusqu’à présent. C’est une petite échoppe située en pleine rue, avec un comptoir ouvert où de nombreuses personnes passent commande. C’était agréable de voir qu’Ayame et Midori apprécient également la simplicité et ne se limitent pas seulement au luxe.
Effectivement, les glaces étaient délicieuses. Ce petit commerce avait de petites tables où l’on pouvait s’installer pour déguster leurs glaces. J’aimais prendre ce moment pour me détendre, fixer un point et vider mon esprit. C’était un moment apaisant où je pouvais me relaxer, et la glace contribuait grandement à ma tranquillité.
̶ ALDEN !
̶ Oui ?
Midori m’avait fait peur, j’étais tellement absorbé dans mes pensées que je ne prêtais plus attention à mon environnement.
̶ Un problème ?
̶ Non pardon, j’étais concentré à me vider la tête.
̶ Finalement, tu as une idée de ce qu’on pourrait faire pour améliorer le pays ?
Ayame était très intéressée par mon opinion sur leur monde. Elle me l’avait déjà demandé par le passé. Cependant, avec tout ce que j’ai pu observer jusqu’à présent, il y a tellement de possibilités de créations. Il reste encore tant de choses à découvrir dans ce monde.
̶ J’ai quelque chose à vous proposer, mais je n’y connais pas grand-chose dans votre domaine.
̶ Toute proposition est bienvenue. Mis à part la technologie anti-espion pour les bracelets, as-tu une autre idée en tête ?
̶ Vous n’avez pas de voiture autonome ?
̶ Autonome ?
̶ Une voiture qui n’a pas besoin de conducteur, équipée d’une intelligence artificielle.
̶ Alden, l’intelligence artificielle. Dans ton monde, quelle est sa progression ?
̶ Elle est omniprésente, bien qu’elle ne soit pas encore parfaite. Nous l’utilisons déjà abondamment, que ce soit dans les voitures, les téléphones portables, voire même dans la création de robots. Tout est encore à un stade préliminaire, mais il est fort probable qu’au cours des prochaines années, nous atteindrons un point culminant prometteur.
̶ C’est remarquable. De notre côté, nous sommes confrontés à de nombreux défis de nos jours, qu’il s’agisse de questions éthiques, de problèmes politiques ou surtout d’une pénurie de personnel qualifié pour développer une IA solide.
̶ Je suis surpris que vous n’arriviez pas à y parvenir malgré les ressources dont vous disposez.
̶ Ce n’est pas que nous sommes incapables d’y parvenir, mais il nous manque quelque chose et il est difficile de le trouver.
Je n’arrivais pas à saisir le sens de sa phrase. Ils semblent attendre quelque chose, mais quoi exactement ? Si même la présidente d’une des plus grandes sociétés technologiques n’en a pas la réponse, alors personne ne peut prétendre le savoir.
̶ Présidente, vous êtes quand même en train d’y travailler ?
̶ En réalité, c’est classé confidentiel, mais je pourrais te le montrer plutôt que d’en parler. Cela serait préférable.
̶ Si c’est classé confidentiel, pourquoi voulez-vous me montrer ?
̶ Je place de grands espoirs en toi et j’ai confiance en ton potentiel.
Je trouve étrange qu’elle puisse avoir confiance en moi après seulement un jour de vie sur cette planète. Nous nous connaissons à peine. Personnellement, j’ai du mal à accorder ma confiance à des personnes que je ne connais pas encore bien.
̶ As-tu d’autres idées qui pourr-
Ayame s’est brusquement interrompue, cessant de parler d’un coup sec.
Un frisson glacial parcourut mon corps, mes poils se dressèrent, et une sensation de chair de poule que je n’avais jamais connue auparavant m’envahit. Une vision terrifiante se dévoilait devant moi, ou plutôt une vision de ce qui allait bientôt se produire. Ayame et Midori étaient également silencieuses, car elles avaient elles aussi ressenti quelque chose. Au moment où elles se tournèrent, j’ai aussi posé les yeux sur la source de cette terreur qui s’emparait de moi.
Une immense armure mécanique d’une hauteur d’environ trois mètres s’écrasa sur le sol de la rue commerçante, rappelant la façon dont Superman atterrissait habituellement. Je pouvais également apercevoir plusieurs autres armures du même genre dans le ciel.
Les regards des habitants, ainsi que ceux de mes deux collègues, témoignaient clairement du fait que la situation n’était pas normale et qu’elle représentait un danger.
̶ MAMAN !
̶ OUI ! J’APPELLE LES CENTS !
Elles étaient prises de panique, ce qui était compréhensible. Face à ces monstres, que pouvions nous faire ? Je ne connaissais pas du tout leur puissance de feu ni leur technologie. S’attaquer à eux sans prendre de précautions risquait de me coûter cher.
Pourquoi voudrais-je me battre ?
Je me trouvais dans un état pessimiste, car j’avais momentanément oublié que je n’étais pas un simple homme. J’étais un surhomme, doté d’une source d’énergie différente de celle de ces habitants. J’étais convaincu que mes pouvoirs étaient supérieurs à ceux de ces machines.
Soudain, alors que ma confiance se rétablissait, mon cerveau semblait s’animer d’une réflexion plus intense que d’ordinaire. Une chaleur se propageait dans mon crâne et je réalisais que c’était grâce à la “Source” que ma compréhension était grandement accélérée.
̶ Ayame, pourriez vous me rassurer en confirmant qu’aucune population de ce monde ne maîtrise l’intelligence artificielle, n’est-ce pas ? Pas même au sein de ces machines ?
̶ Huu.. En effet, c’est un humain qui le contrôle.
̶ Tout ce que je voulais savoir.
Étant donné qu’il n’y a pas d’intelligence artificielle pour assister les pilotes de ces engins, il devrait être facile de s’occuper de ces individus. Les êtres humains commettent constamment des erreurs, surtout lorsqu’ils ont peur. Leur jugement se brouille et leur réactivité diminue.
L’armure en face de nous commençait à lever son bras en direction de la foule, qui restait figée par la peur. Sa paume se tendait, émettant une lueur croissante, suivie d’une onde de choc et d’un laser qui jaillissaient, constituant une attaque terroriste.
CHAPITRE 10 - MAGIE
J’avais réagi rapidement. Je m’étais élancé dans la direction de l’attaque en utilisant ma super vitesse, tout comme je l’avais fait auparavant. Le temps semblait se figer, rappelant l’instant sur le terrain d’athlétisme précédent, et en un clin d’œil, j’ai atteint l’endroit où le laser allait se poser. Sans même y penser consciemment, l’idée d’une barrière réflective m’est venue à l’esprit.
Ayant des connaissances préalables, je savais que dans mon monde d’origine, pour renvoyer un laser, on utilisait soit un miroir optique, soit certains cristaux spéciaux comme le rubis ou des revêtements particuliers. Je me suis dit que cela ne devait pas être si différent ici, donc j’ai envisagé une barrière de protection en forme d’hexagone fabriquée à partir de rubis. L’objectif était que le laser, une fois touchant ma barrière, puisse être renvoyé selon ma volonté.
J’avais simplement besoin de visualiser une image dans ma tête. J’ai imaginé une forme et un matériau pour celle-ci. Une fois que j’ai conçu le concept complet du sort, il s’est concrétisé et j’ai pu le lancer à ma guise. Bien sûr, il n’était pas si facile de réimaginer le processus de création de cette barrière, donc j’ai été obligé de lui donner un nom pour l’incanter. Les conseils de Midori concernant l’incantation étaient plutôt justes. Pour un sort basique, je n’en ai pas besoin, mais pour un sort spécifique qui demande du temps pour être imaginé et conçu mentalement, lui donner une incantation facilite l’apparition du sort.
J’ai réussi à déjouer le laser qui était dirigé vers les habitants et je l’ai renvoyé vers une autre armure. L’une des armures mécaniques dans le ciel a subi une explosion en étant touchée par le laser provenant de l’autre armure positionnée au sol. Ensuite, j’ai regardé les personnes derrière moi et les ai averties du danger. Beaucoup d’entre elles étaient figées et ne savaient pas comment réagir. Elles avaient besoin de quelqu’un pour les assister.
̶ COUREZ VITE ! METTEZ VOUS A L’ABRI !
À ma remarque, tous ont commencé à crier et à se disperser dans toutes les directions. Certains sont rentrés dans les bâtiments, tandis que d’autres ont couru loin, espérant échapper à la zone où le combat avait lieu.
̶ Alden, comment as-tu fait ça ? Tu sais aussi utiliser la magie de lumière ?
̶ Je vous expliquerai. Midori, Ayame. J’ai besoin de votre aide. Je ne suis pas sûr de pouvoir y arriver seul.
̶ Midori, vas-y, la magie et le combat, c’est ton domaine.
̶ Vas te cacher maman, je vais essayer d’aider Alden.
̶ Ayame, j’ai peur qu’un laser vous touche, alors voici pour vous.
Je dirigeais la paume de ma main vers la présidente.
̶ Barrière protectrice.
J’ai lancé une barrière similaire à celle que j’avais utilisée auparavant, mais cette fois-ci sous la forme d’une protection enveloppant le corps, telle un vêtement. Un halo lumineux rouge était relié à Ayame, la protégeant ainsi d’une éventuelle attaque laser. Elle se dirigeait vers l’échoppe de glace pour se mettre à l’abri.
̶ Midori, j’ai besoin de toi pour me faire voler. Tu sais utiliser la magie de vent ?
̶ Celle de Terre et de Vent sont mes éléments.
̶ Peux-tu me faire voler quand je te le dirais.
̶ Je suis prête.
L’armure devant moi a fait un geste en direction de ses collègues dans le ciel, qui se rapprochaient progressivement de notre position.
̶ Il doit faire partie des Cents, je vais l’attaquer, couvrez moi !
Les Cents ? Qu’est-ce que c’est ? Ayame les a mentionnés plus tôt. Est-ce la police locale ? Je n’avais pas le temps d’y réfléchir, car l’armure devant moi commençait à s’approcher de notre position. Elle se déplaçait rapidement, mais pas assez vite pour moi. Elle me lançait des lasers que je bloquais assez facilement, les renvoyant dans le ciel sans problème. J’ai activé la même barrière protectrice que celle d’Ayame, ce qui m’a offert une meilleure mobilité et m’a permis de m’approcher suffisamment près de l’armure pour lui asséner un coup de poing à pleine force.
Elle n’a pas résisté et un énorme trou béant s’est formé dans son torse, la propulsant sur des centaines de mètres devant moi.
̶ FEUUUUU !
Les armures au-dessus de nous étaient désorientées et avaient donné l’ordre d’attaquer. C’était le moment opportun pour les affronter à leur propre niveau.
̶ Midori, maintenant !
̶ Magie de vent : Bourrasque féerique !
De manière étrange, la force de la bourrasque était si intense que j’apercevais littéralement le mouvement de l’air. C’était une expérience incroyable. Habituellement, le vent est invisible, mais cette fois-ci, il était manifeste. Peut-être était-ce le flux de mana qui devenait visible.
Le sort se dirigeait vers mes jambes et je ressentais une sensation de légèreté. Lévitant dans les airs, j’étais légèrement désorienté, mais je réalisais que la bourrasque agissait comme un ressort, prête à me propulser. Je me positionnais comme si j’allais commencer à courir, en fixant l’une des armures mécaniques…
̶ Midori, vas-y !!
Soudain, le sort de Midori me propulsa dans les airs. J’ai rapidement compris l’acheminement de son sort et son concept, ce qui m’a permis de le reproduire à mon tour. En observant ses actions, j’ai réalisé que chaque fois que je voyais un sort être exécuté par l’un des habitants, je pouvais le reproduire immédiatement. C’était tout simplement incroyable, mais aussi déconcertant de voir à quel point cela était facile.
Je m’approchais de l’une des armures mécaniques, me préparant à frapper celle sur laquelle j’arrivais de toutes mes forces avec mon poing. Pendant que je chargeais mon poing droit, je parais les lasers avec ma main gauche, les frappant à différents endroits. Les décharges laser causaient des dommages aux bâtiments ou s’envolaient dans le ciel.
L’armure ne résista pas à mes attaques et fut complètement détruite. J’ai réussi à la retenir pour éviter qu’elle ne soit propulsée comme la précédente, utilisant plutôt son corps comme appui pour prendre l’avantage depuis une position plus élevée. En canalisant la Source dans mes jambes, j’ai pu effectuer un saut impressionnant, me visualisant équipé d’une lance en bois semblable à celle de Midori, mais avec l’élément feu. J’en invoquai deux dans mes mains et les lançai avec une vitesse fulgurante sur deux autres armures mécaniques qui n’eurent aucune chance d’échapper. Les lances les transpercèrent, les faisant chuter au sol.
Après ce coup, je pris conscience de ma grande force et de mes avantages. Je ne sais pas si c’est ma rapidité de compréhension ou l’influence de la Source qui me permettaient d’accomplir tout cela, mais rien ne pouvait me battre, du moins pas ces adversaires. Cela me faisait rire, mais surtout, cela me comblait de bonheur, car c’était exactement ce dont j’avais toujours rêvé. Être doté de superpouvoirs et combattre des ennemis. Cela peut sembler un peu enfantin, mais j’étais excité et totalement fan de cette situation. Je continuais de rire d’excitation tout en utilisant les bourrasques de vent pour me déplacer rapidement d’un point A à un point B, éliminant toutes ces armures. Lorsque j’étais suffisamment proche, j’utilisais mes poings ou mes pieds, et si l’armure était un peu éloignée, j’utilisais mes lances de feu.
̶ VITE ! TUEZ-LE !!!
Leurs formations défensives se désagrégeaient progressivement alors qu’ils étaient submergés par la peur. C’était là le problème de ne pas avoir d’intelligence artificielle dans ces machines, elles étaient sujettes à des défauts. Nous devrions envisager de développer nos propres machines dotées d’une IA, ce qui nous permettrait de nous défendre facilement contre ce genre d’ennemis.
Pour empêcher toute évasion due à leur peur, j’ai commencé à accélérer. En utilisant la Source dans mes jambes, je m’appuyais sur chaque armure détruite pour passer à la suivante. Lorsque je me propulsais, le temps semblait s’arrêter brièvement, comme lorsque j’utilise ma super vitesse. Cela me permettait de repérer rapidement les emplacements des ennemis pour les éliminer. Dans cet espace figé et paisible, chaque coup que je portais me faisait rire et me donnait un sentiment de liberté face à un monde où je suis invincible.
CHAPITRE 11 - CENTS
J’avais cette sensation d’être de nouveau transporté dans un autre monde, un silence absolu, sans aucun signe de vie. L’effervescence d’une rue commerçante, suivie de la détresse des gens, s’est estompée au fil du combat. Je tremblais d’excitation, ou peut-être à cause de la pression qui s’était dissipée après avoir remporté la bataille. Je me suis assis sur le sol, soulagé, sur le bitume, afin de reprendre mon souffle après le combat. Je contemplais le ciel qui m’était désormais accessible.
̶ Alden.
Je me sentais distrait pendant ma pause, interrompu par Midori. Ayame commençait à sortir de sa cachette pour se joindre à nous. J’avais levé ma protection sur elle, car elle n’en avait plus besoin.
̶ Tu nous dois des explications.
En entendant le ton d’Ayame, j’ai réalisé qu’elle désirait plus que de simples explications. Comment était-il possible pour un être humain d’utiliser la magie aussi naturellement, en la copiant simplement en l’observant ?
̶ Comment vous expliquez, c’est un peu-
Soudain, trois individus surgirent des bâtiments, évoquant les Yamakasi. Leur aisance dans leurs déplacements était impressionnante. Je fus grandement surpris par leur arrivée et me mis en garde, car je ne pouvais pas déterminer si l’ennemi se limitait uniquement à ces machines.
Je retirai ma casquette et mes lunettes, car le combat m’avait fait transpirer. Dès que je les enlevai, je ressentis une hostilité démesurée envers les trois individus. Leurs attaques pleuvaient sur moi. Ils se dispersèrent pour bloquer tous mes angles. Leurs mouvements étaient synchronisés à la perfection. Mais face à un ennemi comme moi, ce ne serait pas facile pour eux. Ils me lancèrent des armes inconnues, mais ma seule option était d’activer une sorte de bouclier. Dans ma tête, je visualisais des murs en bois qui se dressaient pour contrer leurs attaques. Leurs armes se fichèrent dans les murs, les brisant, mais m’empêchant d’être touché.
̶ STOP ! C’EST UN ALLIE !
Ayame poussa un cri perçant, qui stoppa net leurs attaques.
̶ Je dois avouer, vous êtes tout simplement incroyable ! Vous attaquez sans relâche tout ce qui sort de l’ordinaire. Je vous ai déjà dit d’arrêter, mais semble-t-il que le message n’ait pas fait son chemin dans votre système !
̶ Désolé Présidente !
̶ Je vous l’avait dit qu’il fallait attendre, Ku, Mashiya !
̶ Tu ne nous as rien dit Ryota, après tout, même toi t’était sceptique en voyant cet homme.
Leur regard était rempli d’intrigue lorsqu’ils me fixaient.
̶ Permettez-moi de vous présenter Alden Rossi, une personne d’une origine plutôt complexe. Il provient en effet d’un autre monde, ce qui explique les différences physiques qu’il présente par rapport à nous.
Je me suis courbé respectueusement devant eux pour leur adresser mes salutations.
̶ Je suis ravi de faire votre connaissance. En effet, je ne suis pas originaire de cette planète, ce qui explique votre réaction, bien que celle-ci ait été quelque peu exagérée.
̶ Ah oui, enchanté. Je suis Ryota, voici Ku et Mashiya. Nous faisons partie des Cents.
Mon regard était fixé sur Ayame, qui avait su déchiffrer ma question en lisant dans mes yeux.
̶ Alden, laisse-moi te parler des Cents. Il s’agit d’une organisation que nous dirigeons, une sorte de milice composée des meilleurs combattants du Royaume. Leur mission principale est de protéger la population contre des situations telles que celle que tu viens de rencontrer. En plus de cela, ils effectuent des missions à l’extérieur et s’engagent dans diverses activités liées à la protection du Royaume.
̶ Une police supplémentaire ?
̶ En effet, c’est exact. Les membres des Cents jouissent d’un grand respect de la part de la population, car ils sont très médiatisés. Ils sont considérés comme des célébrités et il est essentiel que leur image soit toujours impeccable, à la fois pour notre entreprise et pour leur propre carrière. En plus de leur salaire, ils ont également le droit de gagner beaucoup plus grâce à des contrats de partenaires avec les marques, des apparitions publicitaires et bien d’autres opportunités.
̶ Ils font du show-business en fait ?
̶ Du quoi ?
̶ Ils peuvent être dans l’industrie du spectacle.
̶ Oui, tout à fait.
̶ Et en cas de situations où ils arrivent un peu tard, sont-ils sanctionnés ?
̶ QUOOOI ?
Les trois étaient furieux. C’était compréhensible, car ils étaient responsables de leur retard. J’avais eu le temps de m’occuper de tous les ennemis avant leur arrivée. Ils m’avaient même attaqué sans avertissement, et je doute qu’Ayame laisse cela passer sans réagir.
Je la voyais soupirer.
̶ Tu anticipes déjà, Alden. Je vais prendre en charge cette situation.
̶ Présidente ! Vous nous avez appelé il y a 10 minutes. Le temps de venir…
̶ Nous aborderons cette question lors de notre séance de débriefing. Pour l’instant, nous devons nous concentrer sur la situation actuelle. Vous vous occupez des machines, nous allons les envoyer aux laboratoires.
̶ Oui, Présidente !
Ils se dispersaient habilement et géraient facilement les suites du combat. C’était vraiment une entreprise incroyablement bien organisée.
̶ Alden, nous continuerons notre discussion demain. Je pense qu’il serait préférable que tu rentres dans ta suite. Prends du repos, la journée a été longue.
̶ Vous n’avez pas besoin d’aide ?
̶ Ne t’inquiète pas. Il vaut mieux que tu ailles te coucher tôt. Demain, nous avons rendez-vous au château, n’oublie pas.
̶ C’est bien noté. Je vais faire ça.
̶ Midori, accompagne Alden. J’ai encore du boulot.
Ayame avait raison. Après tout, j’avais passé toute la nuit précédente sans dormir, et la fatigue commençait à se faire sentir. J’ai vraiment besoin de dormir, c’est indispensable.
Nous avons pris un taxi avec Midori pour rentrer à l’entreprise. J’ai vraiment passé une journée incroyable aujourd’hui. Depuis hier, cela semble interminable. Cette sensation d’avoir vécu pendant des jours alors que ce n’est qu’une journée peut être éprouvante pour mon état mental.
C’est en entrant dans ma suite que je réalisais la chance que j’avais et découvrais le lit incroyable qui m’attendait.
CHAPITRE 12 - DREAM
Au départ, une voix m’appelait doucement, presque imperceptible, ce qui ne me perturbait pas du tout. Peu à peu, son intensité augmentait jusqu’à devenir très clairement audible. Cela me réveillait, me faisant ouvrir les yeux, mais je me trouvais dans un lieu totalement inconnu. C’était comme une scène irréelle : une plateforme spatiale où je pouvais respirer normalement. De là, je pouvais observer la Terre au loin et sentir les rayons du soleil caresser mon visage, une chaleur apaisante m’enveloppant.
̶ Ce n’est pas la réalité ça.
̶ En effet, c’est un rêve.
La voix surgit soudainement derrière moi, sans personne en vue quelques instants auparavant. Cette situation ne pouvait être que le fruit de mon imagination, un rêve, car nul ne peut respirer dans l’espace. Pourtant, ce rêve est étrange, car je ne reconnais ni cette personne ni cet endroit. Normalement, les rêves sont composés d’éléments que l’on a déjà vécus ou vus, mais tout ceci m’est totalement étranger.
̶ Il est normal que tout ceci te semble étrange, car c’est moi qui me suis invitée dans tes rêves.
Elle a pu lire dans mes pensées ?
̶ Tout à fait, à l’heure actuelle, j’utilise toute ma puissance pour communiquer avec toi. J’ai espéré venir plus tôt, mais je n’y suis pas parvenue la nuit dernière.
̶ Je n’ai pas dormi, j’ai passé une nuit blanche. Mais qui êtes-vous ?
̶ Je suis Tellus, la Déesse de la Terre. Pour être précise, je suis ta divinité.
̶ Mais ma divinité n’est pas censée être une figure âgée avec une barbe blanche ?
̶ Je ne pourrais pas mieux décrire ce qui est dit sur Terre. Mais compte tenu des événements récents, es-tu encore capable d’être surpris ?
Ces deux derniers jours et mon invocation m’ont ouvert les yeux sur l’extraordinaire, rendant tout ce qui en émane peu incroyable. Je ne m’attendais pas à rencontrer le Dieu de la Terre sous les traits d’une femme, ou plus précisément d’une jeune fille. Elle n’était pas très grande, avec de doux cheveux châtains clairs et des yeux d’un bleu intense, rappelant l’océan de ma planète, comme si l’eau de la Terre, venait de ses yeux. Elle portait une tenue religieuse et divine, qui ajoutait à son aura apaisante et respectueuse. Son voile couvrait une partie de ses cheveux, laissant apparaître un visage parfait, sans défauts, qui m’attirait irrésistiblement au respect.
̶ Vous me surveillez ?
̶ Tout à fait, de temps en temps. Tu n’aurais jamais dû être invoqué dans un autre monde, donc il est normal que je vérifie ce que mon habitant fait.
̶ Je n’aurais jamais dû ? Même une déesse ne peut pas empêcher une invocation dans un autre monde ?
̶ C’est compliqué, la technologie utilisée a surpassé nos pouvoirs. C’est une première. Même si nous pouvions intervenir, il existe des règles entre les dieux. Je ne peux rien faire d’autre que te soutenir et te donner des pouvoirs.
̶ Donc, c’est vous qui m’avez donné mes pouvoirs ?
̶ Pour l’instant, je ne t’ai encore rien donné.
Il est étrange que je puisse utiliser la “Source”, alors si ce n’est pas ma propre Déesse qui a employé mes pouvoirs, comment les ai-je obtenus ?
̶ Que me voulez-vous ?
̶ Je suis venu m’excuser de n’avoir rien pu faire, tout est arrivé si soudainement.
̶ Avec tout votre respect, les excuses ne changent rien. J’ai perdu ma famille et tout ce que j’avais construit sur Terre a disparu, comme si je n’avais jamais existé. Je crains que ma famille soit dans une situation difficile.
̶ Je vais être honnête avec toi et mes excuses ne seront pas de simples paroles, mais des actes.
̶ Des actes ?
̶ Ton invocation a perturbé mes plans pour cette planète. Je l’avais laissée à l’abandon, et la situation était devenue critique en raison de la surpopulation, des problèmes politiques et environnementaux. C’était toi qui étais censé changer tout cela.
̶ Moi ? N’importe quoi, je suis seulement informaticien.
̶ En réalité, j’allais te faire gagner une énorme somme d’argent à la loterie. Ton destin était prévu pour que tu utilises cet argent pour créer et améliorer une intelligence artificielle au sein de ton entreprise. Cela aurait entraîné une révolution technologique sur la planète et t’aurait ouvert les portes de la politique. Tes idées et ta vision bienveillante auraient pu grandement améliorer le quotidien des habitants de la Terre.
Ses paroles étaient captivantes, mais j’avais du mal à y accorder pleine crédibilité. Une destinée prévue spécialement pour moi, aussi incroyable que cela puisse paraître, semblait presque trop beau pour être réel.
̶ On dirait que votre projet est tombé à l’eau.
̶ M’en parle pas, j’ai envie d’intervenir dans le monde d’Izanagi, mais cela risquerait de déclencher une guerre.
Je pouvais voir à quel point elle était exaspérée et sincèrement troublée par cette situation.
̶ Même si je vous crois, je ressens quand même une certaine amertume.
̶ Je suis profondément désolé, Alden. J’ai besoin de toi pour la suite des événements, et nous allons tirer parti de cette situation. Je te promets une chose, tu retrouveras ta famille. Tout d’abord, j’utiliserai tous mes pouvoirs pour figer le temps sur Terre, juste au moment où tu as été invoqué.
̶ Vous en êtes capable ?
̶ Tant que c’est sur ma planète, je le peux, mais il y aura une contrepartie, bien sûr.
̶ Quelle est cette contrepartie ?
Elle ne me répondait pas directement, mais observait attentivement la planète Terre derrière moi.
̶ Une fois que j’aurai figé la planète, tu pourras continuer à vivre dans le monde où tu es actuellement. Si tu viens à mourir, tu reviendras dans ton corps sur ta planète d’origine, juste avant ton invocation. Cependant, je te déconseille fortement de te suicider, car tu devrais profiter de cette vie comme si c’était ta première existence, en tirer des expériences et devenir plus fort. Quand tu décideras de passer l’arme à gauche, tu réintègreras la Terre en tant que Terrien.
̶ Vous dites que c’est si simple pour vous de faire ça ? Revenir sur ma planète est tentant.
̶ Tu es mon enfant, et je te connais très bien. J’ai pu sonder toutes les facettes de ta vie, et je t’ai choisi pour une raison bien précise. Je sais que tu te plais déjà dans ce monde et que tu t’y plairas encore davantage.
J’étais déconcerté par sa capacité à comprendre les profondeurs de mon être. En effet, le combat que j’ai mené tout à l’heure a été l’événement le plus agréable de toute ma vie. Je me sens invincible avec tous ces super-pouvoirs, et j’irais presque jusqu’à tout sacrifier pour les avoir sur Terre.
Elle a totalement raison concernant l’opportunité que représente cette vie comme un tremplin pour ma seconde existence après ma mort.
C’est une chance inouïe qui ne se présente à personne.
J’apprécie énormément ma vie sur Terre, j’aime profondément ma famille et ma fiancée, mais si le temps est figé et qu’ils ne sont pas affectés par ma disparition, alors ma tristesse de les avoir abandonnés et de les voir vivre leur vie sans moi s’estompe peu à peu. À la place, je suis déterminé à les retrouver une fois ma quête accomplie.
̶ Tes yeux ont changé, Alden. C’est ce regard que j’apprécie chez toi. Je crois que tu as pris ta décision.
̶ Déesse Tellus, je suis entre vos mains pour la suite des évènements.
̶ Parfait. Je vais te transmettre une partie de mon pouvoir. Tu pourras parler couramment le japonais, et je te confère également un peu de ma magie. Celle-ci te permettra d’utiliser la magie de la planète. Sans ce don, il serait difficile de survivre dans ce monde. Sache qu’il y a une particularité. La magie que je te transmets est d’essence divine. Cela signifie que tu risques de vivre plus longtemps, voire beaucoup plus longtemps qu’un être humain normal. Selon comment tu maîtrises cette magie, il te sera même possible d’atteindre l’immortalité. Cependant, garde à l’esprit que cela ne te rendra pas invincible.
̶ Est-ce que cela ne serait pas contradictoire si je souhaite retourner sur Terre ?
̶ Ne t’en fais pas, j’ai confiance, je sais que tu trouveras une solution. Mais il est vrai que si tu fondes une famille ou te fais des amis ici, il est probable que tu les verras vieillir et mourir.
̶ Pour l’instant ce n’est pas ma préoccupation.
̶ C’est toujours bien de relativiser, j’apprécie cette attitude. Quant à nous, nous nous reverrons dans plusieurs siècles. C’est le prix à payer pour que j’utilise toute ma puissance divine afin de contrôler le temps de la planète pour toutes les formes de vie. M’accorder en plus un cadeau de départ affaiblit davantage mes forces. Donc, je récupérerai une partie de ma puissance d’ici quelques siècles. Nous nous retrouverons lorsque tu reviendras sur Terre. Je te le promets.
̶ Tout ça pour moi, je ne sais pas comment vous remercier.
̶ Il n’y a pas besoin de remerciements. Ce sont mes excuses, exprimées à travers des actes.
Ma vision s’obscurcit progressivement, comme si le sommeil m’envahissait. La silhouette de Tellus se brouilla, mais son sourire fascinant et chaleureux demeura. C’était comme si ma propre mère me souriait.
̶ J’ai l’impression d’abuser de votre gentillesse, je ne vous décevrai pas.
J’avais tant de choses à lui dire, tant de questions sur l’existence, mais ce rêve fut trop court, bien trop court.
̶ Va, Alden ! Nous reparlerons dans cinq cents ans autour d’une tasse de thé.
Je m’évanouis et me réveillai à nouveau, mais cette fois dans mon lit. L’horloge digitale sur la table de chevet indiquait 9 heures du matin…
CHAPITRE 13 - ROYAUME
J’étais complètement désorienté, comme si j’avais dormi pendant des jours entiers. Était ce réellement un rêve ou plutôt une manifestation divine ? Pour le découvrir, je n’avais qu’une seule option : retirer l’oreillette de traduction de mon oreille. Aucune différence ne me parvint. Mon cerveau maîtrisait désormais parfaitement la langue japonaise, comme si c’était ma langue maternelle. L’écriture était fluide. J’avais véritablement acquis le japonais en une seule nuit.
̶ Donc c’était bien réel.
En effet, c’était bel et bien une apparition divine, et le pouvoir qu’elle m’avait conféré était maintenant mien. J’essayais d’utiliser ma “Source”, mais quelque chose clochait. Je ressentais une autre forme d’énergie, en plus de la Source. Le concept était identique, mais cette nouvelle énergie n’était pas aussi chaleureuse. Elle me rappelait plutôt une fraîche brise, apaisante lorsque l’on a chaud. C’était donc ça, le mana.
Finalement, j’avais la capacité d’utiliser des sources d’énergie indépendantes les unes des autres.
̶ Cela ne ferait pas de moi quelqu’un d’inépuisable ?
C’était une question que je devais sérieusement considérer.
À présent, je ne savais pas d’où venait cette mystérieuse “Source”, contrairement au mana qui m’a été donné par Tellus. Cela signifiait que je pourrais passer plus inaperçu en m’intégrant parfaitement parmi les habitants, car j’en faisais désormais partie intégrante.
Dans un état d’excitation, je prenais ma douche, empli de joie. Une bonne nuit de sommeil m’avait totalement revigoré, me préparant ainsi à rencontrer la Princesse. Il était essentiel pour moi de faire bonne impression afin de pouvoir vivre paisiblement ici. J’enfilais le costume que nous avions acheté hier dans les boutiques, me trouvant véritablement remarquable. Grâce à la “Source”, je n’avais plus d’impuretés sur le visage et mon physique s’était amélioré, ce qui me donnait une confiance en moi renouvelée. C’était certainement bénéfique pour mon état d’esprit.
Au moment où je m’apprêtais à quitter ma chambre et rejoindre le hall, j’ai remarqué que quelqu’un se tenait derrière la porte. Apparemment, elle faisait partie du personnel ici, mais nous ne nous étions jamais rencontrés auparavant.
̶ Bonjour, Monsieur Rossi, je suis l’assistante de la Présidente. Je vous apporte votre tenue pour l’audience avec la Princesse.
̶ Ma tenue ? Mais ce n’est pas ce costume là ?
̶ Absolument pas. Lorsqu’on assiste à une audience avec la royauté, il est essentiel de respecter les traditions vestimentaires en vigueur.
̶ Je vois, cette tenue à l’air complexe.
̶ On m’a dit de vous aider pour cette première, car en effet ce n’est pas facile au début.
̶ Merci de votre patience.
Heureusement, son aide était précieuse, car en effet, la tenue était typique d’un noble issu d’une famille royale dans mon monde. Chaque détail devait être impeccable et sans défaut. Une fois habillé, j’avais l’impression d’être un haut gradé militaire. Le blanc de la tenue contrastait magnifiquement avec mes cheveux blonds et mes yeux bleus. Les touches de bleu sur les coutures et la ceinture s’harmonisaient parfaitement avec le reste de la tenue, créant un ensemble d’une élégance splendide.
̶ C’est bon, ça me va bien ?
Je me tournai vers l’assistante qui était figée, la bouche légèrement ouverte, en regardant mon torse.
̶ Allo, il y a quelqu’un ?
̶ Excusez-moi ! Toutes mes excuses, oui ça vous va très bien. Vous êtes incroyable. Maintenant, je vous invite à me suivre jusqu’à la voiture qui vous conduira à votre destination.
Elle marchait à mes côtés en direction de la sortie de l’entreprise. Comme d’habitude, tous les regards étaient tournés vers moi, l’ensemble du personnel me scrutait, mais cette fois-ci plus intensément que d’ordinaire. Probablement à cause de ma tenue inhabituelle.
Une fois installé dans la voiture, une sensation de nervosité me saisit. C’était une émotion que je n’avais pas ressentie depuis que j’avais été invoqué, et j’étais heureux de m’en être débarrassé. Cependant, cette rencontre avec la princesse allait marquer un tournant décisif dans cette nouvelle vie que j’avais embrassée.
L’assistante m’instruisait sur les protocoles à suivre et les paroles à prononcer lors de mon passage à l’audience. Les procédures royales dans ce monde étaient différentes de celles que j’avais connues auparavant, mais cela était compréhensible, étant donné que nous n’avions plus de gouvernement monarchique dans mon monde d’origine.
̶ C’est bon, vous avez tout retenu ?
̶ Aucun problème pour moi.
Au fur et à mesure que nous approchions, nous découvrions peu à peu le château. L’immensité du château vu de la tour de Kanegawa Industries était tout simplement incroyable, mais vu de si près, c’était un monument inimaginable sur Terre. Ce château semblait être un pays à part entière, car il paraissait infiniment grand, ce qui semblait impossible.
Nous nous arrêtâmes devant les imposantes portes d’entrée. L’assistante abaissa sa fenêtre et présenta aux gardes notre autorisation. Le portail s’ouvrit majestueusement, dévoilant un vaste chemin devant nous. À partir de cet instant, nous devions parcourir plusieurs kilomètres en voiture pour atteindre le sommet du château. Étant le bâtiment le plus élevé du pays, il était situé au-dessus d’une plateforme, ce qui semblait incroyablement aménagé. La réalisation d’un tel édifice était impensable sans l’aide de la magie.
Au sommet des marches de l’entrée principale du château, se tenait Ayame. Lorsqu’elle nous a repérés, elle nous a fait signe de nous approcher. Nous avons été déposés au pied des escaliers. En sortant du véhicule et levant les yeux vers le ciel, je me suis rendu compte que la taille de ce château était véritablement impressionnante, car je ne pouvais même pas en voir la fin.
On risquerait de finir avec un “torticolis chronique” à force de le dévisager ainsi.
̶ Par ici Alden !
̶ Bonjour Ayame, vous avez l’air en forme.
̶ Absolument, je suis pleine d’énergie ! C’est une grande nouvelle que tu fasses officiellement partie de notre pays. Je suis vraiment enthousiasmée par cela !
Depuis le début, elle a été incroyablement chaleureuse envers moi. Je me sens presque comme son fils, une sensation étrange mais plutôt agréable.
̶ Prêt Alden ?
̶ Pas le choix de l’être.
Alors que nous entrions enfin dans le bâtiment pour participer à l’audience, j’ai ressenti une montée de stress similaire à celle que l’on éprouve lors d’un entretien d’embauche.
C’est mon moment, je ne dois pas le foirer.
CHAPITRE 14 - CITIZEN
Mon cœur battait la chamade alors que je pénétrais dans la somptueuse salle de l’audience royale. J’étais émerveillé par le décor mélangeant culture japonaise traditionnel, ainsi que royauté médiéval. Ce qui m’entourait étaient : des colonnes majestueuses qui s’élevaient vers les hauteurs, des lustres scintillants projetaient des éclats de lumière dorée, et des tapisseries richement ornées habillaient les murs. Chaque détail était empreint d’une grandeur et d’une élégance que je n’avais jamais imaginées auparavant.
Au centre de cette splendeur, trônait la princesse du pays, une vision de grâce et de beauté. Vêtue d’une robe étincelante aux couleurs sombres, elle rayonnait d’une aura douce. Mes mains étaient moites, et mes pas hésitants, car jamais je n’avais côtoyé une telle noblesse auparavant. Comment pourrais je me comporter avec aisance en présence d’une personne si prestigieuse ? C’était une jeune femme japonaise typique, avec des cheveux noirs et des yeux noirs, incarnant parfaitement la beauté du peuple Yamato.
En respectant les instructions de l’assistante que j’avais reçues dans la voiture, je m’agenouillais et posais un genou au sol, tout en fermant le poing en signe de salutation envers celle qui m’avait convié. Malgré cela, je n’avais pas encore eu le courage de rencontrer le regard de la princesse, préférant garder les yeux rivés sur le sol, étant toujours très nerveux face à la situation.
Mais je ressentais dans la salle, l’atmosphère qui était tout aussi tendu. Les nobles, vêtus de leurs habits les plus somptueux, échangeaient des chuchotements emplis de mystère.
J’ai pu pleinement saisir la situation, comme je l’ai toujours affirmé dès le début. Pour les habitants de ce monde, je suis perçu comme un extraterrestre, le fruit réussi d’une expérience lors de leurs tests scientifiques. Pour les plus nobles d’entre eux, je ne serais peut-être pas considéré comme l’un des leurs. Je prends de plus en plus conscience que ma situation se complexifie et risque de devenir bientôt politique.
Lorsque la princesse posa les yeux sur moi, je sentis un frisson parcourir mon échine. Je m’inclinais humblement à nouveau, cherchant à exprimer mon respect et ma gratitude pour cette opportunité exceptionnelle.
Ayame posa sa main sur mon épaule tout en saluant également. Son geste signifiait clairement : « Allez, lance-toi ! ».
̶ Je suis Alden Rossi, et je me présente en réponse à la convocation de Sa Majesté, la Princesse Miki Kiyomi !
Après que j’eus fait mes présentations, tout devint officiel ; les chuchotements et les mystères disparurent, laissant place à l’audience tant attendue.
̶ Bienvenue, Alden Rossi, dans le Royaume d’Himeji ! Je suis ravie de vous accueillir dans ce monde, et particulièrement dans notre pays. C’est une chance de vous avoir parmi nous !
Lorsque la princesse s’adressa à moi, sa voix était douce et mélodieuse, comme une brise légère qui caressait délicatement mes oreilles. Elle me salua chaleureusement, manifestant une curiosité bienveillante envers ce visiteur inattendu que je suis, venu d’un autre monde.
̶ Je suis la Princesse Miki Kiyomi, souveraine de ce royaume. Vous pouvez relever la tête. Les présentations sont maintenant terminées.
Elle se leva de son trône, les yeux brillants d’étoiles. Elle était radieuse, et je pouvais sentir sa fascination pour moi, tout comme je suis fasciné par elle. Cependant, dans la salle, tout le monde n’avait pas la même lueur d’étoiles dans les yeux. Certains étaient emplis de doutes et de jalousie. Je suis persuadé que cette audience va être très longue.
̶ Aujourd’hui, je vous ai convoqué officiellement, mais également dans le plus grand secret, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, au nom du Royaume et de mon peuple, je tiens à présenter mes excuses pour vous avoir involontairement invoqué. Je ne pourrais jamais pleinement comprendre le désarroi que vous ressentez, et encore moins la colère d’avoir tout perdu.
Son ton de voix était empreint de compassion. Elle reconnaissait qu’ils avaient commis une erreur, que cela n’était pas prévu. Ma colère s’est estompée, mais je pourrais toujours leur reprocher cette situation, et ils ne pourraient rien dire en retour. Cependant, ce n’est plus mon intention aujourd’hui, mais je suis content qu’ils en prennent conscience.
̶ En effet, votre invocation est complètement due au hasard, car la technologie qui était censée vous invoquer ne devait en aucun cas fonctionner. Mais dans votre malheur, nous avons réussi une prouesse technologique et scientifique hors du commun !
Je le vois venir gros comme une maison…
̶ En outre, j’aimerais compenser cet accident en vous offrant plusieurs choses. Bien entendu, rien ne pourra remplacer la perte de votre famille et des années passées dans votre monde. Cependant, j’espère vous offrir une vie aisée en tant que citoyen du Royaume d’Himeji.
Un serviteur à ses côtés lui tendit une tablette holographique et la princesse commença à lire ce qui était écrit dessus.
̶ Alden Rossi, à partir d’aujourd’hui, je vous accorde l’immunité politique ! Vous ne pourrez être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé en raison de vos opinions ou actes dans notre Royaume. Cependant, cela ne s’applique évidemment pas aux cas de terrorisme, de meurtre ou d’actes compromettant la sécurité nationale !
La salle devenait de plus en plus bruyante, ce qui était compréhensible étant donné que l’octroi d’une immunité politique à un citoyen était sans précédent. Cela signifiait que je pouvais potentiellement commettre des actes agressifs dans la rue sans être inquiété. Ayame me regardait avec des yeux perturbés.
Elle semble croire que je ne suis pas surpris ? Eh bien si, autant qu’elle pourtant.
̶ Vous recevrez chaque mois une compensation financière en tant que “sinistré hors sol”. C’est un nouveau terme que nous avons créé pour désigner votre cas, celui des individus venant d’un autre monde invoqué par accident. Vous percevrez un montant mensuel d’un million de yens.
UN MILLION ?!
Dans mon monde, il s’agit d’un peu plus de six mille euros. Ils m’offrent cette somme chaque mois ? Je réalise mieux ce que la princesse voulait dire quand elle disait qu’elle voulait que je vive confortablement.
̶ Bien sûr, en tant que citoyen à part entière du Royaume, vous bénéficiez de tous les avantages réservés aux habitants du Royaume.
Elle omet de mentionner également ses désavantages.
̶ Par ailleurs, je tiens à exprimer ma gratitude pour votre acte de bravoure lors de l’attaque terroriste en ville hier ! Peu de citoyens seraient capables de risquer leur vie pour sauver celle des autres, et encore moins de faire face à tant d’ennemis seul. En reconnaissance de votre courage, nous avons décidé de vous accorder une compensation financière supplémentaire qui sera discrètement versée sur votre compte.
Elle doit être tellement haute, qu’elle ne peut pas le dire à voix haute.
̶ Voici la situation concernant l’aspect officiel. Passons maintenant à la deuxième partie de l’audience.
La princesse levait sa main et faisait un geste en direction de la salle. Tous les nobles présents commençaient alors à se retirer, ne restant que Ayame, les gardes, la princesse et trois autres personnes, probablement des membres très proches de la princesse. Je ne comprends pas pourquoi tant de formalités étaient nécessaires pour que le reste de l’audience disparaisse.
̶ Ayame, ça fait plaisir de te voir.
̶ Moi de même Kiyo. Ça fait longtemps.
Hein ? Comment a-t-elle été appelée ?
̶ Midori, comment vas-t-elle ? Elle me manque.
̶ Parfaitement bien, elle me parle tout le temps de vouloir te voir.
̶ J’en suis désolée, c’est trop compliqué.
Qu’est-ce que c’est que ce ton très familier ? Où est le discours royal, sérieusement ?
Je regardais Ayame avec désarroi. Elle avait tout compris de ma question rien qu’à travers mon regard. La princesse et Ayame se regardèrent alors et éclatèrent de rire.
Elle se moque de moi…
̶ Alden. La princesse est la fille de mes défunts amis, les anciens souverains, qui sont malheureusement décédés prématurément. Nous aurions actuellement le même âge. Midori et Kiyo, qui sont également du même âge, ont joué ensemble quand elles étaient petites. Maintenant, tu comprends pourquoi nous avons une connexion particulière ?
Je n’arrivais pas à comprendre à quel point Kanegawa Ayame était importante et quel statut elle occupait dans ce Royaume. C’est tout simplement incroyable. Je me demande même si mon invocation, malgré ce que m’a dit Tellus, ne faisait pas partie de ma destinée…
CHAPITRE 15 - CITIZEN 2e partie
J’avais un grand nombre de questions à lui poser, mais je devais attendre le moment opportun. Ayame et la princesse conversaient comme si elles n’avaient pas eu de rencontres depuis longtemps. Le rôle de la princesse était plutôt délicat pour maintenir des liens avec les personnes qu’elle connaissait en dehors de son château. Elle pouvait facilement effectuer des appels en visioconférence sans problème, mais pour des raisons de sécurité, elle était contrainte d’organiser des audiences afin de dialoguer avec les individus les plus proches se trouvant à l’extérieur du château.
Ayame posait ses yeux sur moi, esquissant un sourire léger.
̶ Je pense que nous devrions parler d’Alden.
̶ En effet, Ayame. Abordons maintenant les questions importantes.
Ça y est, c’est le moment.
̶ Alden, y a-t-il des interrogations que vous souhaiteriez formuler ? En effet, l’octroi de la citoyenneté trouve sa justification dans certaines considérations.
̶ Le citoyen jouit de droits, toutefois, il est également investi de responsabilités. Sachant votre orientation politique de type monarchique, il est fort probable que vous envisagiez de solliciter mon concours en vue de votre situation politique, notamment en raison de l’attaque terroriste.
Un regard de méfiance de la part de la princesse était dirigé en direction d’Ayame.
̶ Je n’ai même pas abordé ce sujet avec lui, je t’assure. Je t’ai déjà dit à quel point il est perspicace et intelligent.
Je remarquais que la princesse soupirait, mais c’était un soupir empreint de soulagement.
̶ Je vois que vous avez compris ce que j’avais en tête.
̶ Cela relève de la logique élémentaire. Étant donné le pouvoir dont je dispose, ce serait une erreur de ne pas l’exploiter. J’aurais agi de la même manière.
̶ Je suis apaisé de constater que vous saisissez ma situation.
̶ Je la comprends, mais pour que je l’accepte. J’ai deux conditions.
̶ Seulement deux conditions ? Si elles sont réalisables de mon côté, je les accepte volontiers. Votre assistance mériterait un prix bien plus élevé. Je vous écoute attentivement.
̶ Dans un premier temps, j’aspire à obtenir une connaissance exhaustive de votre contexte politique. Je désire comprendre les tenants et aboutissants de mon engagement, ainsi que les moyens par lesquels je pourrais vous apporter mon soutien.
̶ Je vais expliquer clairement notre situation. Voici ce qu’il en est.
La princesse m’a partagé des informations sur la situation de son pays ainsi que sur celle du monde en général. Cependant, le principal souci réside dans les relations avec le pays voisin, le Royaume d’Ezo. Selon la princesse, notre propre royaume, Himeji, a toujours adopté une approche gouvernementale axée sur la proximité avec le peuple, en garantissant des libertés individuelles, une économie stable et équitable, ainsi que la sécurité. Notre nation a constamment été un modèle à suivre pour les autres pays. Notre réputation est renforcée non seulement par notre maîtrise remarquable de la magie, mais également sur le plan technologique grâce à Kanegawa Industries, qui a précédé d’autres royaumes en matière d’innovations. En tant que leader monopolistique, Kanegawa fournit ses produits à travers le monde.
Depuis environ cinquante ans, le Royaume d’Ezo a adopté une approche expansionniste, sous la gouvernance de factions autoritaires et oppressives. Leur objectif est d’élargir leur emprise territoriale dans le but d’accumuler richesse et influence. Cette nation s’est lancée dans le développement d’une technologie avancée qu’elle souhaite déployer non seulement au sein de sa population, mais également à l’échelle mondiale. Malgré la présence de la magie dans leur royaume, celle-ci est employée de manière à exercer un contrôle oppressant sur les citoyens.
Les origines du conflit entre Himeji et Ezo résident dans leurs divergences idéologiques profondes ainsi que dans leurs aspirations contradictoires. Les frictions ont atteint un point critique lorsque Ezo a tenté d’exercer des pressions sur Himeji en vue d’établir des liens plus étroits et d’obtenir un accès aux ressources technologiques fournies par Kanegawa Industries, afin de compléter leur propre technologie avancée.
Himeji ayant refusé de coopérer avec un régime tyrannique. La princesse craint que le partage de leur technologie et de leur magie ne conduise à une utilisation abusive par Ezo, mettant en danger la liberté et le bien-être de leur peuple, ainsi que du monde entier.
Le Royaume d’Ezo, considérant le Royaume d’Himeji comme un obstacle à ses visées hégémoniques, a commencé à disséminer de la désinformation visant à décrédibiliser le pays. Cette campagne a débuté en ciblant en particulier l’intelligence artificielle. Cette situation engendre des problèmes politiques et entrave la progression d’Himeji. À l’échelle mondiale, l’idée fausse prévaut que le Royaume d’Himeji cherche à dominer le monde par le biais de sa technologie, alors qu’en réalité, c’est Ezo qui pose problème. Cette désinformation semble être utilisée pour justifier une éventuelle intervention militaire, en arguant que la technologie et la magie d’Himeji pourraient représenter une menace pour la sécurité régionale.
Le Royaume d’Himeji prend des mesures pour éviter l’utilisation de l’IA dans le pays, ou du moins pour la limiter, dans le but de contredire les affirmations d’Ezo. Pourtant, notre nation posséderait un potentiel considérable pour révolutionner le monde grâce à cette technologie. D’autres pays sont en retard et pourraient ne jamais parvenir à un tel niveau d’avancement.
Je comprends mieux ce que voulait dire Ayame hier.
Cette audience royale m’offrait une fenêtre ouverte sur un monde que je n’avais jamais imaginé. Je me trouvais plongé dans une réalité diamétralement opposée à celle que je connaissais, mais dont la noblesse et la magnificence m’éblouissaient. La rencontre avec la princesse du pays ouvrait une porte vers une culture et une civilisation dont j’ignorais tout, mais dont la splendeur m’inspirait un respect sans égal.
Dans le regard de la princesse, je pouvais déceler une force tranquille, le poids des responsabilités qui reposaient sur ses épaules royales. Et pourtant, derrière cette majesté, je discernais aussi une humaine, une âme bienveillante qui aspirait à faire le bien pour son peuple.
Cependant, les mesures qu’elle envisageait de prendre n’étaient pas la meilleure solution, et elle en était inconsciente à ce moment-là. Bien que la situation politique du pays soit défavorable, il n’était pas justifié d’adopter l’approche qu’elle avait préconisée. Je me devais de lui en faire part. À ce moment précis, nul ne possédait la connaissance de ses intentions. Seul moi entretenais des soupçons à leur égard, car l’idée en question était irrésistiblement séduisante.
̶ Il serait préférable, Votre Majesté, que vous n’envisagiez même pas cette possibilité.
̶ Pardon ?
̶ Je saisis parfaitement la situation délicate dans laquelle se trouve le Royaume. Néanmoins, ma seconde exigence demeure : veuillez éliminer la technologie qui a rendu mon invocation possible…
CHAPITRE 16 - CITIZEN 3e partie
̶ À QUI PENSEZ-VOUS AVOIR LE DROIT DE DONNER DES ORDRES ?!
Une réaction inattendue émana de l’une des personnes postées derrière la princesse, provoquant un sursaut général. Parmi les trois hommes en arrière-plan qui n’avaient jusqu’alors pas prononcé un mot, l’un d’entre eux décida enfin de briser le silence.
La princesse leva la main pour l’indiquer de se taire.
̶ Naoki, c’est assez, tu perds ton calme.
̶ Pardonnez-moi, votre Altesse.
̶ Je suis désolée, Alden. Mon cousin Naoki a un tempérament fougueux, mais, en fin de compte, il n’a pas tort. De quel droit me demandez-vous de supprimer la technologie qui pourrait renforcer notre puissance militaire ?
̶ Pensez-vous réellement à faire appel à d’autres personnes de mon monde pour obtenir des individus dotés de pouvoirs similaires aux miens ?
̶ Je n’étais pas au courant !
Ayame était stupéfaite par ce qu’elle entendait. Évidemment, elle n’avait pas saisi la portée de mon invocation et les implications politiques qui en découlaient. Pour moi, la raison de ma visite aujourd’hui était pourtant aussi claire que de l’eau de source.
̶ Il est normal que tu n’aies pas été informée, Ayame. Tu aurais été opposée à cela.
̶ Je le suis ! Si je pouvais revenir en arrière, je n’aurais jamais créé cette machine. Priver Alden de sa famille et de son monde d’origine était une erreur.
̶ Nous avons besoin de personnes comme lui, dotées de ces capacités, pour être en mesure de repousser les envahisseurs. Ils ont réussi à contourner notre sécurité. Notre technologie devient obsolète car elle a été restreinte. Si nous pouvions utiliser l’IA, tout pourrait changer !
̶ Mais dès que vous commencerez à travailler sur l’IA, vous déclencherez une guerre.
̶ C’est exact, Alden, vous avez bien compris. Nous ne serons pas suffisamment puissants si tous les pays décident de nous attaquer, surtout avec des méchas comme le Royaume d’Ezo. C’est pourquoi nous avons besoin de…
̶ … de chair à canon.
Ayame me lançait un regard interrogateur, comme pour me rappeler de peser mes mots avec précaution.
La princesse se levait, manifestant clairement son mécontentement. Je pouvais discerner sa détermination à utiliser cette technologie pour sauver son peuple.
Je ne suis qu’un étranger, tout comme les autres qu’elle souhaite invoquer. Donc, en fin de compte, si nous venions à périr, cela ne serait pas si grave. Cependant, ce n’est pas pour cela que je suis contre l’idée de l’invocation.
̶ Avec tout le respect qui vous est dû, je dois vous dire que vous avez totalement tort.
̶ Je comprends que vous préfériez éviter d’invoquer d’autres personnes, car cela peut être perçu comme un enlèvement, mais…
̶ J’ai dit que vous vous trompiez.
̶ Vraiment ? En quoi ?
̶ Je vous demande de ne pas faire appel à d’autres personnes, non pas pour moi-même, mais pour le bien de votre royaume et de votre monde. Mon invocation a été purement le fruit du hasard, c’est vrai. Cependant, vous avez eu de la chance dans votre invocation, car c’est moi qui ai répondu à l’appel, et non un autre habitant de ma planète.
̶ Que voulez-vous dire ?
̶ Je reconnais que cela peut sembler arrogant. Cependant, il est important de prendre en considération que vous n’avez pas une vue complète de la situation dans mon monde ni de l’état mental de ses habitants. Ils peuvent être perçus comme égoïstes, avares, méchants, impolis, et non respectueux. Les Terriens semblent souvent se concentrer sur l’acquisition de richesse et de pouvoir, et parfois ils manifestent des comportements violents. Si vous envisagez d’invoquer d’autres personnes de mon monde, il est possible qu’ils diffèrent grandement de moi. Au contraire, ils pourraient être enclins à utiliser leurs pouvoirs pour enfreindre vos lois, vivre leur vie sans devoir rendre de comptes. Avec des risques tels que le terrorisme, la corruption, et des problèmes mentaux désastreux, je vous mets en garde sur les conséquences potentiellement catastrophiques pour votre monde si vous envisagez d’utiliser cette technologie.
Les seuls individus présents dans la salle étaient attentifs à mes paroles, et je pouvais discerner de l’inquiétude dans leurs regards.
̶ Dans votre histoire, il y avait d’autres civilisations distinctes de la vôtre. Lorsque la magie a été découverte et que vous en êtes devenus les gardiens, de nombreuses nations ont cherché à vous arracher ce savoir. Les autres pays ont même déclenché des conflits pour cela. Vous les avez vaincus grâce à la magie, éradiquant complètement leurs populations. Finalement, tous les autres pays se sont effondrés, ne laissant que le vôtre dans ce monde. Êtes-vous au courant de ces événements ?
̶ Oui, je suis bien informé de l’histoire de mon monde.
̶ Ces autres civilisations étaient composées de personnes semblables à moi, différentes de vous, avec des perspectives et des motivations différentes. C’est là que la divergence entre votre monde et le mien s’est produite. Sur ma terre, vos habitants résident sur des archipels où la qualité de vie est bien meilleure que dans d’autres régions où les habitants sont souvent égocentriques, commettent des actes insensés et barbares, et manquent de culture. Je ne vais pas me répéter, mais je tiens à vous avertir que si vous poursuivez avec vos projets prévus, vous vous dirigez tout droit vers une catastrophe.
La princesse s’est rassise et a porté sa main à son front, comme si une migraine venait de surgir.
̶ Je n’avais pas envisagé cette perspective. Vous étiez vraiment la personne idéale pour ce rôle.
̶ Donc, vous pensiez que tous les habitants de ma planète étaient similaires ? C’est une vision simpliste, surtout étant donné votre propre situation, sachant qu’un royaume composé de la même espèce que la vôtre vous fait la guerre.
̶ Je comprends maintenant que c’était une vision puérile
Ayame et la princesse Kiyomi échangèrent un sourire délicat et apaisé, bien que teinté de tristesse dans leurs yeux.
̶ Je peux vous faire une proposition. Ces deux demandes étaient une façon de vous aider. Si vous les acceptez, je peux peut-être vous apporter des solutions ou vous guider vers une résolution.
̶ Quels sont vos projets exacts ? Comment puis-je vous accorder ma confiance, étant donné ce que vous m’avez révélé au sujet de votre monde ? Vous n’êtes pas attiré par la richesse et le pouvoir, n’est-ce pas ?
̶ En réalité, j’ai déjà ces éléments grâce à vous. Ce qui me tient le plus à cœur, c’est de pouvoir les utiliser de manière légitime. Pour être franc, j’ai toujours rêvé d’être invoqué dans un autre monde, comme dans les livres que je lisais. J’étais donc plutôt enthousiaste au début et inconsciemment déjà préparé à cette expérience. Mon désir profond est de vous aider et de pouvoir vivre librement, comme les habitants de cette planète.
̶ Alors, nous avons invoqué la personne la mieux qualifiée pour cela.
La princesse observait ses sujets derrière elle, inclinant la tête en signe d’approbation. Pendant ce temps, Ayame adoptait une attitude fière après les événements récents.
D’un autre côté, j’avais raison de craindre les conséquences désastreuses qu’aurait pu avoir l’invocation d’une autre personne. Cependant, il y avait une autre seule raison derrière cette préoccupation que je ne pouvais pas révéler. Cette raison est égoïste. Comme tout être humain de mon monde, je désirais être le seul à posséder cette unicité et à profiter de tous les avantages qui en découlaient. Je ne voulais pas les partager avec quiconque.
Ce monde sera le mien.
CHAPITRE 17 - SOUL
L’entretien était enfin officiellement terminé. Je pouvais enfin respirer et me débarrasser de ce langage trop formel qui m’oppressait. Je n’étais pas habitué à cette constante pression de choisir mes mots avec précaution. Le moment tardait à arriver, et il était nécessaire de raccourcir la réunion officielle. J’ai acquis une grande quantité de connaissances et j’ai pu me rapprocher un peu plus de la vie quotidienne des habitants d’ici. Ayame m’a assuré que j’avais agi de manière exceptionnelle, que j’avais été très persuasif et charismatique. Cependant, cela me laisse tout de même perplexe.
J’ai obtenu les réponses à mes questions sur l’IA, bien que je n’aie pas osé aborder le sujet du voyage dans l’espace et de leurs contraintes. Cependant, je vais me concentrer sur ce que la princesse m’a demandé en premier. Pour cela, il me faudra travailler chez Kanegawa Industries. Ayame prévoit de m’attribuer un département où je pourrai donner libre cours à toutes les idées qui me viennent à l’esprit. Je devrai également constituer une équipe de mon choix pour travailler sur des projets qui serviront l’avenir du Royaume. Elle me laisse même la liberté de choisir le nom de ce département, une décision que je prendrai une fois que je commencerai le processus de recrutement.
Nous avons beaucoup de tâches à accomplir : la signature du contrat de travail, la visite du département des méchas et de l’IA, ainsi que l’acquisition d’une arme. Selon la princesse, le gouvernement m’autorise à utiliser mes pouvoirs pour la protection du Royaume, mais pour cela, je dois recevoir une arme spéciale de la part de Kanegawa Industries. Je n’en sais pas plus à ce sujet, mais cela suscite en moi une grande excitation.
Nous avons déjeuner au restaurant en compagnie d’Ayame, retrouvant Midori qui avait réservé la même table que la veille. Cette fois, c’est moi qui ai réglé l’addition, car la récompense astronomique que j’avais reçu me permettait de vivre confortablement pour le reste de ma vie, sans avoir à surveiller mes dépenses.
L’après-midi débutait par la signature de mon contrat de travail en tant que cadre, ce qui me permettait de bénéficier d’un salaire considérablement généreux. Jamais je n’aurais imaginé gagner autant dans mon monde. Mes primes étaient directement liées aux performances de mes projets et à leurs chiffres d’affaires, ce qui était tout à fait évident.
J’avais également le privilège de conserver ma suite, qui était inclus dans mon package. Cependant, j’avais l’intention d’acheter une maison pour m’installer tranquillement. On m’a ensuite fait visiter les futurs locaux de mon département, situés en haut de la tour. L’endroit était encore vide et nécessitait des travaux, que je prévoyais de commencer dès demain.
La prochaine étape consistait à faire don de l’arme. Cette pièce en particulier était située dans les sous-sols de Kanegawa Industries, fortement sécurisée et éloignée des employés. Apparemment, il s’agissait d’armes magiques, du moins elles le devenaient une fois que vous y infusiez votre magie, les transformant en des armes destructrices. L’utilisation de la magie était un processus long et complexe, mais ils avaient trouvé un moyen de surmonter cette lenteur, créant ainsi une arme magique capable d’être rapide et précise.
Mon avantage réside dans le fait que ma magie ne nécessite ni incantations ni complexité. En fin de compte, je n’avais pas besoin d’armes. Cependant, cela te permet d’économiser ton mana et d’être plus décisif lors des combats. Elle est utilisée pour la victoire. En ce qui concerne la magie, certains préfèrent la préserver, la trouvant trop belle pour être utilisée, et ils aiment prolonger le combat pour en montrer la beauté. Je trouve cela ridicule, un combat est conçu pour être remporté. Tant qu’on peut gagner en cinq minutes, pourquoi le prolonger pendant vingt minutes.
Après avoir franchi toutes les portes de sécurité, Ayame, Midori et moi-même nous sommes retrouvés dans une salle entièrement blanche, où les murs étaient ornés d’une variété d’armes. Il y avait de tout : des armes archaïques, futuristes, et même fantaisistes. Vous pouviez trouver ici tout ce que vous pouviez imaginer en matière d’armement.
̶ Bien. C’est à toi de choisir Alden.
̶ Je peux choisir n’importe quoi ?
̶ J’aimerais pouvoir répondre par l’affirmative, mais la situation n’est pas aussi simple. Le choix d’une arme magique dépend de ton élément magique. En diffusant ton mana dans la pièce, tu pourras révéler les couleurs des armes qui sont actuellement neutres, comme tu peux le constater. Une fois que la magie aura été diffusée, celles qui seront colorées te seront attribuées, et c’est à ce moment-là que tu pourras faire ton choix.
J’avais l’impression d’être confronté à une sorte de dilemme de classe, similaire à ce que l’on trouve dans les jeux vidéo. Je ne pouvais pas simplement opter pour l’arme la plus puissante dès le départ, il fallait que je passe par une phase intermédiaire, ce qui était tout à fait logique.
Cependant, le principal inconvénient de cette approche était que je ne pouvais pas identifier mon élément préféré, car j’étais capable de tous les utiliser. J’ai donc commencé à libérer mon mana, une compétence que je maîtrisais désormais grâce à la Déesse.
Néanmoins, il n’y avait aucune manifestation apparente d’effet.
̶ Alden, es-tu certain d’avoir correctement canalisé ton mana ?
̶ Oui, madame la présidente, j’en suis sûr.
̶ Si tu le souhaites, je peux te montrer comment le faire avec ta Source.
Midori proposa gentiment de m’aider. Cependant, elle ne savait pas encore que je maîtrisais déjà l’utilisation du mana.
̶ C’est très aimable à toi, mais je pense que c’est peut-être parce que je ne connais pas encore bien mon élément
̶ Oui, c’est une possibilité tout à fait plausible.
En toute discrétion, je répétais la même action, cette fois-ci avec ma Source. Soudain, une seule arme s’est activée, arborant une teinte cuivrée peu attrayante. Il s’agissait d’une sorte de dague en très mauvais état, dont la lame était émoussée. Ce n’était certainement pas un objet que quiconque aurait désiré.
̶ Donc, si je comprends bien, avec toutes tes compétences, c’est cette arme maudite qui s’est réveillée ?
Ayame était en colère, non pas contre moi, mais contre le mystère qui enveloppait la magie et le résultat de ce test.
̶ Maudite ?
̶ Cette arme est véritablement maudite. Nous n’avons jamais réussi à la détruire, et elle finit toujours par réapparaître ici, peu importe où nous l’avons cachée. La malédiction réside dans le fait que quiconque tente de la prendre est englouti par les ténèbres et tombe dans un coma qui dure plusieurs semaines. De plus, ils subissent une perte significative de leurs capacités magiques.
Il est vrai qu’elle semble être dangereuse. Ça éveille ma curiosité.
̶ Comment est-elle arrivée là ?
̶ Il y a des décennies, nous l’avons exhumée lors d’une fouille archéologique dans un ancien cimetière. Depuis ce moment-là, nous avons cessé de faire des fouilles dans les sépultures.
L’anecdote était amusante, malgré les conséquences qu’elle avait entraînées. Cependant, je me disais que c’était normal si vous fouillez des tombes.
Cela ne m’empêchait pas d’être tenté. Si elle s’était révélée avec ma propre source, cela signifiait que j’avais une sorte de compatibilité avec elle.
Je m’approchais d’elle et tendais la main en sa direction.
̶ ALDEN, NOOON !
Ayame et Midori criaient pour essayer de m’arrêter, mais l’arme émana une aura sombre et ténébreuse qui m’enveloppa. Des voix résonnaient tout autour de moi.
“Il n’y a pas de contrôle sur moi, je vais tous vous tuer“, entendais-je en murmure.
Mon esprit restait lucide, et je regardais autour de moi. Une brume tourbillonnante m’entourait, que je parvins à dissiper en relâchant ma Source. Le tourbillon avait disparu, et je pouvais voir Ayame et Midori choqués de constater que j’allais bien.
Dans ma main, la dague était apparue, dans un état éblouissant et magnifique. Elle était revenue à son état d’origine, avec des finitions parfaites et indescriptibles. Chaque détail était impeccable, et son aura semblait divine.
̶ FILS DE PUTE ! C’EST TOI QUI M’A MANIPULÉ !
̶ Fils de quoi ?
̶ Hein ? Tu vas bien Alden ?
̶ Vous avez dit quelque chose Midori, Ayame ?
̶ Non, rien du tout.
̶ C’EST MOI QUI TE PARLE CONNARD, TU ME TIENS MAL DANS TA MAIN, SAIS-TU QUI JE SUIS ?
C’était la dague qui établissait une communication avec moi, utilisant un langage grossier que je ne m’attendais pas à entendre d’un objet inanimé. Je me demandais comment je pourrais affronter quelqu’un d’aussi insultant. Je levais la dague et l’observais de plus près.
̶ C’est qui le fils de pute entre nous deux ? Celui qui est enfermé dans cette putain de dague ou est-ce moi qui te tiens en laisse, comme un chien ?
CHAPITRE 18 - KENYAMI
Plus aucun son. Ayame et Midori étaient profondément choquées par mes paroles. Il était compréhensible qu’elles ne comprennent pas à qui je m’adressais, les voyant me parler à une dague. À leurs yeux, je semblais avoir perdu la tête. La dague ne réagissait pas, même après que je l’avais insultée et maltraitée à mon tour.
Peut-être était-elle contrariée ? Elle semblait aimer proférer des insultes, mais peut-être n’appréciait-elle pas d’en être la cible ?
̶ SALE PETIT CON ! COMMENT PEUX-TU AVOIR L’AUDACE DE T’ADRESSER AINSI A L’EMISSAIRE DU DIEU IZANAGI ? JE VAIS M’OCCUPER DE TON CAS RAPIDEMENT.
̶ Izanagi, cette merde qui ne peut même pas percevoir les individus d’autres mondes être invoqués dans le sien ?
̶ QUOI ? JE NE TE PERMETS PAS DE PARLER DU SEIGNEUR COMME- Attend quoi ? Invoquer ?
̶ Même toi, tu n’es pas au courant.
̶ L’idée n’a jamais été d’invoquer qui que ce soit, mais ta présence, il est clair que tu ne proviens pas de ce monde, enfoiré.
̶ Tu pourrais arrêter ces propos offensants, sinon je vais être obligé de réagir. On dirait que je suis de retour en France.
̶ Je ne comprends rien à ce que tu dis.
̶ Nous sommes deux, qui es-tu ? Une âme emprisonnée dans une dague ?
̶ Je suis Kenyami, une arme conçue pour le Dieu Izanagi lui-même. Cependant, je n’ai jamais été offerte, car mon créateur est décédé avant cela. On m’a donc enfermée dans sa tombe avec lui il y a des milliers d’années. Le premier salaud à me posséder, c’est donc toi. Et toi, qui es-tu ?
̶ Je suis Alden, originaire de la planète Terre, sous la protection de la déesse Tellus. Ces deux femmes avec moi, m’ont invoqué dans ce monde.
̶ Tellus, cette vieille excentrique est ta déesse ?! Hahaha, t’es vraiment dans une situation pitoyable en plus d’être moche.
̶ C’est la goutte de trop, je vais te tuer.
J’ai propulsé Kenyami avec une force extraordinaire, provoquant des vibrations dans toute la pièce. Les armes sont tombées en cascade sur le sol, comme des dominos.
̶ BON SANG ALDEN ! QU’EST-CE QUE TU FAIS ?!
Ayame était en colère, mais moi aussi, bien que nos raisons ne soient pas les mêmes.
̶ Je m’excuse, Ayame, mais cette dague m’exaspère. Elle ne cesse de m’insulter et a vraiment franchi les limites.
̶ La dague ? Est-ce à elle que tu t’adresses ?
̶ Oui, à l’intérieur, elle renferme une âme qui communique avec moi mentalement. Elle est furieuse que j’aie réussi à la maîtriser.
̶ Comment ça va, Alden ? Tu as réussi à la dompter ?
̶ Bien sûr, Midori. Tu pensais quoi ?
Je lui adressai un clin d’œil tout en me redressant, fier de ma réussite.
̶ ENFLURE ! TU TE PRENDS POUR QUI DE ME TRAITER COMME CA ?
̶ MAIS FERME-LÀ PUTAIN ! C’EST TOI QUI UTILISES UN LANGAGE IMPROPRE, ÇA FAIT REMONTER MON CÔTÉ SUDISTE ET FRANÇAIS. JE VAIS PETER UN CÂBLE.
̶ Pour moi, cela ne relève pas vraiment de la maîtrise.
Je ressentais une colère brûlante, puis de la gêne lorsque Midori me vit ainsi.
Je pris Kenyami entre mes mains.
̶ Toi, écoute-moi bien. Si tu ne te tais pas, je te ferais taire moi-même. J’utiliserais ma Source pour que tu cesses de parler et que je puisse te manipuler sans ton accord.
̶ La première fois, ce n’était que de la chance…
J’utilisais ma Source sans la moindre hésitation, et Kenyami avait métamorphosé sa forme. J’avais instantanément souhaité un ruban adhésif pour réduire au silence cette dague. J’avais réussi à la réduire au silence, à éteindre sa voix dans ma tête. Cependant, j’étais stupéfait de découvrir que mon arme s’était transformée en quelque chose de différent.
Je tenais le ruban adhésif dans mes mains, abasourdi, mais je n’étais pas le seul. Ayame et Midori avaient les yeux si écarquillés de surprise qu’on aurait dit qu’ils allaient quitter leurs orbites.
̶ Que s’est-il passé ? Ton arme magique a subi une transformation ?
̶ Je n’en suis pas certain, Madame la Présidente. J’essayais simplement de faire taire sa voix en pensant à un ruban adhésif, et il s’est métamorphosé en un rouleau de scotch.
̶ Peux-tu le ramener à son état précédent ?
Midori m’a posé cette question si naturellement, mais je ne savais pas comment j’avais fait. J’ai donc repris ma concentration et repassé les étapes de ce que j’avais fait précédemment.
J’ai canalisé ma source et l’ai dirigé vers ma main où se trouvait la dague, tout en pensant intensément à une arme qui était accrochée au mur en face de moi. Il s’agissait d’un fusil d’assaut futuriste que je trouvais très impressionnant, et j’aurais préféré l’avoir comme arme. C’est quand j’ai eu cette pensée que la dague Kenyami, qui était devenue un rouleau de scotch, s’est transformée en l’arme que j’avais imaginée.
̶ Je pense que j’ai saisi.
̶ Alden, tu as encore modifié ton arme ?!
̶ J’ai visualisé la même arme que celle accrochée au mur, Midori, et elle s’est transformée instantanément.
Midori s’avançait vers moi avec assurance, ses pas résonnant lourdement. Elle m’a attrapé par les épaules et m’a regardé d’un air très sérieux.
̶ Ce que tu tiens entre tes mains, c’est une arme mimétique…
̶ Elle imite ce que je souhaite ?
̶ Je n’arrive toujours pas à comprendre comment tu parviens toujours à saisir ce qu’on te dit. Tu ne peux pas être surpris de temps en temps ?
Midori était vexée, elle pensait que je n’allais rien comprendre à ce qu’elle disait, étant donné que j’étais dans un nouveau monde. Mais elle ne savait pas que j’avais suffisamment lu d’histoires pour comprendre que, d’une certaine manière, j’étais préparé à tout ce qui m’arrivait.
̶ OOOHH, une arme mimétique, c’est quoi ce truc ?!!!
̶ Tu ne m’auras pas Alden.
Midori tentait de faire la moue, bien que j’aie pu percevoir un léger sourire sur son visage, car ma réaction l’avait amusée.
Ayame s’approchait avec un sourire discret, trouvant la situation divertissante.
̶ Même si tu n’exprimes pas de surprise face à la nature de cette arme, il faut souligner son exceptionnalité. Elle est d’une rareté extrême, un trésor que nous n’aurions jamais imaginé posséder. Elle dépasse même la rareté ; on pourrait dire qu’elle est véritablement unique. Jusqu’à présent, nous n’en entendions parler que dans des contes et des récits, une chimère inaccessible. Grâce à toi, cette chimère devient soudainement une réalité.
Mes doutes quant au hasard de mon invocation étaient de plus en plus forts. Ce moment précis me le confirme encore davantage. Il est évident que ma venue n’est pas le fruit du hasard, comme Tellus le prétendait. Cela doit relever de quelque chose de bien plus vaste. La Source, ma rencontre avec Ayame : une personne d’importance dans cette société, la déesse Tellus, et maintenant Kenyami. Si tout ceci est le fruit du pur hasard, alors je suis véritablement chanceux, voire doté de la capacité « chance ».
Je tournais mon regard vers Kenyami et retransformais son apparence en une simple dague. Si je suis capable de transformer cette arme magique en n’importe quelle autre arme, cela me confère un avantage considérable. Toutes les armes que j’ai pu imaginer dans mon monde, qu’elles soient réelles ou fictives, pourraient devenir réalité grâce à moi.
Des expérimentations s’imposent.
̶ Ton sourire, Alden, il est plutôt inquiétant.
̶ Midori, je pense qu’il trame quelque chose.
Midori avait saisi mes intentions. Ayame poussa un soupir, anticipant probablement que la situation n’allait pas être de tout repos pour elle.
CHAPITRE 19 - VISION
J’étais incroyablement enthousiaste à propos de la situation. Toutes les armes et objets que je pouvais concevoir tournoyaient dans mon esprit. J’avais une idée précise, mais pour la concrétiser, j’avais besoin de quelqu’un doué pour la réalisation. Heureusement, après avoir quitté la salle des armes magiques, nous nous sommes dirigés vers le département du développement. Ce département portait un nom qui englobait un vaste domaine, car il était le point central de l’entreprise pour concrétiser les idées des autres départements, que ce soit en mécanique, informatique, et bien d’autres encore, à l’exception du secteur scientifique, qui relevait d’un domaine différent.
̶ Alden, je vais te dévoiler quelque chose d’extrêmement confidentiel. En tant qu’employé et cadre à part entière de Kanegawa Industries, tu fais désormais partie intégrante du cercle de confiance le plus absolu..
̶ Bien sûr présidente. Je respecterais les termes de notre contrat.
̶ Allons-y.
Nous traversions régulièrement de nouveaux portails de sécurité. En effet, tous les employés n’avaient pas un accès illimité à l’ensemble des départements. Lorsqu’ils avaient besoin de services spécifiques, ils devaient soumettre une demande à leurs supérieurs hiérarchiques, qui ensuite envoyaient des autorisations pour permettre la progression de projets ou envoyaient des coursiers pour acheminer des documents. Dans une entreprise de cette envergure, une organisation rigoureuse était essentielle.
̶ Combien d’endroits avez-vous comme ça si secret ?
̶ On peut les compter sur les doigts d’une seule main. Tu dois savoir que ce que tu vas découvrir est un projet étroitement lié à l’intelligence artificielle.
̶ Donc, vous avez déjà commencé à travailler dessus.
̶ En effet, mais nous sommes confrontés à une impasse. La création d’une IA pour ce projet est délicate, et nous n’arrivons pas à déterminer si nous devons l’utiliser seulement pour une partie de ce que nous avons prévu ou pour l’intégralité.
̶ Je ne comprends pas quelle est votre préoccupation. De quoi avez-vous peur ?
̶ Si nous intégrons entièrement l’intelligence artificielle dans notre projet, j’ai des craintes quant à la nécessité continue de pilotes.
̶ Des pilotes ?
Nous franchissions la dernière porte de sécurité, dévoilant un immense hangar. C’était un endroit magnifique où prenaient forme les créations d’autres personnes. Ce que je découvrais ressemblait exactement à ce que l’on peut voir dans des films ou des séries de science-fiction : des méchas. C’était exactement ce contre quoi j’avais combattu la veille, mais à un tout autre niveau.
Kanegawa Industries a vraiment surpassé les attentes. Je comprends pourquoi ils occupent la première place dans le domaine des technologies innovantes.
̶ Whouaaah, c’est incroyable.
̶ C’est le projet sur lequel nous travaillons actuellement. Nous développons une IA pour nos futures armes.
̶ Les premiers projets sont toujours à vocation militaire. Ensuite, ils sont adaptés pour le grand public, comme Internet.
̶ Oui, Alden. Donc, c’était pareil dans votre monde ?
̶ En effet, pour répondre à votre question précédente.
Je regardais Ayame avec détermination et passion.
̶ Vous devriez envisager une IA intégrale pour ce genre de mécha.
̶ Pardon ?
̶ C’est ce que je tue à lui dire tous les jours !
Une femme interrompit notre conversation en s’approchant de nous. Elle était flamboyante, avec des cheveux rouges éclatants, comme un soleil rouge, mais ses yeux adoucissaient son apparence. Elle semblait nous juger constamment, avec un air interrogateur.
̶ Oui, tu me le dis tous les jours, Yoko.
̶ Vous devriez vraiment écouter Alden.
̶ Alden, voici Yoko Tetsu. C’est la directrice de ce département. Elle travaille ici depuis des années, je ne me souviens plus depuis quand, tant ça fait une éternité, mais sans elle, Kanegawa Industries perdrait vraiment de sa valeur.
̶ Enchanté, je suis Alden. C’est mon premier jour en tant que cadre chez KI.
Je tendis ma main vers Yoko, qui me fixa dans les yeux, me jaugeant encore, puis regarda ma main et la serra.
̶ Bienvenue dans le département de développement. J’ai beaucoup entendu parler de toi ces trois derniers jours. On dit que tu es un génie en combat.
̶ Je ne sais pas qui vous a dit ça, mais j’espère ne pas le rencontrer. Je lui montrerais qu’il a totalement raison, sinon.
̶ Ha ha. J’espère que tu es aussi doué en humour qu’en tant que futur cadre. L’humour ne te sera pas d’une grande utilité. Présidente, laissez-moi vous mettre au courant des dernières avancées.
Nous nous approchions de plus en plus du mécha, qui était si imposant que plus nous avancions, plus nous devions lever la tête pour le voir entièrement. Il semblait immense, sans fin.
̶ Je vous confirme que nous avons complètement terminé la structure, les armes, et les défenses de l’engin. Nous pourrions même déjà l’utiliser avec un pilote si nous le souhaitions.
̶ Bien joué, Yoko.
̶ Ne nous réjouissons pas. Il reste encore…
̶ L’IA.
Yoko me regarda d’un air méfiant.
̶ Alden a raison. Je n’aime pas le dire d’emblée, pour ne pas donner des ailes aux nouveaux, mais nous devons intégrer une IA complète dans ce genre d’appareil. Savez-vous pourquoi, Présidente ?
̶ C’est incontrôlable pour un humain, une machine de ce type.
̶ Je ne savais pas que vous étiez déjà le nouveau président, Alden.
̶ Désolé, c’était plus fort que moi. Je suis un grand fan de ce que vous avez créé.
̶ Hm…
Il était évident que Yoko désapprouvait mon commentaire, mais le compliment semblait l’avoir apaisée, car elle ne répondit pas davantage.
̶ Étant donné que le nouveau semble être un grand admirateur et un connaisseur, je vais écouter. Quelle est la marche à suivre ?
Je pouvais voir que Yoko espérait que je me foire. Je reconnais que j’ai été légèrement agaçant, car en tant que nouveau, je donnais l’impression de montrer ma « science infuse ». Cependant, je ne suis ni un génie ni un ingénieur, mais dans ce domaine, je suis incollable.
̶ Mettre en place une intelligence artificielle via un tel projet représente la meilleure approche pour son développement complet. L’objectif est que cette IA puisse prendre le relais de l’humain dans des situations complexes où le pilote aurait besoin de beaucoup de temps pour peser le pour et le contre. Hier, j’ai pu constater cette nécessité lors de l’attaque du Royaume d’Ezo. Le fait de travailler sur ce projet de manière exhaustive dès maintenant nous permettra de créer une solide base pour son intégration future dans d’autres initiatives.
Je m’approchais complètement du Mecha et posais ma main sur l’une de ses jambes tout en regardant Yoko, Ayame et Midori. Ensuite, je leur exposais la suite des instructions.
̶ Il semble que vous ayez trouvé quelqu’un de compétent, Yoko.
̶ Il manie les mots avec habileté, Présidente. Je veux le voir à l’œuvre.
De la part de Yoko, j’ai reçu une tablette holographique contenant tous les schémas et les spécifications du projet complet du mécha qui se tenait à mes côtés. J’ai pu examiner les défenses, les armes et les composants, révélant ainsi tous les secrets de cette machine. Cependant, quelque chose semblait ne pas tourner rond. Le fait qu’on me confie quelque chose d’aussi confidentiel était étrange, mais il manquait aussi de nombreux éléments essentiels à ce mécha. C’était trop précieux pour rester silencieux.
Pendant que je réfléchissais, Midori a interrompu mes pensées en plaçant son visage entre la tablette et la mienne. Sa beauté ne me laisser pas indifférent, me faisant perdre le fil de mes réflexions.
̶ Alden, pourquoi cet air soucieux ? C’est inhabituel pour toi.
̶ Y a-t-il quelque chose qui ne va pas ?
Midori et Ayame semblaient avoir compris mon inquiétude à travers mes expressions. Elles étaient incroyablement douées pour me comprendre, mais je me demandais si Midori ne m’espionnait pas en secret.
̶ Ça commence à m’agacer.
Yoko a pris la tablette des mains et elle avait l’air contrariée, ce que je ne comprenais pas.
̶ Pourquoi il fait mine de s’y connaître. Ça suffit maintenant.
J’ai regardé Yoko, choqué par ses paroles. J’ai soupiré et j’ai décidé de mettre fin à son arrogance également.
̶ Je pense que l’acier inoxydable n’est pas le matériau idéal pour cet appareil. Il est excellent contre la corrosion et dans des environnements hostiles, mais je doute que ce soit nécessaire pour cette planète. Vous devriez plutôt opter pour un alliage de titane pour les pièces structurelles du robot et de l’aluminium renforcé pour réduire le poids, tout en maintenant la résistance.
J’ai vu Midori, Ayame et Yoko exprimer leur surprise. Un silence s’est installé, mais j’ai continué mon argumentation.
̶ Vous n’avez pas prévu de bouclier électromagnétique ou réfléchissant pour contrer les lasers, qui semblent être les armes prédominantes. Sans un bouclier pour les lasers, même avec un pilote rapide et une IA avancée, vous ne ferez pas long feu. Vous avez ajouté une coque pare-balles, mais vous n’utilisez plus d’armes balistiques. Cela n’a pas de sens.
̶ ATTENDS, D’OÙ TIRES-TU CES CONCLUSIONS ? JUSTE EN REGARDANT LA TABLETTE ?
̶ J’ai étudié le projet attentivement, et je vous propose quelques idées pour l’améliorer.
̶ MAIS CE NE SONT PAS DE PETITES IDÉES !
̶ Comment ça ?
Yoko a soupiré profondément pour reprendre ses émotions.
̶ Alden, je comprends l’idée des matériaux du mécha, c’est une excellente suggestion, même si cela coûtera un peu plus cher. Mais ce n’est pas le plus gros problème.
̶ Quel est le problème alors ? Le temps ?
̶ Non, c’est ton idée de bouclier laser. C’est tout simplement impossible à réaliser.
̶ Impossible ? Vous vous moquez de moi ? C’est en réalité assez simple.
J’ai regardé Ayame pour obtenir son approbation, mais elle a secoué la tête pour confirmer les dires de Yoko.
̶ Vous dites que vous ne pourrez jamais créer ce bouclier ? Si c’est le cas, je doute que vous puissiez développer une intelligence artificielle. Je vous le garantis.
̶ Je ne comprends pas, Alden. Que veux-tu dire ?
̶ Présidente, si vous voulez être à la pointe de la technologie et vous préparer à une éventuelle menace, il faut revoir complètement ce projet. J’ai détruit la technologie qui m’a conduit ici, alors nous devons compenser par d’autres moyens, et ce mécha en est la clé.
̶ Qu’as-tu en tête ?
̶ Tout d’abord, il faudra repenser les matériaux du projet, puis ajouter un bouclier laser. Pour l’IA, je vous fournirai un cahier des charges complet dès demain.
̶ C’est trop beau pour être vrai, Alden. Es-tu vraiment capable de créer ce bouclier et cette IA ? J’en doute fortement.
̶ Yoko, tu as dit que j’étais un génie du combat, non ?
̶ En effet, on m’a parlé de tes talents.
̶ Présidente, souvenez-vous de ce que j’ai utilisé contre les lasers hier et de la protection que j’ai mise en place pour vous.
̶ LA MAGIE DE LUMIÈRE !
̶ QUOIIII ?
Ayame se souvint des événements de la veille, et Yoko était surprise que je puisse utiliser la magie de lumière. En réalité, ce n’était pas de la magie de lumière pour moi. J’avais simplement conçu mentalement, avec l’aide de ma Source, des composants semblables à un rubis capable de réfracter les lasers, mais à une plus grande échelle.
̶ Il suffit d’ajouter un sort ou de la magie dans un catalyseur. Cela servira de défense presque impénétrable contre les lasers. Une technologie innovante et inestimable, dont je serais le seul créateur.
Le silence s’est intensifié. Les regards se sont croisés, cherchant des réponses ailleurs, mais ne les trouvant pas eux-mêmes.
̶ C’est…
̶ Yoko ?
Midori a vu Yoko trembler, probablement de colère de ne pas avoir compris cela elle-même.
̶ C’EST INCROYABLE, ALDEN !
Hein ? Me suis-je trompé ?
Elle s’est approchée de moi, m’a saisi les avant-bras pour m’empêcher de m’enfuir. Son visage rayonnait de passion, et son jugement, que je pouvais lire dans ses yeux, avait laissé place à une femme passionnée.
̶ Il te suffit seulement d’un catalyseur magique ?
̶ Oui, exactement, mais cela ne doit pas être facile à trouver, n’est-ce pas ?
̶ Bien sûr que si ! Tu crois que notre énergie renouvelable provient de quoi ?
̶ De la magie ?
̶ Exact ! La magie pure crée des cristaux dans l’environnement. Ces cristaux sont des catalyseurs qui conservent la magie pendant très longtemps. Il suffit d’infuser un peu de magie pour les activer. Lorsque le cristal pur est neutre, il conserve la magie. Lorsqu’il est chargé de magie, il suffit de libérer cette énergie en réinjectant un peu de magie. Dès que l’apport de magie cesse, le cristal cesse d’émettre.
̶ Ce n’est pas pratique, il faudrait toujours avoir la main sur le cristal pour activer le bouclier du mécha.
̶ Ne t’inquiète pas pour ça, je m’occuperai de ce système ! C’est assez simple. De plus, si tu apportes le cahier des charges pour l’IA demain, le reste sera un jeu d’enfant !
̶ Vraiment ?
̶ OUI ! Présidente ! Permettez-moi de m’occuper de l’amélioration complète du mécha ! Je le ferai moi-même pour créer la prochaine technologie révolutionnaire.
̶ Il faudrait que tu discutes avec Alden, ce sont ses idées.
Yoko se tourna vers moi, ses yeux me suppliaient. Je ne pouvais pas refuser.
̶ Je ne vois aucun inconvénient…
̶ Parfait, merci beaucoup ! Je vais m’occuper de…
̶ Cependant, l’IA et le bouclier anti-lasers seront gérés par mon département. Je suivrai leur progression et confirmerai les décisions. Le bouclier nécessite l’utilisation de ma magie, après tout. Je prévois de commercialiser ces projets plus tard. Je veux en être le créateur.
̶ OUI ! OUI, PEU IMPORTE, TANT QUE JE PEUX CRÉER CETTE MERVEILLE.
̶ On dirait qu’un accord a été conclu entre vous, Alden et Yoko.
Yoko et moi nous sommes serré la main, scellant ainsi un partenariat entre le département de développement et le mien. J’étais convaincu d’avoir contribué à une avancée technologique. Les catalyseurs magiques me permettraient de progresser peu à peu vers le plus grand projet que je rêvais de réaliser. Mais avant cela, je devais mettre en place l’intelligence artificielle. J’améliorerais toute la technologie de ce monde, la propulsant littéralement de 1000 ans dans le futur en seulement quelques années.
Une fois que l’intelligence artificielle serait entièrement développée, je serais prêt à me consacrer à mon projet de rêve :
La conquête spatiale.
CHAPITRE 20 - ANCIEN MONDE
̶ Dès aujourd’hui, je mise beaucoup sur toi et j’ai de grandes attentes concernant ton travail. Si tu pouvais débuter le plus tôt possible, cela me comblerait de joie.
̶ Naturellement, Monsieur le Directeur, je débuterai dès demain dans mon nouveau poste. Je dois quitter mon département actuel pour rejoindre celui-ci.
̶ Bien entendu.
̶ Je suis heureuse de pouvoir travailler avec vous.
La personne qui se trouvait dans mon bureau, appartenant à mon département, était destinée à devenir ma future secrétaire. En fait, elle était la personne sur laquelle je devais le plus compter. Elle était censée être mon agent principal, ma secrétaire attitrée, responsable de la plupart des tâches avant qu’elles ne me parviennent. Ayame m’avait fortement recommandé cette approche pour éviter d’être submergé par le volume de travail qui m’attendait dans un futur proche. Entre le projet de développement de l’IA, la création d’un bouclier anti-lasers, et simultanément le développement d’un dispositif anti-espion pour les bracelets holographiques, très peu de départements prenaient une importance aussi cruciale en si peu de temps, et encore moins en gérant trois projets majeurs simultanément.
J’avais spécifiquement choisi cette femme parce qu’elle avait commencé comme stagiaire au sein de l’entreprise avec sa sœur jumelle. Récemment, nous avions sympathisé car elle travaillait dans le département de développement avec Yoko. Nous nous croisions souvent lors de nos collaborations sur les projets. Sa capacité à gérer efficacement plusieurs tâches simultanément m’a convaincu de la recruter. Cela a contrarié Yoko, mais elle m’a interdit que je prenne également sa sœur. Quand elle est contrariée, c’est une toute autre personne.
Je sortais de mon bureau et m’appuyais sur la rambarde, observant mon département en pleine effervescence. J’avais sélectionné avec soin chacun de mes employés, cherchant les meilleurs pour les futurs projets que j’avais en tête. J’avais besoin de personnes fiables, capables de gérer des situations de crise avec assurance.
Cependant, cet endroit représentait aussi un lien avec mon monde d’origine, d’où mon surnom pour ce département, “L’Ancien Monde”. Mon idée était de réintroduire des éléments pratiques de mon lieu d’origine dans le cadre de ce Japon Alternatif. Par exemple, les téléphones portables, les voitures autonomes. Mes projets étaient ambitieux, mais cela me procurait un sentiment de bonheur, de valeur et d’importance au sein de cette société. Sur le plan professionnel, j’étais comblé.
J’avais réussi à me lier avec quelques collègues en dehors d’Ayame et Midori. Contre ma volonté, elles étaient devenues une nécessité pour moi. Après 2 mois dans cet environnement, je suis heureux d’avoir su m’adapter et de m’être émancipé. Nos rencontres sont moins fréquentes en raison de nos charges de travail respectives. Cependant, chaque fois que nous nous voyons, c’est comme retrouver ma propre famille. Leur bienveillance et leur chaleur me manquent souvent quand je suis loin d’elles.
̶ Monsieur le Directeur, voici les documents traités par les équipes.
̶ Oh, merci Taka. Comment se passe votre poste en tant que Chef de projet ?
̶ Je ne pouvais pas rêver mieux. J’ai vraiment beaucoup de travail, mais c’est passionnant, donc je ne m’en plains pas.
Je regardais les documents que m’avait donné Taka et les parcourait assez rapidement, mais quelque chose retenait mon attention.
̶ Vous l’avez remarqué.
̶ Il y a eu un problème ?
̶ Nous avons eu quelques difficultés avec le mécanisme de dissimulation de l’écran sur le bracelet holographique.
̶ Quel genre de difficultés ?
̶ Eh bien, lors des tests initiaux, le mécanisme de dissimulation ne fonctionne pas de manière aussi fluide que prévu. Nous avons des problèmes de réactivité, ce qui entraîne un léger décalage entre l’activation du mécanisme et la dissimulation réelle de l’écran.
̶ Je vois. Est-ce un problème majeur qui pourrait compromettre le projet ?
̶ Pour l’instant, ce n’est pas critique, mais cela risque de retarder quelque peu le calendrier. Nous avons notre équipe d’ingénieurs qui travaille sur des solutions potentielles pour améliorer la réactivité du mécanisme.
̶ Combien de temps estimez-vous que ce retard pourrait durer ?
̶ Nous espérons résoudre ce problème dans les deux prochaines semaines. Nous avons des idées prometteuses pour améliorer la réactivité et nous sommes en train de les tester. Cependant, cela pourrait impacter la date de livraison initiale d’environ deux semaines supplémentaires.
En effet c’est problématique. J’ai ma toute première réunion avec les investisseurs et tous les chefs de départements de KI cette après-midi. C’est une première pour moi. Le personnel et les personnes les plus influentes seront présentes. Si j’annonce qu’il y a un retard, ça va être très mal vu et montrer mon incompétence… Il faut que je respecte le délai.
C’est le tout premier projet de notre département qui va être terminer et commercialiser. Il faut que ça soit parfait. Nous avons déjà fini le marketing, la réservation des boutiques qui pourra vendre nos produits. Toute la communication est déjà prête. Il ne manque plus qu’à ajouter la technologie.
̶ Taka, vous avez dit que c’est lors de l’activation que vous avez des problèmes de fluidités ?
̶ Exactement. Lors de l’activation du mécanisme de dissimulation de l’écran, nous rencontrons des problèmes de réactivité et de fluidité. Cela crée un léger décalage.
̶ Dans cette situation, assurez-vous que la technologie reste constamment activée sans nécessiter l’intervention de l’utilisateur. Nous corrigerons ce problème via une mise à jour ultérieure, mais il est crucial de ne pas retarder la date de sortie. Pensez-vous que cette approche évitera tout problème ?
̶ En laissant la technologie activée en permanence, nous pourrions effectivement contourner le problème de réactivité. Cependant, cette approche pourrait créer d’autres problèmes potentiels liés à la consommation d’énergie ou à la visibilité constante de l’écran, ce qui pourrait ne pas correspondre à l’expérience utilisateur souhaitée.
̶ Ce n’est pas un souci majeur. Proposons deux versions du bracelet : une version entreprise avec une technologie toujours active, et une version PRO qui résoudra ce problème de fluidité dans une mise à jour ultérieure. De cette manière, les utilisateurs pourront opter pour la version supérieure s’ils souhaitent initialement choisir d’activer ou non la technologie.
̶ C’est une approche intéressante, nous pourrions répondre à différents besoins des utilisateurs. Nous devons nous assurer que cette séparation des versions n’engendre pas une fragmentation excessive de notre marché ou ne complique pas inutilement la gestion des stocks et des mises à jour logicielles.
̶ Inutile de penser à ça. En suivant cette approche, vous disposerez du temps nécessaire pour perfectionner le problème initial. Cela nous évitera tout retard vis-à-vis des investisseurs ou de l’entreprise. C’est le plus essentiel.
̶ Je ne vois pas de problème supplémentaire si ont fait comme vous le dites. Cette approche permettrait de répondre aux attentes en respectant les délais de sortie du produit sans compromettre la qualité globale. Je vais travailler en étroite collaboration avec les équipes pour mettre en œuvre cette stratégie et garantir que les deux versions répondent aux normes de qualité et d’expérience utilisateur attendues. Merci Directeur Rossi.
̶ Je vous fais confiance. Pouvez-vous demander à l’équipe de design de créer un nouveau modèle et de trouver des éléments justifiant la différence de prix entre ces deux modèles ? Si cela est possible avant 15 heures, j’ai une réunion pour présenter nos projets.
̶ Avant 15 heures ? Ça va être serré, nous n’avons pas encore eu le temps de prendre notre repas.
̶ Pour toute gêne occasionnée, faites vous livrer ici. Voici ma carte, servez vous, prenez ce dont vous avez besoin.
̶ L’équipe sera ravie, faisons ça rapidement, avant 15 heures alors.
̶ Parfait !
Taka retournait dans la direction d’où il était venu. J’étais heureux que le problème soit résolu, mais cela signifiait un surcroît de travail pour nous. Deux nouveaux modèles au lieu d’un, c’était inattendu. Je ne m’attendais pas à ce qu’ils rencontrent des problèmes avec une technologie aussi simple. Peut-être que je suis trop critique, après tout, ce type de technologie n’a jamais été présent ici auparavant. Il est peut-être normal d’avoir des complications.
Je me dirigeais vers mon bureau afin de préparer la réunion prévue pour cet après-midi.
En raison du problème rencontré, il était nécessaire que je révise entièrement ce que j’avais prévu de dire.
À mesure que le temps s’écoulait, mon niveau de stress augmentait, atteignant son apogée à l’heure cruciale…
CHAPITRE 21 - L'ASCENSEUR EMOTIONNEL
Cette pièce est moins spacieuse que ce à quoi je m’attendais. Je n’avais jamais pris conscience de cela. Mais est-ce à cause de l’appréhension liée à l’ascension vers l’étage où je vais potentiellement rencontrer des requins ? Mon estomac se noue, l’espace semble oppressant. Le grondement de l’ascenseur me donne envie de rendre tripes et boyaux.
Le son familier du « Ding » annonce l’arrivée de l’ascenseur à destination, et ses portes s’ouvrent pour révéler un vaste couloir, baigné de lumière, élégant et accueillant, d’une certaine manière cosy.
Tous les regards convergent vers moi, certains brillent d’admiration, d’autres s’assombrissent. Leurs yeux semblent être des livres ouverts. Certains sont surpris positivement par mon apparence, d’autres sont réticents face à cet étranger dont le visage ne leur est pas familier, s’immisçant dans leur entreprise, à leurs côtés. Je me sens comme un immigré, intégré en tant que cadre et non naturalisé. Cela doit être déstabilisant pour certains. Après tout, tous les employés de KI savent que je viens d’un autre monde, cela devrait pourtant les calmer.
Si seulement je pouvais lire leurs pensées à cet instant précis.
J’avançais tout doucement hors de la cabine d’ascenseur. En me courbant je les saluais tous dans un silence respectueux. Les plus courtois faisait de même et d’autres détournaient leurs regards et continuer de parler entre eux.
̶ Comme tout le monde est là, veuillez prendre place dans la salle, s’il vous plaît.
La secrétaire d’Ayame assurait la coordination, menant le cortège lors de la réunion pour assurer un déroulement efficace. De loin, j’ai repéré Midori. Elle m’a fait un clin d’œil avant de rejoindre la salle.
Quant à moi, j’ai été le dernier à entrer. Nos sièges étaient pré assignés, nos noms projetés en hologramme grâce à de petites diodes disposées dans la salle de réunion.
« Alden Rossi, Directeur du département de l’Ancien Monde »
Ça sonne plutôt bien.
Être reconnu pour mon identité était une source profonde de satisfaction, mais malheureusement, le stress m’empêchait d’en profiter pleinement. Une fois près de ma place, nous nous sommes tous assis dès que tout le monde était entré dans la salle
̶ Bonjour Alden.
À mes côtés, c’était Yoko qui était installée. Avoir un visage familier et chaleureux près de moi était réconfortant dans cette situation complexe.
̶ Salut Yoko, je suis content de ne pas être seul dans cette réunion.
̶ Ma première réunion n’était pas aussi tranquille, tu n’as pas à être stressé.
̶ Ça se voit tant que ça ?
̶ Oh que oui, reste-toi-même. Tu vas tout déchirer.
̶ Pssssst
Un son étrange a attiré mon attention, c’était Midori, assise juste en face de moi, de l’autre côté de la table.
̶ Courage, on est avec toi.
Elle chuchotait suffisamment fort pour que je puisse saisir ses paroles, tout en conservant une certaine discrétion. J’étais heureux d’avoir Midori en face de moi et Yoko à ma gauche.
̶ Merci d’être tous là dans cette nouvelle réunion.
Ayame se leva, occupant l’extrémité de la table, affirmant clairement son rôle de présidente de la société, bien que parfois j’oubliais cette évidence.
̶ Un grand merci à tous les directeurs et investisseurs pour votre précieux temps. Aujourd’hui, nous avons le plaisir de présenter trois projets révolutionnaires et hautement confidentiels. Nous comptons sur votre engagement à respecter strictement nos conditions de confidentialité, sachant que vous êtes habitués à cette exigence.
̶ Madame la Présidente, nous sommes surpris par cette réunion impromptue, mais nous pensons en saisir la raison.
Les deux investisseurs à droite de la présidente portaient leur attention sur moi.
̶ Vous avez l’œil avisé. Cette réunion vise également à intégrer notre nouveau Directeur de département. Permettez-moi de vous présenter Monsieur Rossi, le Directeur du tout nouveau département baptisé “L’Ancien Monde”. Les trois projets majeurs émanent de son département, il prendra la présidence de cette réunion dans quelques instants.
J’ai incliné la tête en signe de salutation envers l’ensemble des présents.
̶ Excusez-moi de troubler votre réunion, notamment auprès des investisseurs. Je suis conscient de mon apparence rare et handicapante.
̶ Monsieur Rossi, votre apparence rare témoigne de l’ouverture d’esprit de Kanegawa Industries, privilégiant la compétence. Vous êtes une illustration de l’excellence de l’entreprise, la meilleure du Royaume.
̶ Je vous suis reconnaissant pour votre compréhension.
̶ Monsieur Rossi, si vous êtes prêt, je vous cède la parole.
̶ Merci, Madame la Présidente.
Je me levai et pris position debout, à côté de l’écran, pour débuter les présentations devant l’assemblée. Mon cœur battait fort. Un regard de détresse vers Midori et son large sourire me réconfortèrent. Je fermai les yeux, pris une profonde inspiration.
̶ Je suis honoré de vous présenter aujourd’hui trois projets révolutionnaires qui incarnent l’essence même de l’innovation et de la progression technologique. Ces projets représentent notre engagement indéfectible envers l’avancement dans des domaines clés de la technologie. Nous avons consacré notre expertise, notre créativité et nos ressources pour concrétiser ces idées novatrices, et je suis emballé de partager avec vous les résultats de nos efforts collectifs.
Toute la salle semblait figée. Peut-être pensaient-ils que je manquais d’aisance à l’oral ? Qu’un échec était imminent ? Ayame, Midori et Yoko semblaient calmes, leur assurance se lisait sur leurs visages. Les investisseurs, confiants en Ayame, semblaient également rassurés. Cependant, les autres directeurs de département semblaient sceptiques quant à mes compétences. Leurs doutes étaient compréhensibles.
̶ Nous allons commencer par notre projet le plus proche dans notre calendrier. L’écran de dissimulation pour les bracelets holographiques. Une innovation révolutionnaire dans le domaine de la technologie portable. Ce dispositif redéfinit la manière dont nous interagissons avec notre environnement. Il offre une expérience immersive et une confidentialité inégalée, donnant aux utilisateurs le contrôle total sur leur visibilité et leur vie privée.
J’affichais à l’écran le cahier des charges, les détails sur le projet pour que les moins au courant, comprennent le futur de notre technologie.
̶ L’objectif principal est de permettre aux utilisateurs de contrôler leur visibilité et leur confidentialité de manière inédite. Je suis conscient que la plupart des gens n’y ont jamais pensé, mais j’ai envisagé cette technologie pour les entreprises submergées par des informations confidentielles qu’il est interdit de divulguer. Cela pourrait concerner l’entourage et le personnel de la Princesse du Royaume, où des secrets d’État pourraient être révélés. Cette innovation représenterait un nouvel apogée pour Kanegawa Industries et même pour le Royaume lui-même.
Tous les participants dans la salle ont commencé à discuter entre eux, des mains se sont levées pour poser des questions. Étaient-ils perplexes ou intrigués ? Il était évident que cette technologie ne laissait personne indifférent.
̶ Confidentialité améliorée, flexibilité d’utilisation, interaction intuitive, immersion et expérience améliorées, sécurité renforcée. Ceux sont les points clés de ce projet. Un futur pour les bracelets holographiques que nous utilisons au quotidien.
La présentation de mon projet touchait à sa fin avec cette conclusion. Il était inutile d’en dire davantage. Laissons place à la réflexion de l’audience. À ce moment-là, quelqu’un se leva, le directeur du département informatique.
̶ Madame la Présidente ! Je n’étais pas au courant que nous n’avions plus le projet de bracelet holographique. Ce nouveau département nous vole notre technologie !
Je n’avais pas conscience que je chevauchais les compétences d’un autre département. Je pensais que cela avait été réglé en amont.
̶ Directeur Shiroki, je vous ai déjà averti : sans une innovation technologique significative, votre monopole risque de disparaître. C’est pour cela d’ailleurs que les investisseurs sont présents. Nos ventes de bracelets ont chuté de 40 % depuis nos trois derniers lancements. Les investissements se sont arrêtés car nous stagnions.
̶ Pourtant, retirer cela pour une technologie aussi simple semble absurde. Nous aurions pu y penser nous-mêmes !
Une simple technologie ? Là, il titille ma fierté. De colère et dans un ton hautain je rétorquais.
̶ C’était tellement simple que vous n’y aviez même pas songé auparavant. Quand on se retrouve dans l’impasse, on critique pour diminuer la valeur des choses.
̶ PARDON ?!
̶ J’ai proposé la technologie et elle a été immédiatement plébiscitée. Le projet m’a été confié, ce qui est tout à fait logique. Si vous étiez à ma place, vous auriez sûrement agi de la même manière. Cessez de vous focaliser sur votre personne. Pensez plutôt à l’ENTREPRISE. Ce que je propose représente un véritable renouveau pour notre entreprise et nos bracelets. Vous devriez être ravi que votre création d’autrefois soit propulsée vers une avancée majeure. Admettez-le, sans votre contribution initiale, cela n’aurait jamais atteint ce niveau.
Shiroki, le directeur, s’est calmé subitement et s’est assis calmement à sa place, mettant fin à l’incident. Le fait de l’avoir légèrement perturbé puis complimenté sur ses projets passés l’a probablement amené à réaliser qu’il ne pouvait plus agir à ce niveau.
̶ Je regrette cette interruption. Avez-vous des questions ou des remarques concernant le projet ? Je suis là pour vous écouter.
Un des investisseurs leva la main.
̶ Je vous écoute.
̶ C’est en effet un excellent projet. Je peux clairement imaginer les instances les plus élevées se l’approprier dès son lancement. Surtout pour les professions à haut risque en matière d’information, qui pourront enfin protéger leur travail. Mais, comment votre équipe prévoit-elle de commercialiser et de se positionner sur le marché ? Avez-vous identifié des partenariats clés ou des stratégies spécifiques pour maximiser l’adoption de cette technologie révolutionnaire ?
Je souriais en entendant sa question, car effectivement, un investisseur cherche avant tout à savoir si placer de l’argent dans le projet sera rentable pour lui. Son investissement nous offrira l’opportunité d’améliorer notre projet avant son lancement et d’en faire quelque chose d’exceptionnel.
̶ La Princesse du Royaume sera l’effigie de notre nouvelle technologie, dois-je en dire plus ?
La salle entière était en émoi, un vacarme général régnait. Il était vrai que la Princesse n’apparaissait jamais à la télévision, dans les journaux ou nulle part ailleurs. La royauté était soigneusement tenue à l’écart du public pour éviter tout problème sur internet. C’est pourquoi elle ne se montrait jamais. Je suis convaincu qu’ici, dans cette pièce, nous ne sommes que trois à connaître le visage de la Princesse : Midori, Ayame et moi-même.
Mon visage affichait un sourire de fierté, comme un livre ouvert. J’appréciais pleinement cette atmosphère. Ayame posait ses yeux sur moi, et je pouvais deviner ses pensées. Notre connexion était toujours là, et son regard reflétait à la fois le désespoir de la situation et une pointe de fierté.
CHAPITRE 22 - TABLE RONDE
̶ C’EST IMPOSSIBLE ! LA ROYAUTÉ NE PEUT PAS FAIRE ÇA !
Personne ne pensait que c’était possible, et c’était tout à fait compréhensible. Ce qu’ils ignoraient, c’est que pendant deux mois, j’ai été régulièrement invité au palais pour recevoir un entraînement intensif aux arts martiaux et aux techniques de combat dispensé par leurs meilleurs instructeurs. La Princesse tenait vraiment à ce que je m’intègre pleinement dans ce monde en tant que citoyen, mais aussi en tant qu’arme. C’est compréhensible, je lui ai proposé mon aide. C’était ma contrepartie pour la destruction de la technologie qu’elle voulait tant. Lorsqu’elle a découvert nos avancées significatives dans le domaine de l’intelligence artificielle et de la création de méchas grâce à mes suggestions, elle m’a accordé une faveur en retour. Être l’effigie de mon projet était précisément ce que j’avais sollicité.
Je souhaitais que mon projet atteigne l’excellence, et j’ai pris tous les risques nécessaires. Avec l’intelligence artificielle, de toute manière, ils n’auront plus à craindre les problèmes externes. Lorsque je parle de problèmes, je fais référence à l’intelligence artificielle que nous allons créer pour la royauté, visant à protéger leurs identités et à éviter les complications liées à leurs apparitions dans les médias et dans d’autres pays. Imaginez la Princesse victime d’un mauvais deepfake ou en train de prononcer des paroles qu’elle n’a jamais dites. C’est précisément ce qu’ils souhaitent éviter, et nous allons mettre en œuvre des solutions pour résoudre ce problème.
̶ C’est une décision à la fois stratégique et politique, qui a été validée grâce à nos accords avec d’autres projets que nous aborderons dans un instant. Vous pouvez être assuré que ce que je vous affirme est authentique et que cela a déjà été officialisé.
̶ Quels sont ces autres projets ?
Midori posa la question pour faciliter ma transition.
Bien joué.
̶ Je vous remercie pour cette question, Mademoiselle Kanegawa. Après avoir exposé le projet d’anti-espion pour les bracelets, nous allons approfondir ce sujet.
Je projetais à nouveau sur l’écran le sujet dont je souhaitais discuter.
̶ Permettez-moi de vous présenter AIK, la toute première intelligence artificielle jamais conçue sur cette planète. Nous sommes enthousiastes à l’idée de franchir une nouvelle ère et d’évoluer vers une vision différente de notre monde.
Un silence pesant s’installa. Il était évident que le sujet de l’intelligence artificielle était très délicat, notamment en raison des implications politiques. C’est une préoccupation partagée par tous et bien connue de tous.
̶ Imaginez un assistant personnel qui anticipe vos besoins, qui apprend de vos habitudes et qui s’adapte à votre mode de vie. AIK est conçu pour être plus qu’un simple outil technologique, il devient un compagnon intelligent qui facilite votre quotidien. Kanegawa Industries s’engage à garantir que cette avancée technologique bénéficie à l’ensemble de l’humanité. AIK est conçu avec une éthique fondamentale, mettant en avant la transparence, la confidentialité et la sécurité. Nous croyons en un avenir où l’intelligence artificielle devient un catalyseur pour l’amélioration de la vie humaine, et AIK est la première étape vers la réalisation de cette vision.
Je profitais de ce speech pour passer au projet suivant.
̶ Notez que ces termes, “Artificial Intelligence Kanegawa” peuvent ne pas vous être familiers, et c’est tout à fait compréhensible. Ils signifient “L’intelligence Artificielle de Kanegawa”, d’où les lettres AIK. Cela incarne la fusion parfaite entre la puissance du traitement des données, l’apprentissage profond et la compréhension contextuelle. La collaboration avec le département de développement, dirigé par Yoko Tetsu, présente ici en tant que directrice, nous permet d’élaborer notre future protection militaire, à savoir “MAIK, Mecha Artificial Intelligence Kanegawa.”
La présentation des Mecha avec l’IA plongea la salle dans le silence. Tous les regards étaient tournés vers la Présidente, en attente de sa réaction. Ce qu’ils ignorent, c’est que nous sommes déjà très avancés dans le projet, et qu’il ne nous manque qu’une étape pour finaliser ces réalisations.
̶ Monsieur Rossi, je vais prendre le relais quelques minutes.
̶ Je vous en prie.
̶ Écoutez-moi tous, tout ce que vous voyez à l’écran est bien réel. Avec l’approbation du Royaume, nous sommes en train de développer une puissante arme militaire pour protéger notre pays et nos concitoyens. L’intelligence artificielle constitue le chaînon manquant qui nous permet de progresser sur le plan technologique. Cependant, nous courons un risque politique majeur vis-à-vis d’autres nations. C’est pourquoi nous avons pris des mesures pour assurer notre impénétrabilité. En intégrant les Mecha, les pilotes auront pratiquement peu à contrôler dans des situations complexes ou nécessitant des réponses en quelques millisecondes. Le prochain projet, après l’intelligence artificielle et le bouclier anti-lasers, consistera à doter ces engins d’une capacité d’invincibilité en combat.
̶ Des boucliers anti-lasers ?!
Les investisseurs étaient stupéfaits par les déclarations de la présidente. Bien sûr, d’autres personnes étaient également surprises, mais leur esprit d’investisseurs se manifeste particulièrement lorsque la valeur est présente.
̶ Monsieur Rossi utilise une forme de magie très singulière qui lui permet de renvoyer n’importe quel laser. Nous l’avons intégré à un catalyseur, et en l’activant, il devient possible de renvoyer tout type de lasers.
̶ C’est… C’est bonnement inimaginable Madame la Présidente.
̶ Pourtant, c’est réel.
̶ La puissance militaire atteindra des proportions colossales. Personne ne pourra nous tenir tête.
̶ C’est faux.
J’ai interrompu l’investisseur, qui semblait peut-être un peu optimiste mais avait probablement peu d’expérience en matière de combat.
̶ En effet, cela fonctionne très bien contre des Mechas équipés d’armes laser. Cependant, face à un combattant exceptionnel, qu’il soit sans Mecha ou possédant une magie particulière, nous pourrions être vulnérables. Je suis convaincu que très peu de personnes sur cette planète pourraient rivaliser avec un Mecha, à l’exception, bien sûr, des membres des Cents. Ces Mechas seront positionnés en première ligne pour assurer la protection de la population, mais il est indéniable qu’un combattant habile avec sa magie reste inégalable, vous en êtes bien conscient. Imaginez des Mechas en patrouille à travers le Royaume, le long de nos frontières, aux côtés de nos pelotons de police, de notre armée et de la garde royale. Cela marquera une avancée militaire significative. Des boucliers anti-lasers personnels seront également conçus pour les soldats au sol.
̶ Monsieur Rossi, en supposant que les projets que vous déclarez soient concrets, Kanegawa Industries deviendra invincible, tant sur le plan économique, technologique que politique.
Les investisseurs proviennent de l’extérieur de l’entreprise. Nous appréhendons bien sûr les aspects commerciaux et les progrès pour notre pays. Très peu de cadres envisagent les conséquences politiques. Leurs inquiétudes sont justifiées. Cependant, actuellement, nous n’avons pas le luxe de craindre. Nous devons agir rapidement, car les tensions avec le royaume voisin vont s’intensifier. Leur récente attaque n’est que le début.
̶ Aujourd’hui, nous avons besoin de la contribution de chacun, au-delà des progrès technologiques et des implications politiques. La Princesse place une confiance particulière en nous pour assurer la protection de notre pays. Soyez assuré que tous nos efforts seront récompensés, et cela ne sera que bénéfique pour nous.
̶ J’en suis.
Yoko l’a proclamé avec force, frappant du poing sur la table pour surprendre les participants à la réunion. Tous les regards étaient rivés sur elle.
Bien sûr que tu es d’accord, c’est aussi ton projet.
Midori emboîtait le pas en signalant également son accord en levant la main.
̶ La meilleure action que nous puissions entreprendre est d’améliorer notre pays.
̶ Moi aussi !
̶ J’ai hâte de voir ça !
Un à un, les directeurs et les directrices de la réunion commençaient à s’enthousiasmer pour ces projets. L’objectif de cette réunion est de mobiliser tous les départements afin d’améliorer davantage ce que nous préparons. Les projets peuvent être présentés, mais s’ils ne trouvent pas l’approbation des autres départements, ils sont abandonnés. Nous avons travaillé suffisamment dessus pour être confiants dans ce que nous proposons. Cependant, si tous étaient perplexes, cela aurait été difficile de convaincre une équipe d’un autre département de travailler à plein temps sur un projet.
Pour illustrer, nous avons actuellement besoin de la collaboration du Département de l’informatique, dirigé par le Directeur Shiroki, pour intégrer des algorithmes complexes et une conscience à l’intelligence artificielle. Lorsque vous créez une IA pour une voiture autonome, elle doit réagir rapidement dans des situations critiques. Par exemple, en cas d’accident imminent avec un enfant d’un côté et un chat de l’autre, il est crucial de déterminer lequel éviter pour préserver ce qui se trouve devant la voiture.
C’est ce type de défis auxquels nous sommes confrontés. Ainsi, nous avons besoin des compétences des meilleurs ingénieurs pour relever ces défis. Je suis en mesure de proposer un cahier des charges et de superviser, mais je ne suis pas en mesure d’accomplir cela par moi-même. De plus, mon département est déjà surchargé par d’autres responsabilités. Bien que la possibilité d’aborder cela progressivement existe, cela prendrait des décennies avant de voir la fin du projet, ce qui n’est pas réalisable. Nous devons faire ça très rapidement et correctement.
Le temps presse…
CHAPITRE 23 - COHÉSION
̶ Mais c’est tout ce que vous voulez faire avec l’intelligence artificielle ? Des armes militaires ?
Même si une grande majorité était prêt pour travailler sur tous les projets. Ils restaient bien évidemment des doutes.
̶ C’est une bonne question.
Je poursuivis avec la présentation, détaillant les initiatives à venir qui bénéficieraient de l’apport de l’IA.
̶ En effet, l’intelligence artificielle est actuellement employée à des fins militaires, pour assurer notre protection et renforcer notre position diplomatique. Lorsque nous maîtriserons pleinement cette technologie, nous pourrons l’intégrer dans divers aspects de notre vie quotidienne : nos bracelets holographiques, nos véhicules, et même des androïdes capables de nous assister de multiples manières. Cette révolution va transformer notre existence. Cependant, c’est la conquête spatiale qui représente l’ambition suprême pour notre département, notre Royaume, et notre planète. Pour l’instant, je ne peux qu’éveiller votre imagination quant aux futures avancées. Concentrons-nous sur le concret et achevons d’abord le projet AIK. Après quoi, nous pourrons véritablement améliorer notre vie de tous les jours.
̶ Les mots me manquent, notre conviction est totale, cependant…
̶ Des hésitations ? C’est le lot de tous, et c’est bien naturel. Je suis là pour les dissiper. Unissons-nous et œuvrons dès à présent à l’amélioration de notre avenir.
Les derniers membres de la direction, initialement sceptiques, se laissaient gagner par la confiance en l’avenir. Ils étaient prêts à embrasser la vision de l’entreprise.
La Présidente se levait.
̶ Un grand merci pour votre engagement, Monsieur Rossi. Je vais maintenant clore cette réunion.
Je regagnais ma place, satisfait de ma présentation et de son accueil. Yoko et Midori affichaient un sourire si large que je craignais pour l’état de leurs mâchoires.
̶ Chers pionniers de cette révolution imminente. Votre ardeur pour l’avenir de notre Royaume m’enthousiasme. Ma secrétaire vous transmettra sous peu tout le nécessaire pour ce projet. Laissez de côté vos projets et consacrez-vous pleinement à celui-ci. Sommes-nous d’accord ?
̶ OUI !
L’harmonie qui nous unissait procurait une satisfaction sans égale. C’était précisément ce que je recherchais dans mon travail : une cohésion parfaite.
Les gens commençaient à quitter la salle progressivement. Pendant que je les laissais sortir un par un, quelques-uns venaient me saluer. Les regards froids que j’avais reçus en sortant de l’ascenseur s’étaient transformés en expressions admiratives et curieuses. J’étais quelque peu embarrassé par tant de gentillesse, mais il était nécessaire que toute animosité disparaisse. Après deux mois dans l’entreprise, cela commençait à devenir pesant pour moi.
̶ Tu as été remarquable, Alden.
Midori et moi nous sommes échangé un regard en sortant de la pièce.
̶ J’avais un peu peur.
̶ Tu t’en es admirablement bien sorti. J’avais confiance en toi, tu ne pouvais que réussir. Tu as tellement travaillé ces derniers temps.
̶ Je ne pense pas avoir tant travaillé.
̶ Tu plaisantes ? Même quand tu manges, tu travailles. Même quand je t’appelle le soir ou quand on veut aller manger tous ensemble, tu dis que tu ne peux pas… Oh, un instant, Alden.
Midori m’interrompit en mettant sa main sur ma cravate.
̶ Regarde, tu ne fais même pas attention, tu es débraillé.
̶ Elle était mal mise ?
Elle était très proche de moi, peut-être la première fois depuis que nous nous connaissions. Son odeur, sa douceur et sa présence apaisante ne me laissaient pas indifférent.
̶ Tu ne fais même plus attention aux petits détails depuis que tu travailles ici.
Elle leva la tête et nos visages se confrontèrent. Nous nous regardions, surpris par la situation et par la proximité qui nous séparait. Je déglutis.
Une frappe énorme atterrit sur mon dos et me fit valser vers Midori. Nos corps se touchèrent. Elle était contre mon torse, comme si nous nous enlacions.
̶ Alden c’était trop bien-
Yoko m’avait poussé sans le vouloir. En temps normal, son coup ne m’aurait pas fait grand-chose, mais étant absorbé par les yeux de Midori, le monde autour de moi n’avait plus d’importance.
̶ Pardon à vous deux, ça va ?
̶ Midori, ça va ? Je ne t’ai pas fait mal en te bousculant ?
̶ Non.
Elle garda la tête baissée, se retourna et partit rapidement vers l’ascenseur. Alors qu’elle y entrait, je pus voir son visage rouge et ses mains sur ses joues, comme si sa tête allait tomber.
̶ C’est quoi ce sourire débile que tu as.
Yoko me regardait alors que, en effet, j’avais un sourire niais aux lèvres.
̶ Je t’en pose des questions ?
Je la regardai avant de suivre Midori pour prendre le prochain ascenseur.
̶ QUOI ? Viens au département de développement, je vais te montrer qu’on ne parle pas comme ça à son aînée.
̶ Tu ne vas rien faire !
Yoko tentait de me frapper, mais j’esquivais facilement toutes ses attaques. Elle n’avait pas de talent pour le combat. Avec ma force actuelle, c’était comme si un enfant essayait de me frapper et que je pouvais anticiper tous ses mouvements les yeux fermés.
À travers le regard d’un observateur extérieur, on aurait pu voir deux adolescents se chamailler dans les couloirs de l’école.
Cela a toujours été ce qui a manqué dans ma vie : une amitié sincère et dénuée de superficialité. Je considère Yoko non seulement comme une collègue de travail, mais vraiment comme une amie. Le temps que nous ayons passé ensemble m’a fait réaliser que sa simplicité au travail et son manque de formalité me permettaient d’être plus à l’aise. Nous nous ressemblons étrangement sur de nombreux points.
̶ Attendez, bloquez l’ascenseur !
C’était la voix d’Ayame.
Je stoppai l’ascenseur et la laissai entrer avec Yoko et moi.
̶ C’est vous deux, merci.
̶ Avec plaisir Ayame.
Je lui adressai mon plus grand sourire, heureux de la voir.
̶ Alden, je suis fière de ce que tu as accompli.
J’étais ravi, comme si ma mère me félicitait pour de bonnes notes. Tout ce que me disait Ayame me réchauffait le cœur. Comme je l’ai déjà mentionné, je commence peu à peu à construire ma propre famille dans ce monde.
̶ C’est grâce à vous tous, à votre soutien. Je vous en suis reconnaissant. Je dois faire de mon mieux.
̶ Tu n’as pas besoin d’en faire autant. Vis ta vie aussi. C’est moi qui te suis reconnaissante. Je ne me le pardonnerais jamais, tu le sais, donc le moins que tu puisses faire c’est penser à toi. Je ne t’en voudrais jamais.
̶ Je le sais, je le sais. Mais j’ai des promesses à tenir.
La musique de l’ascenseur, qui m’avait plongé dans un sentiment de terreur et d’anxiété plus tôt, me semblait désormais si agréable que je ne pouvais m’empêcher de sourire en pensant à Midori, Ayame, Yoko et à ma vie ici. Aujourd’hui, je suis empli de satisfaction et de tendresse.
Alors que nous étions tous les trois dans l’ascenseur, discutant, une sensation étrange m’envahit soudainement. Une vague de tension inexplicable me traversa, faisant frissonner ma colonne vertébrale. Je sentais comme une présence menaçante dans l’air, bien avant que le moindre son ne se fasse entendre.
La dernière fois que cela s’était produit, c’était lors de mon premier affrontement.
̶ À chaque fois que tout se déroule sans accroc…
̶ Qu’est-ce qui se passe, Alden ?
Yoko observant mon air préoccupé et agacé.
̶ Je ne suis pas sûr, mais…Quelque chose ne va pas, je ressens comme un danger imminent.
Un silence pesant s’installa dans l’ascenseur. Même avec les yeux clos, je pouvais sentir les regards d’Ayame et de Yoko sur moi. Soudain, une détonation retentit au loin, suivie de près par une série d’autres explosions. Les lumières de l’ascenseur clignotèrent, puis s’éteignirent complètement, plongeant la cabine dans l’obscurité.
̶ Qu’est-ce que c’était que ça ?!
Ayame s’écria saisie de panique.
̶ Je crains, que ce ne soit ce que je redoutais. Nous devons sortir d’ici, maintenant.
Alors que nous tentions de comprendre la situation, Ayame se mit à sonner frénétiquement. Elle alluma son bracelet holographique et son visage se crispa comme la dernière fois avec les Mechas.
̶ Tu as eu raison et tu as bien pressenti la situation, Alden. C’est une alerte sécurité. Il semblerait qu’il y ait eu une attaque terroriste dans plusieurs endroits de la ville.
La gravité de la situation nous frappa alors de plein fouet. Nous savions maintenant que nous étions pris au piège dans une situation dangereuse et chaotique. La dernière fois, nous étions là au bon moment et au bon endroit. Nous avions réussi à déjouer l’attaque. Aujourd’hui, l’attaque a déjà eu lieu et je crains que nous ayons subi des pertes. Nous devons agir rapidement pour assurer notre sécurité et celle de nos collègues…
CHAPITRE 24 - TERREUR
̶ Alden, Ayame, nous devons sortir d’ici.
Yoko, insista, sa voix maintenant teintée d’urgence.
Ayame hocha la tête, ses doigts volant sur les commandes de son bracelet holographique. Une carte de la ville s’afficha devant nous, parsemée de points rouges indiquant les zones touchées par l’attaque. Nous étions en plein cœur de la zone rouge.
̶ Nous devons rejoindre le centre de contrôle de sécurité le plus proche. C’est notre meilleure chance de faire un point sur la situation.
Ayame était visiblement impatiente, elle voulait vraiment reprendre le contrôle de la situation.
̶ Présidente, comment on va faire pour sortir d’ici. L’ascenseur est bloqué. Rester ici est dangereux.
̶ Tu as raison, Yoko.
Sans perdre de temps, j’ai sorti ma dague et l’ai transformée en une épée laser, prête à couper le plafond de l’ascenseur pour une sortie rapide et sans encombre.
̶ Qu’est-ce que tu fais, Alden ?
Ayame s’est interrogée, intriguée par mes actions.
̶ Reculez toutes les deux.
Le morceau de plafond découpé est tombé entre nous avec un bruit assourdissant, faisant trembler l’ascenseur et nous mettant encore plus en alerte.
̶ Pensez-vous pouvoir grimper ? Je vous donne un coup de main. Commençons par Ayame.
Elles ont compris mon plan et m’ont fait confiance les yeux fermés. Ayame est montée hors de l’ascenseur, sur le toit de la cabine. Puis c’était au tour de Yoko qui, tout en suivant, s’est demandée ce qui allait se passer ensuite.
̶ Comment comptes tu t’y prendre maintenant ? Nous sommes trop éloignées du prochain étage. Tu vas sauter ?
Lorsqu’elle me posa cette question, de façon incrédule. Sans hésitation, j’ai sauté de la cabine d’ascenseur, m’appuyant uniquement sur la force de mes jambes, utilisant la Source pour atterrir à l’extérieur de la cabine.
̶ C’est exactement, ce que tu as fait.
Yoko m’a regardé avec étonnement devant cette prouesse.
̶ Tu n’as encore rien vu, Yoko. Et Ayame n’est même pas surprise.
̶ J’ai vu bien mieux de ta part, franchement
J’ai alors sauté jusqu’à l’étage supérieur, à plusieurs mètres de distance. Impossible pour un humain normal, mais nous ne sommes pas dans un monde normal, et moi non plus je ne suis plus normal. Arrivé sur le bord de l’étage fermé, j’ai ouvert les portes avec force, la colère me donnant de la vigueur, pressé d’en découdre avec nos ennemis.
̶ Tu pourrais y aller plus doucement, Alden. C’est moi qui vais devoir réparer ce que tu casses.
Je suis redescendu de l’étage supérieur pour rejoindre Ayame et Yoko sur le toit de la cabine d’ascenseur.
̶ Mon département prendra en charge les réparations, pas de soucis. Ai-je dit en écartant les bras.
̶ Accrochez vous bien à moi, les filles. On va sauter.
Avec Ayame à ma gauche et Yoko à ma droite, je me propulsai jusqu’à l’étage où j’avais ouvert la porte, sans le moindre effort ni encombre. Une fois arrivés à cet étage, nous nous retrouvâmes dans un espace agrémenté de baies vitrées offrant une vue imprenable sur la ville, un véritable coin détente. C’est alors que nous fûmes témoins de l’ampleur de la catastrophe.
̶ C’est affreux.
Yoko murmura, terrorisé par la scène qui s’offrait à nous. En effet, la ville était en proie au chaos : des bâtiments en flammes, des nuages de fumée noire s’élevant un peu partout, des civils fuyant pour leur vie, des débris jonchant les rues, et même des véhicules qui, tentant de s’échapper, écrasaient malheureusement des piétons. C’était un désastre sans précédent.
̶ Alden, je vais- Alden ?
Je n’écoutais pas du tout ce que me disais Ayame.
Je brûlais de les anéantir tous, qui que soient ces individus osant s’attaquer à mon nouveau chez moi. Une rage sourde montait en moi, alimentée par ma Source, en symbiose avec ma tension, ma colère, mon esprit.
̶ Ayame, retrouve Midori immédiatement et mettez vous en sécurité. Appelle tous les Cents, je veux les avoir tous ici pour sauver cette ville.
Avec une voix empreinte de détermination, j’ordonnai à Ayame d’effectuer ma demande.
̶ Alden, que comptes tu faire ?
D’un geste brusque, je brisai l’une des baies vitrées devant moi, avec une force surhumaine.
̶ Elle était censée être incassable, c’est impensable.
Ayame était incrédule face à mon acte.
̶ Je vais détruire le Royaume d’Ezo.
Ayame se plaça devant moi, l’air grave, ce qui eut pour effet de me calmer légèrement. Je craignais un peu sa colère, il est vrai.
̶ Je vais te laisser faire ce que tu as à faire. MAIS ! J’ai besoin que tu restes en communication constante pour que je puisse te guider. Tu ne vas pas juste foncer tête baissée et tout détruire. Tu n’es pas la seule à défendre le Royaume, déclara-t-elle avec fermeté.
Elle avait raison. Mes émotions avaient pris le dessus, reléguant ma réflexion au second plan. Je ne suis pas seule à chérir ce Royaume.
̶ Yoko, va dans ton département et prépare-les méchas.
Ayame était tout aussi déterminée et ordonnai à Yoko de se hâter.
̶ Ils ne sont pas tout à fait prêt, il reste…
̶ Il ne reste rien, ils sont presque prêts.
̶ A vos ordres, Présidente.
̶ Alden, d’après ma carte, le quartier Est est le plus touché. Le 35e et le 30e sont déjà sur place. Va leur prêter main forte, les autres s’occuperont des autres secteurs touchés.
J’acquiesçai aux ordres d’Ayame. Je n’avais pas encore son expérience dans la gestion de telles situations. Il était grand temps que j’apprenne d’elle. Je m’élançai à travers la baie vitrée, sautant à travers les centaines d’étages de la tour KI. Je m’élevai dans les airs grâce à la magie du vent, sans regarder en arrière. Mon seul objectif : sauver le Royaume d’Himeji.
Je fixais mon regard vers l’ouest du Royaume, utilisant la magie du vent pour m’y diriger. Voler avait toujours été le rêve de tout être humain. Pourtant, je n’avais pas encore eu le temps d’apprécier cette capacité nouvellement acquise, surtout dans une situation qui ne donnait guère envie d’apprécier mes nouveaux pouvoirs, que j’avais mis deux mois à développer.
À mesure que je m’approchais, le stress me rongeait de plus en plus. De loin, je pouvais apercevoir une dizaine de méchas aussi imposants que la dernière fois, attaquant l’endroit avec des lasers. Deux autres silhouettes plus petites s’agitaient à travers les bâtiments, bondissant de tous côtés pour affronter efficacement les méchas.
̶ 10 contre 2. Pas vraiment un jeu équitable, hein ?
Je pesais le pour et le contre, me demandant s’il valait mieux les attaquer tous d’un coup pour les détruire ou les affronter un par un. J’avais hâte de m’en occuper rapidement pour passer à l’étape suivante. Mais dès que je suis arrivé sur les lieux, je me suis arrêté net, fixant d’un regard furieux les dix ennemis. Les deux membres des Cents avaient interrompu leur combat pour me regarder. Tout comme les méchas, ma présence avait tout stoppé. Est-ce que c’était encore mon apparence qui les laissait perplexes ? Ou bien le fait que je vole ?
̶ Je peux les pulvériser ?
Je scrutais les deux membres des Cents et leur demandais la permission de prendre le relais. Le plus jeune d’entre eux, du moins à en juger par son apparence, acquiesça timidement de la tête. Je libérais à nouveau ma dague, la faisant virevolter dans les airs avant de la récupérer dans ma main droite tel un assassin. Sans la transformer, j’y ajoutais juste une touche de magie de feu pour augmenter la longueur de la lame, puis je m’élançais sur la première cible devant moi, déterminé à la trancher en deux.
L’armure ne put résister et fut séparée en deux, chutant du ciel vers le sol.
̶ Pas de laser ! C’est le type de l’autre fois !
Ils me reconnaissent ? Comment est-ce possible, j’ai anéanti tout le monde. Y aurait-il un espion parmi nous ?
̶ Eh oh, Directeur !
Une voix m’appelait, celle du plus jeune des Cents qui s’était hissé sur un immeuble assez proche, dans les airs, pour me parler. Je descendais légèrement pour me mettre à sa hauteur et écouter ce qu’il avait à dire, mais surtout pour faire les présentations. En m’approchant, j’ai pu mieux distinguer ses traits physiques. Il avait l’apparence d’un jeune homme japonais typique, mais ses cheveux étaient légèrement plus clairs et ses yeux d’un noir profond. Dans ce monde, il est bien connu que les femmes sont souvent plus douées en magie, ce qui peut expliquer les différences significatives dans la couleur des cheveux par rapport aux standards japonais. En effet, plus la couleur des cheveux est claire, plus l’affinité avec le mana peut être élevée. Bien sûr, il peut y avoir des exceptions, même si la science a confirmé ce phénomène. Sa tenue était un mélange entre un kimono traditionnel et des vêtements streetwear contemporains, fusionnant ainsi les traditions de ce monde avec le style actuel, le tout agrémenté d’une touche technologique. Des diodes bleues ornaient sa ceinture et ses épaules, un détail qui m’était inconnu. Sans oublier ses chaussures, qui semblaient être dotées d’une sorte de spirale bleue tourbillonnante autour de ses chevilles, donnant l’impression qu’elles étaient en train de voler.
̶ Je suis Alden, tu es ?
̶ Hiro, je suis le 30e des Cents.
̶ J’aurais misé sur toi comme étant le 35e, l’autre n’a pas l’air très accueillant.
̶ Tout le monde le pense, je commence à m’y habituer. Mais les rangs ne signifient pas grand-chose.
̶ Je te suis sur ce point. Mais tu ne sembles pas surpris de me voir, en revanche.
̶ La Présidente nous a informés de votre arrivée. On sait que vous êtes un cadre chez KI et que vous venez d’un autre monde. Nous sommes directement sous vos ordres.
̶ T’es gentil, mais je ne suis pas là pour donner des ordres. Pour l’instant, on est juste des camarades, on est sur un pied d’égalité.
̶ Même niveau, je n’en suis pas sûr. Ils sont trop nombreux et on n’a même pas réussi à en écraser un seul, comparé à vous.
̶ Tu as quel âge Hiro ?
̶ Eh ? 22 ans. Pourquoi cette question ?
̶ TOUT LE MONDE À L’ATTAQUE !
L’une des armures criait parmi les autres pour commencer l’assaut.
̶ Parce que tu vas arrêter de me vouvoyer, j’ai seulement 26 ans. C’est le seul ordre que je te donne.
C’est quand j’ai demandé à Hiro d’arrêter de me vouvoyer que je me suis précipité à nouveau sur les méchas qui commençaient à m’attaquer, laissant derrière moi le 30e du classement des Cents. Ils ne recouraient pas aux lasers contre moi, préférant la force brute de leurs méchas. Heureusement, j’avais l’avantage de la vitesse. Leur armure était plutôt bas de gamme, que ce soit en raison de l’absence d’IA ou du choix des matériaux. Elle était trop lourde, point barre. Leurs méchas étaient clairement conçus pour la destruction et la défense, mais pas pour l’agilité.
Esquivant leurs assauts avec aisance, je refusais de prendre le moindre coup, ne sachant pas à quel point j’étais résistant. Par prudence, j’optais pour l’attaque plutôt que la défense. Un mécha, deux méchas, trois : ma dague était un prolongement de mon bras, tranchant bras et jambes des armures tout en évitant leurs contre-attaques. Cette stratégie me permettait de les affaiblir sans m’épuiser, me donnant l’opportunité de prendre mes distances et de les désorganiser. L’idée était de les empêcher de m’attaquer tous en même temps.
̶ Alden !
Je jetais un coup d’œil à Hiro, qui se tenait toujours au même endroit, pointant du doigt un essaim de méchas approchant depuis l’est, là où nous étions arrivés.
̶ Putain, ils ont appelé des renforts.
̶ C’est ça de s’amuser avec eux.
C’était le fameux 35e qui prenait enfin la parole. Jusqu’à présent, il s’était contenté d’observer la scène, mais il avait finalement bougé pour se rapprocher de moi, à la manière de Hiro un peu plus tôt. Il s’était positionné à une hauteur permettant d’être entendu. Leur aisance à se déplacer entre les immeubles était remarquable, tout comme leur rapidité.
̶ Je ne m’amuse pas avec eux, c’est que…
̶ Tu jauges la tactique, oui je connais la réponse.
Il avait un comportement plutôt impoli, contrairement à Hiro qui était plutôt bienveillant. Ils se ressemblaient étrangement, que ce soit au niveau des cheveux ou des yeux. Ses cheveux étaient un peu plus longs, descendant jusqu’à sa nuque. Il portait des lunettes à la pointe de la technologie reliées à un casque qui couvrait entièrement ses oreilles et s’ajustait à son cou. Malheureusement, je ne pouvais pas voir jusqu’où cela allait, car sa tenue similaire à celle de Hiro cachait le reste. Il portait une combinaison entre un kimono et une tenue de samouraï traditionnelle. À sa hanche, un fourreau de katana en dissimulait un autre. Il avait l’air d’un samouraï venu tout droit du futur.
Son visage ne laissait transparaître aucune émotion, ses yeux profonds et perçants vous mettaient mal à l’aise, comme s’ils pouvaient lire à travers vous.
̶ Puisque tu sembles si confiant…
̶ Yusuke.
̶ Ah, puisque tu sembles si confiant, Yusuke, pourquoi ne prendrais tu pas en ligne de mire les méchas qui sont blessés avec Hiro ?
̶ Je prends tes miettes ?
̶ Ne penses pas de cette manière. J’ai besoin de votre force pour protéger mes arrières.
̶ Tu ne comptes quand même pas t’occuper de cet essaim tout seul, n’est-ce pas ?
Hiro se joignit à la conversation, se positionnant juste à côté de Yusuke.
̶ Je n’ai pas le choix, je vais devoir m’y mettre si je veux qu’on les repousse. C’est bon pour vous ?
̶ Compte sur moi et mon frère, Alden.
Hiro m’a révélé ses liens de parenté avec Yusuke tout en tapotant sa poitrine avec son poing pour me rassurer. J’ai esquissé un léger sourire de courtoisie et tourné mon regard vers l’essaim de méchas.
CHAPITRE 25 -LIGNE DROITE
J’étais toujours impressionnée par la vitesse et la grâce avec lesquelles Hiro et Yusuke se déplaçaient entre les bâtiments, s’envolant pour attaquer les Mechas blessés. Leur synchronisation était parfaite, ils semblaient se soutenir mutuellement, prenant de l’élan. On aurait dit qu’ils volaient, tout comme moi.
Pendant ce temps, de mon côté, j’étais un peu désorientée par l’arrivée soudaine de l’essaim de Mechas. J’avais été dérangé dans mes pensées par mon bracelet holographique.
̶ Alden ! Midori va très bien.
C’était Ayame, j’avais oublié que notre canal de discussion était ouvert.
̶ C’est rassurant, je vais pouvoir me mettre à fond sur le combat.
̶ Cependant, nous avons des pertes à annoncer. Elle a réussi à s’en sortir indemne, mais seulement grâce à l’intervention du Directeur Shiroki.
̶ Attend tu veux dire ?
Mon cœur a fait volte-face. Nous étions avec le Directeur Shiroki tout à l’heure à la réunion. Et là…
̶ Il est mort… L’entrée de KI a été ravagée par une énorme explosion de lasers. Midori a été épargnée grâce au courage héroïque de ceux qui l’ont poussée à se mettre à terre… Elle est la seule survivante du hall d’entrée.
Cette réalité m’a glacé jusqu’au fond de mon être. Savoir que Midori était en vie m’a soulagé, mais en même temps, j’avais la gorge serrée en imaginant ce qu’elle avait dû endurer et les émotions qu’elle avait dû ressentir, cela m’a donné des frissons. Pourtant, le simple fait de penser à l’acte héroïque de ceux qui l’ont sauvée a réussi à réchauffer un peu mon cœur. Dans mon monde, on n’aurait jamais connu une telle solidarité ; au contraire, chacun aurait pensé à sa propre survie.
Ce Royaume, ce monde, incarne véritablement la cohésion et le patriotisme.
̶ Alden, je viens de voir ta situation. Je vais t’envoyer les meilleurs des Cents pour t’accompagner. Ils sont trop nombreux dans cet essaim.
̶ J’aimerais te dire que je n’en ai pas besoin, mais je ne connais pas l’étendu de mes capacités. Cela ne va pas être de refus.
̶ Tu es bien modéré, tu vas bien ?
Ça ne va pas du tout. La perte de nos collègues est une preuve que ce n’est pas un jeu. Je suis conscient que je pourrais mourir aussi. Même si je sais que je reviendrais sur Terre si je meurs aujourd’hui, je tiens à continuer à vivre dans ce monde avec tous. Je ne peux pas me permettre d’être trop confiant.
̶ En effet, je me choque moi-même.
La dernière fois, j’étais bien plus confiant, quand j’étais insouciant. Je fermais les yeux, prenais une grande inspiration, laissant la source couler en moi pour stimuler ma réflexion.
̶ Alden, je t’ai envoyé les renforts, exprima Ayame, percevant probablement mon malaise.
̶ Oui, merci, envoie les vite, répondis-je d’une voix tendue.
̶ Je suis déjà sur le coup. Garde ton sang-froid.
Comment garder son sang-froid dans une telle situation ? Je me sentais noyé sous une avalanche d’émotions contradictoires. La disparition du Directeur Shiroki, les dangers qui nous encerclaient, et cette nouvelle responsabilité qui pesait sur mes épaules… C’était trop à encaisser en si peu de temps.
Je cherchais désespérément un moyen de reprendre le contrôle de la situation. Mes doigts tapotaient nerveusement sur mon bracelet holographique. Soudain, une idée émergea dans mon esprit.
̶ Ayame, je vais essayer quelque chose. Garde-moi un canal ouvert.
̶ Compris. Bonne chance, Alden.
Je me concentrai intensément, faisant appel à toutes mes capacités. Une lumière bleue commença à émaner de mon corps alors que je fusionnais avec la source. Je me sentais devenir une extension de l’énergie elle-même, une force de la nature prête à affronter n’importe quel obstacle.
J’avais réussi à supprimer mes émotions un léger moment, afin de reprendre mes esprits et avoir l’esprit plus clair. Je ne dois pas être pris dans la roue du chagrin, cela serait trop dangereux.
Les Mechas s’approchaient toujours plus près, mais cette fois, je n’avais plus de doute. J’avais confiance en mes capacités.
Je trouve ça plutôt dangereux cette Source. Elle a la capacité d’influer complètement sur moi, sur mon libre arbitre si je le décide. On dirait étrangement une intelligence artificielle qui prend le contrôle de mon corps un instant pour décider de mes actions.
L’essaim était à portée de nous, à moins d’un kilomètre à peine. Nous les avions repérés, mais ils venaient juste de nous remarquer clairement. Lentement, je levai ma main droite et la dirigeai vers le ciel, paume ouverte. Il fallait que je lance une attaque de zone pour les faire reculer. Le geste était simple en soi, mais serait-il efficace ? L’attaque devait les éliminer en un seul coup, et compte tenu de la robustesse de leurs armures, il me fallait quelque chose de pointu et de rapide pour les abattre. Honnêtement, malgré ma facilité à reproduire les sorts que j’ai vus et même avec toutes les histoires que j’ai lues, je pourrais facilement maîtriser même les sorts les plus complexes. Mais dans des moments comme celui-ci, je me retrouve toujours à utiliser les mêmes attaques. J’ai l’impression de manquer cruellement d’imagination quand vient le moment décisif. C’est comme lorsqu’on est face à un problème de maths : on apprend la leçon et quand vient le moment de l’examen, c’est le néant..
Je visualisais une infinité de lances enflammées. Les imaginer tout en y ajoutant une magie de vent pour accroître leur vitesse était assez simple. Pourquoi se compliquer la vie quand on peut faire simple ? J’utilisais généreusement ma Source pour en créer un grand nombre. La sensation qui accompagnait le lancement de ce sort était à la fois enivrante et terrifiante. Alors que les lances en feu jaillissaient au-dessus de moi, je ressentais une connexion profonde avec la source de mon pouvoir. Chaque lance de feu que j’imaginais était une extension de moi-même. La chaleur qui émanait des flammes était presque palpable, m’enveloppant dans une aura brûlante qui me rappelait une puissance destructrice de ce que je pouvais faire aujourd’hui. Mais en même temps, je me sentais euphorique, comme si chaque lance de feu était une vengeance de cette attaque. L’ajout de la magie du vent pour augmenter la vélocité des lances de feu ajoutait une nouvelle dimension à l’attaque. Je pouvais sentir le vent tourbillonner autour de moi, amplifiant la force et la vitesse de mes projectiles enflammés. C’était comme si une tempête de feu allait s’abattre sur mes ennemis.
Je ne pouvais pas m’empêcher de ressentir une pointe de préoccupation. Je savais que chaque lance de feu que j’allais lancer représentait un risque, une responsabilité que je devais assumer face à la destruction de la ville. Mais dans l’urgence de la bataille, je n’avais pas le luxe d’une grande réflexion. Je devais agir avec détermination, détruire autant d’ennemis que possible pour assurer la survie de ceux qui me sont chers.
Ma paume se dirigea lentement vers l’essaim. Malgré la lenteur de ma demande, mes lances se propulsèrent à une vitesse fulgurante. Un enfer céleste s’abattit sur les ennemis, dont aucun ne put échapper. Certains tentaient d’esquiver, mais se faisaient transpercer juste après. Des milliers de lances furent lancées, rendant leur survie quasi impossible. Certains avaient compris qu’il fallait reculer, mais c’était trop tard, transpercés au dernier moment. Je les voyais tenter de se replier, mais avec un trou dans la poitrine, cela devait être difficile de bouger.
Les Mechas tombaient du ciel un à un, s’écrasant au sol comme des mouches aspergées de gaz mortel. Certaines lances manquaient leur cible et se plantaient dans les bâtiments, causant d’importants dégâts aux infrastructures. Le quartier Est s’étendait dans un paysage de dévastation, semblable à celui laissé par le passage de missiles dévastateurs.
̶ J’en ai peut-être trop fait.
Je regrettais amèrement la situation, malgré la réussite.
̶ Un peu trop effectivement.
Hiro me parlait à travers le canal de discussion de mon bracelet holographique. On était tellement éloignés l’un de l’autre qu’on ne pouvait pas se parler en face à face. En jetant un coup d’œil derrière moi, j’ai vu qu’ils avaient réussi à vaincre les Méchas qui nous avaient attaqués plus tôt : c’est rassurant.
̶ On va arranger ça, pas vrai ? Dis-je, tentant de me rassurer.
̶ Facilement, ne t’inquiète pas. Enfin, je l’espère.
̶ Oh là là, je vais vraiment me faire passer un sacré savon..
Je balayais la sueur de mon front, la chaleur était étouffante, mais elle me permettait aussi de réaliser la gravité de la situation dans laquelle je me trouvais.
̶ Ayame ? appelai-je.
̶ Je t’écoute Alden.
Elle répondit d’une voix glaciale, empreinte d’amertume. Je savais qu’elle était au courant de tout, après tout, qui aurait pu passer à côté de cet événement, même de l’autre côté de la ville ?
̶ Plus besoin de renforts, je suppose ?
Je posais la question timidement.
“Hm,” fut sa seule réponse, suivie d’un silence complet. Comme si elle avait coupé la communication, même si ce n’était pas le cas. Nous étions tout de même en pleine crise.
̶ Ayame, où en sommes-nous ? Où dois-je aller maintenant ?
Un appel de communication essayait de s’ouvrir sur mon bracelet, c’était Midori, et je m’empressai de répondre.
̶ Midori! Comment vas-tu? Tu as mal quelque part? Où es-tu?
̶ Tu es mignon, je vais bien, grâce à…
̶ Je suis au courant, ça a dû être horrible. Tu as été courageuse.
̶ Je suis avec Maman, ne t’inquiètes pas. Elle est un peu occupée là et surtout…
̶ Mécontente ? la coupai-je.
̶ Je ne te le fais pas dire, mais ce n’est pas contre toi. Nous devons faire des concessions face à cette attaque, et elle sait que tu n’avais pas le choix. C’était la meilleure solution, et très peu de personnes auraient pu faire ce que tu as fait. En tant que spécialiste de la magie, c’était grandiose et très rare de voir ça à l’œuvre.
̶ Merci d’essayer de réconforter.
̶ Tu réfléchis trop, je te connais. plaisanta-t-elle.
Elle avait raison, je suis toujours en train de réfléchir. Si elle savait combien de voix résonnent dans ma tête, on me mettrait en psychiatrie.
̶ Alden, les autres quartiers se sécurisent de plus en plus. Les 5 premiers Cents ont fait le ménage assez facilement des Méchas. Les autres s’occupent des soldats au sol.
̶ Des soldats ? Comment sont-ils arrivés ?
̶ Certains Méchas étaient des unités de transport, et d’autres étaient déjà infiltrés au sein de notre population.
̶ Comment la sécurité du Royaume peut-elle être si faible?
Un soupir d’exaspération m’atteignit, reconnaissable même si j’avais été sourd. C’était Ayame.
̶ Vraiment, tu sais toucher là où ça fait mal.
Je me sentais déjà un peu gênée par la situation que j’avais provoquée, et je n’arrangeais rien en plus.
̶ Désolé…
̶ Sache, Alden, que nous sommes tout autant pris au dépourvu. Nous n’avions jamais eu ce genre de problème jusqu’à présent. Ils étaient trop bien préparés.
̶ Je me rappelle que certains Méchas semblaient me reconnaître, mais ils n’ont pas du tout essayé d’utiliser leurs lasers. Je pense que nous avons une taupe.
̶ C’est fort probable, mais ce ne sera pas notre priorité pour l’instant, conclut-elle.
Des applaudissements retentissaient, perturbants, glaçant mon sang et agitant les tréfonds de mon être. Deux silhouettes se dressaient sur notre côté, presque humaines, ou du moins ce qu’il en restait. Leurs corps étaient imprégnés de technologie, évoquant des androïdes. Les applaudissements provenaient de l’homme, qui arborait particulièrement un corps parsemé de gadgets futuristes qui me laissaient perplexe. À ses côtés, la femme évoquait davantage un démon, avec son visage marqué par des implants, ses yeux et cheveux blancs émettant une aura sinistre. Bien que son apparence soit plus humaine, son équipement dernier cri accentuait son aspect démoniaque.
Je les fixais d’un regard chargé de menace, mon estomac noué par un stress oppressant en leur présence. Jamais je n’avais éprouvé une telle sensation auparavant. C’est difficile à décrire, mais c’était comme si un danger imminant se dressait devant moi, et que seule la colère pouvait me donner la force d’agir.
̶ En effet, ces deux-là sont notre priorité.
CHAPITRE 26 - DÉVOILÉ
Je n’arrivais pas du tout à détacher mon regard de ces deux individus. Je me disais que si je clignais même des yeux ils pourraient disparaître.
̶ Incroyable, c’est vraiment un cirque cette endroit. Je vais commencer à faire le ménage.
̶ Ça suffit Lieutenant Haku, nous ne sommes pas là pour faire tout foirer.
La femme stoppa l’avancée de l’homme en lui faisant signe de s’arrêter avec sa main, alors qu’il tentait de s’approcher de moi. Nous étions tous les trois en train de flotter dans les airs, et je me demandais si cela était dû à leurs équipements technologiques ou à quelque forme de magie du vent.
̶ Tu es toujours aussi ennuyeuse, Capitaine Kasumi. Toujours à vouloir suivre les règles et jouer les pantins pour nos supérieurs.
Kasumi ne répliqua pas, se contentant de fixer son regard glacial sur Haku, comme si elle essayait de le calmer par la force de sa volonté. Je sentais la tension entre eux, une tension palpable qui électrisait l’air autour de nous. Malgré sa nature apparemment belliqueuse, l’homme dénommée Haku semblait retenu par un certain respect envers sa fameuse capitaine Kasumi, comme s’il reconnaissait son autorité et son rang élevé.
̶ ALDEN !
Ayame, Midori et Hiro m’ont appelé en chœur à travers notre canal de communication. Je savais ce qu’ils voulaient me dire, probablement me prévenir de qui se tenaient devant moi. Mais j’avais déjà compris dès que je les avais vus.
̶ Pas besoin d’être diplomate n’est-ce pas ? dis-je avec un sourire en coin.
̶ Fais ce qui doit être fait, les renforts seront là dès qu’ils auront terminé de leur côté. Hiro et Yusuke seront là pour te soutenir. Et aussi…
̶ J’écoute Ayame.
̶ Évite toute action précipitée.
̶ Bien évidemment.
̶ Alden.
C’est Midori qui parla cette fois, m’appelant à son tour.
̶ Midori ?
̶ Je… Rien, ne meurs pas.
̶ J’ai des gens qui m’attendent, je ne mourrais pas.
Je jetai un dernier regard déterminé à Hiro et Yusuke, puis me préparai à affronter les ennemis qui se dressait devant nous. Quelle que soit leur raison de venir, une chose était certaine : nous ne les laisserons pas détruire tout ce pour quoi nous avions travaillé si dur à construire.
Je me suis concentré, prêt à affronter ce qui allait venir. Leur arrivée n’était pas un hasard. Il y avait trop de coïncidences pour que ce soit le cas. Mais quel était leur but ? Que cherchaient-ils à accomplir en se manifestant maintenant, en ce moment précis ?
Kasumi lança un regard à Haku, qui semblait presque impatient de se lancer dans l’action. Il émanait de lui une aura brutale, prête à exploser à tout moment. Mais Kasumi était là pour le tempérer, pour le maintenir en laisse, du moins pour l’instant.
Le silence s’installa, lourd de tension. Puis, Kasumi parla d’une voix calme mais empreinte d’une autorité indéniable.
̶ Nous ne sommes pas ici pour un conflit. Mais nous ne pouvons pas ignorer les dangers qui planent sur nous.
Je sentais leurs regards peser sur moi, évaluant ma réaction, cherchant peut-être à anticiper mes mouvements.
̶ Si vous n’êtes pas ici pour combattre, alors que voulez-vous ? demandai-je, essayant de sonder leurs intentions sans trop révéler les miennes.
Kasumi esquissa un léger sourire, presque imperceptible.
̶ Toi.
Je fus pris au dépourvu par sa réponse. Que voulaient-ils de moi exactement ? Tout ce massacre, c’est uniquement à cause de moi ?
̶ Pourquoi me voulez-vous ? fis-je, essayant de garder mon calme malgré le tourbillon d’émotions qui m’assaillait.
̶ Ah, vraiment ? Tu n’es pas au courant ? Penses-tu sérieusement que nos méchas ne sont pas équipés d’archives de nos combats ? On a tout enregistré et on sait tout. Nos espions te surveillent attentivement, crois-moi.
Je sentis mon estomac se nouer. Notre secret. Un sujet que nous avions toujours préféré laisser dans l’ombre. Mais apparemment, il a été dévoilé, et nous ne pouvons pas l’ignorer.
̶ Je n’ai rien à vous dire, déclarai-je d’un ton ferme.
Kasumi hocha lentement la tête, comme si elle s’attendait à cette réponse.
̶ Capitaine Kasumi, s’il ne veut pas venir, on le tue c’est bien ça ?
̶ Haku, calme-toi, il ne comprend pas la situation.
̶ On doit lui expliquer qu’on a besoin de ses connaissances, de son potentiel dans le développement des boucliers anti-lasers, et de ses compétences pour finaliser notre technologie. S’il n’est pas coopératif, il est clair qu’on ne peut pas le laisser vivre. Comme ça personne ne peut avancer.
Je me mis à rire, un peu soulagé, pensant qu’ils savaient que je venais d’un autre monde, mais visiblement ce n’était pas le cas. Je me moquais de ma propre stupidité. En fait, s’ils ont vu les caméras des Mechas détruites, ils ont aussi vu mes compétences. Si c’est juste ça, alors ça me va. Mais en ce qui concerne les espions, je ne sais pas ce qu’ils ont pu rapporter.
̶ Vos espions ne vous ont rapporté que ce que vos caméras ont capté ? Ils sont vraiment à côté de la plaque.
̶ Il fait le malin Capitaine Kasumi, je vais le tuer tout de suite.
Le dernier regard glacial de Kasumi envers Haku fut le point final. Il détourna même les yeux vers Hiro et Yusuke, cherchant de nouvelles cibles.
̶ Je pense que ce désastre que nous avons créé doit être à la une de toutes vos chaînes d’information et sur internet. Tu devrais être en tête de file comme le sauveur, le héros ayant détruit tous ces méchas tout seul.
Je ne parvenais pas à saisir son dessein. Mais juste après qu’elle eut fini sa phrase, en un clin d’œil, elle était à côté de moi, près de mon oreille.
̶ Tu ne voudrais sûrement pas que tous les habitants de ce Royaume sachent que tu viens d’un autre monde, n’est-ce pas ?
Un frisson glaça mon échine à l’écoute de ses paroles. Leur mission semblait clairement être tout ce que nous ne souhaitions pas. En plus du secret tant redouté, sa vitesse de déplacement était tout simplement hallucinante. Je n’ai même pas eu l’occasion de la voir arriver à mes côtés. Vitesse de la lumière grâce à son équipement ? Magie ? Tout cela restait un mystère pour moi, et je prenais conscience que je me trouvais dans une position délicate, tant sur le plan du combat que sur celui des compromis.
Mon esprit bouillonnait, je me demandais qui aurait pu divulguer mon identité, en plus de toutes nos activités dans notre royaume. Il fallait donc supposer qu’ils savaient tout.
J’inclinai la tête vers le sol, me sentant piégé, tandis que je réfléchissais à toutes les situations possibles.
̶ Incroyable Capitaine Kasumi, vous l’avez bien soumis.
Le silence qui suivit cette phrase était assourdissant. Je sentis le poids de ces révélations s’abattre sur moi, comme un coup de massue. Mes yeux, perdus dans le vide, furent soudainement attirés vers quelque chose au sol : une femme et un enfant qui tentaient de se déplacer discrètement entre les voitures accidentées, les corps étendus et les débris des bâtiments. Je me demandais ce qu’ils faisaient là, sachant que tout mouvement était extrêmement risqué et dangereux.
̶ Dangereux, hein ? murmurais-je à voix haute, laissant échapper mes pensées.
La vue de cette femme et de cet enfant, déterminés à trouver refuge malgré les dangers environnants, réchauffa mon cœur. Cette femme était prête à tout pour protéger l’enfant, même au péril de sa propre sécurité. Comparé à leur courage, je me sentais soudainement plus vulnérable, plus résigné, alors que j’étais mieux équipé pour me défendre.
Je lève les yeux vers Kasumi. Sans le vouloir, elle s’était replacée exactement là où elle se tenait auparavant, à côté de son lieutenant Haku.
̶ Lieutenant Haku, ça va être à ton tour.
̶ Je vais pouvoir le défoncer ? Tu as changé d’avis, enfin ?
̶ Il s’en fiche pas mal de tout perdre, il vient de se rendre compte qu’il n’y a qu’une seule chose qui peut le sortir de cette situation difficile.
̶ Et qu’est-ce que c’est…
Avant même que Haku ne termine sa phrase, je me précipitai vers lui, mon poing chargé de toute la puissance de ma Source. Le coup que je lui portai déclencha une onde de choc si puissante que nous fûmes tous balayés de la zone.
Le bruit assourdissant me fit perdre temporairement l’ouïe, et ce fut Hiro et Yusuke, un peu plus éloignés, qui m’attrapèrent alors qu’eux étaient protégés. Mais vu l’ampleur de la secousse, ils ont dû avoir leur estomac tortillé un instant tellement qu’il était désagréable.
Je remarquai les lèvres d’Hiro bouger, mais aucun son n’atteignait mes oreilles. Je réalisai alors à quel point mon geste était stupide. Pourtant, sans commettre d’erreurs, comment pourrais-je connaître pleinement l’étendue de mes pouvoirs ? J’étais assis sur le toit d’un immeuble, Hiro me soutenant le dos. À ma droite, Yusuke se tenait, surveillant les alentours tout en scrutant le ciel.
̶ Je n’entends plus rien Hiro.
Il se tint devant moi, accroupi, ses lèvres toujours en mouvement alors qu’il me secouait les épaules, visiblement inquiet.
Je fermai les yeux, laissant inconsciemment ma Source circuler jusqu’à mes oreilles. Dans l’obscurité, j’eus la possibilité de faire émerger progressivement une lueur réconfortante. J’imaginais le processus du bouclier laser de la dernière fois, mais là dans une sorte de magie curative. Un souvenir me vint en mémoire, celui d’une série que je regardais étant enfant, où des anges descendus sur Terre pouvaient guérir n’importe qui de leurs mains. La lumière qu’ils émettaient, le son qu’ils produisaient, tout cela m’apaisait. Leur présence dans chaque épisode me transportait, me donnant l’impression, à chaque seconde, d’être comme eux. Ma Source parvint à retranscrire ce sentiment, me faisant ressentir que j’avais exactement le même pouvoir.
̶ Alden, tu rayonnes d’une lumière éblouissante.
La voix d’Hiro parvint à nouveau jusqu’à moi. J’ouvris les yeux, fier de mon exploit. Me relevant, comme si rien ne s’était passé, je me préparai à combattre avec toute ma détermination. J’avais gagné une nouvelle capacité qui me permettrait de me soigner tout au long du combat.
̶ Merci Hiro. Yusuke, je te laisse le dégueulasse ?
Yusuke me lança un sourire particulièrement malsain, presque pervers, je dirais. Yoko avait l’habitude de dire que j’étais obsédé par le combat, mais à ce moment-là, il semblait que j’avais en face de moi un véritable professionnel de l’obsession.
̶ Tu me fais un beau cadeau là.
̶ Avec plaisir. Je vous le laisse tous les deux, vous êtes en parfaite symbiose quand vous vous battez. Cependant…
Ils semblaient perplexes à la fin de ma phrase. Je levai la main vers eux et lançai une fine barrière sur Hiro et Yusuke, les enveloppant d’une légère lumière verte. Je visualisai, comme la dernière fois, la barrière que j’avais créée pour protéger Ayame des méchas. Mais cette fois, c’était une barrière de lévitation, leur permettant de voler tant que je pouvais la maintenir.
̶ Vous allez en avoir besoin pendant ce combat.
̶ On vole ? demanda Hiro, l’air choqué.
̶ Il ne manquait plus que ça pour être à puissance maximale. Dis Yusuke, très enthousiaste à l’idée de cette nouvelle capacité.
Nous nous tournâmes tous les trois vers le même point dans le ciel. Haku et Kasumi se tenaient de nouveau prêts à combattre.
̶ Pour Himeji, déclarai-je d’une voix fière.
̶ POUR HIMEJI! répondirent Hiro et Yusuke, aussi excités que moi à l’idée du combat à venir.
CHAPITRE 27 - YUSUKE & HIRO
Le vent soufflait doucement, agitant nos cheveux alors que nous nous élevions dans les airs, portés par la barrière de lévitation que j’avais créée pour Hiro et Yusuke. Face à nous, Haku et Kasumi nous attendaient, prêts à nous défier. Haku était le plus féroce de tous, prêt à se lancer dès qu’il en avait l’occasion, tel un chien sauvage attendant le signal pour se lâcher. Mais ce qui était le plus étonnant, c’est qu’il n’avait apparemment subi aucun dommage de l’attaque que je lui avais infligée plus tôt. Aurait-il eu le temps de se protéger avec de la magie, ou peut-être une armure ? Il en était de même pour Kasumi, qui avait dû encaisser de plein fouet l’onde de choc.
̶ Bon, ils sont costauds, soupirai-je, un peu déçu.
̶ Tu pensais vraiment qu’un simple coup de poing allait nous mettre à terre ? Notre armure est conçue pour contrer les attaques physiques, répliqua le Lieutenant Haku.
Kasumi lança un regard réprobateur à Haku, comme pour lui signifier de se taire. Il posa sa main devant sa bouche, comme s’il avait commis une erreur.
Ce qui était le plus perturbant, c’était le regard insistant de la Capitaine, qui ne cessait de me fixer avec intensité. Vraiment dérangeant et intimidant…
̶ Alden…
Yusuke tremblait.
̶ Yusuke ? Tu vas bien ?
̶ C’est quand que je peux attaquer ?
Il tremblait d’excitation, pressé de passer à l’action. Je soupirai d’exaspération et lui fis un signe de la main, l’incitant à y aller. Il se lança, dégainant son katana qui n’était pas une lame en acier, mais plutôt parcourue de circuits électriques. Je me demandais si cela serait efficace. Comme à son habitude, Yusuke prit son élan, suivi de près par Hiro. Leur tactique consistait toujours à exploiter l’angle mort de l’ennemi : pendant que l’un attaquait, l’autre se positionnait rapidement pour le prendre à revers. Cela donnait l’impression que l’adversaire se battait contre une multitude d’ennemis.
̶ JE PEUX ENFIN ME BATTRE HAHA ! hurla Haku, exalté.
Haku était également obnubilé par le combat. Deux types étranges en train de se battre, ça promettait.
̶ Tu crois vraiment être le seul à posséder une armure bionique ? Moi aussi, je vais te montrer l’évolution de notre Royaume grâce à Kanegawa Industries !
Yusuke avait une confiance absolue en ses capacités. En matière de technique, il surpassait largement son frère Hiro, classé 5 rangs au-dessus de lui. Je me demandais quelle était vraiment la différence entre les deux. Hiro ne disposait ni des gadgets sophistiqués ni de la force brute de son frère. Était-ce sa vitesse qui faisait la différence ? J’avais remarqué ses chaussures, utilisant la barrière de lévitation comme un mur pour attaquer de tous les côtés, désorientant l’ennemi. Il semblait être une balle rebondissante partout dans la pièce.
Sans la barrière, il aurait probablement utilisé les immeubles environnants. Cela lui conférait un avantage considérable et une toute autre dimension à l’utilisation de ses compétences. Ce qui me tracassait le plus, c’était qu’ils n’avaient pas encore fait appel à la magie, pas une seule fois. Étaient-ils donc entièrement dépendants de leur équipement ? Parmi les 100 hommes les plus forts du Royaume, j’imaginais qu’il y avait de puissants mages.
Haku parait toutes les attaques du duo sans difficulté, mais chaque assaut le faisait reculer. Ce qui m’inquiétait, c’est que Kasumi semblait totalement calme. Cela signifiait-elle qu’elle était convaincue d’avoir toujours l’avantage ?
Ce n’était pas surprenant, mais j’avais confiance en ce que je voyais. Ils avaient réussi à vaincre les Méchas sans difficulté à deux, même s’ils avaient été endommagés par ma lame. Ils allaient y arriver. Cependant, ce sentiment fut rapidement remis en question lorsque Hiro se fit attraper à la gorge par Haku lors d’une contre-attaque rapide. Puis Yusuke prit un coup de pied au plexus, incapable de respirer malgré son armure, en voyant son frère pris au piège de l’ennemi.
Pris de court, je voulais aller les aider, mais Kasumi s’interposa, se plaçant devant moi pour m’en empêcher. J’étais frustré de ne pas pouvoir intervenir. Je contemplais la scène épouvantable devant moi : Hiro étouffé sous la prise de Haku, tandis que Yusuke commençait à perdre connaissance. C’était un moment critique. Les pulsations de mon cœur résonnaient dans mes oreilles alors que je regardais impuissant la situation se détériorer. Haku et Kasumi semblaient être sur le point de remporter la victoire, et mes camarades étaient en difficulté.
Soudain, une voix, faible mais déterminée, brisa le silence. C’était Hiro, luttant contre la prise de Haku avec une force incroyable.
̶ Yusuke… Nous… ne pouvons… pas… perdre… comme ça… articula-t-il avec peine, son regard fixé sur son frère.
Inspiré par la détermination de son frère, Yusuke rassembla son mana. Une lueur de défi brûlait dans ses yeux alors qu’il se remettait du coup précédent. Réunissant son mana, il se redressa, prêt à combattre. Jusqu’à présent, ils n’avaient donc pas du tout utilisé leur mana. Je vis leurs armures s’illuminer et les résidus de mana les entourer. C’était donc ainsi qu’ils se battaient en réalité. Leurs armures s’amélioraient et devenaient plus efficaces grâce à leur magie.
Haku, réalisant que la situation prenait un tournant inattendu, pressa son étranglement sur Hiro avec une fureur renouvelée. Mais cela s’avère inefficace, car la lame du Katana de Yusuke se planta dans le bras d’Haku où il étranglait son frère. Hiro était libéré de l’emprise de son ennemi. Haku et même Kasumi était surpris par cette attaque qui avait fonctionné.
̶ Tu disais que les attaques physiques ne fonctionnaient pas, n’est-ce pas ? Alors, si j’infuse mon mana dans mes armes, cela devient une attaque magique, non ?
Yusuke avait saisi comment contourner l’armure de Haku, mais cela ne suffirait pas à remporter le combat pour autant. L’ennemi retira l’arme de son bras et tenta de la casser, déclenchant ainsi un court-circuit avec l’armure d’Haku, le neutralisant pendant quelques instants. Hiro avait également utilisé son mana, et sa vitesse était maintenant non pas 10 fois, mais 20 fois plus rapide. Je restais bouche bée devant ce spectacle. Ses mouvements étaient à peine perceptibles pour moi. Cependant, Yusuke récupéra son katana sans encombre grâce à l’intervention de Hiro, et en profita pour poursuivre l’attaque. Maintenant, c’était à Kasumi d’essayer de sauver son petit camarade.
Je me précipitai devant elle pour l’interrompre, prêt à entrer moi aussi dans la mêlée. Attendre était trop difficile, je ne pouvais pas rester là à simplement regarder mes camarades se donner à fond pendant que je restais les bras croisés.
Tenant ma dague en position de combat, je fixai Kasumi qui semblait réticente à adopter le même état d’esprit que moi.
̶ Tu es sûr de toi Alden ?
̶ Je n’ai jamais été aussi prêt.
C’est à la prononciation de mes mots que j’ai ma respiration qui s’est coupé, comme Yusuke précédemment. Kasumi était à côté de moi, son poing dans mon ventre. Je me rappelais de sa vitesse phénoménale qu’elle possédait. Mais, je ne suis plus la personne naïve d’il y a deux mois qui ne connaissait aucune technique. J’utilisais instantanément ma magie curative, reprenant ma respiration. Je ne sais pas qu’utiliser ma Source, la déesse Tellus m’a fait acquérir le Mana. J’utilisais donc une magie de renforcement et utilisais la Source pour augmenter mes capacités de réaction. Je pris son bras avec mes deux mains qui était au niveau de mon ventre et je serais de toute mes forces mon emprise, l’empêchant de partir. Elle se débattait, mais je la voyais surprise à ne pas y arriver.
̶ Toi… Comment-tu fais pour ne pas utiliser d’incantations pour tes sorts. Tu as utilisé 3 sorts d’affilés.
̶ Tu l’as dit toi-même. Je viens d’un autre monde. C’est le seul avantage que J’AI !
Je libérai mon bras droit de l’emprise que j’avais sur celui de Kasumi. Dans mon esprit, je visualisai du métal en fusion qui se solidifiait au contact de l’air, devenant de plus en plus solide à une vitesse fulgurante, transformant mon bras droit grâce à ma Source. Prêt à l’attaquer, j’avançai, ma main gauche pressant fermement son bras pour la rapprocher de moi, prêt à l’asséner d’un coup de poing redoutable qui l’envoya loin du champ de bataille. Lorsque mon coup de poing est parti, c’était comme si le temps s’était ralenti, chaque instant étiré à l’infini. La force brute de l’impact m’a traversé, accompagnée d’une onde de choc qui a parcouru mon corps.
Je la suivais de près alors que je volais vers l’endroit où Kasumi allait atterrir, déterminé à ne lui laisser aucun répit. Il fallait en finir rapidement. Cependant, elle se repositionna en plein vol, adoptant une posture de combat. Voyant cela, je reproduisis la même technique qu’auparavant, mais cette fois, ce sont mes deux bras qui se recouvrirent de métal en fusion. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, cette armure était étonnamment légère, comme une seconde peau.
Je préparai mes poings, prêt à engager le combat rapproché, tout en me dirigeant vers elle à une vitesse fulgurante.
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